Professions réglementées : comment aller au delà du projet de loi Macron

L'autorité de la concurrence propose d'aller bien au delà de ce que prévoit le projet de loi Macron, dans le domaine des professions réglementées. par Renaud Christol counsel cabinet August & Debouzy

Alors que l'examen en commission du projet de loi pour la croissance et l'activité (« le projet de loi Macron ») a débuté le 12 janvier, l'Autorité de la concurrence, qui avait été saisie du sujet par le ministre chargé de l'Économie le 3 juin dernier, vient de rendre public un  - foisonnant - Avis et les 80 propositions qu'il contient. L'Autorité de la concurrence souhaite que son Avis soit « une contribution utile pour le débat parlementaire qui s'ouvre bientôt »[1].

 Dans la logique du projet de loi Macron

L'Avis, « s'inscrit dans la logique du projet de loi, dont il soutient les orientations »[2]. L'Avis est favorable aux dispositions qui prévoient que les tarifs des officiers publics ministériels, des administrateurs et des mandataires judiciaires soient orientés vers les coûts de ces prestations et qu'un corridor tarifaire composé de prix plafonds et de prix planchers soit instauré (article 12 I du projet de loi Macron). De même, l'Avis est favorable aux règles d'installation des notaires, huissiers de justice et commissaires-priseurs judiciaires prévues aux articles 14 à 17 du projet de loi Macron, à la simplification du recours au salariat dans les offices publics et ministériels prévue par l'article 18 de ce projet et aux modifications envisagées par l'article 22 du projet sur la composition du capital des sociétés d'exercice libéral.

 Des sujets non traité par le projet: la question des monopoles

Cela étant, l'Avis, « porte également sur des sujets non traités dans [le projet de loi Macron] »[3] afin d'instaurer des touches de concurrence significatives dans l'activité des professions juridiques réglementées.

 Ainsi, l'Avis rappelle que le monopole est « la forme la plus intense de restriction de concurrence » et souligne qu'il est en conséquence « légitime de vérifier que les motifs qui ont présidé à l'octroi de ce monopole subsistent ». L'Avis apporte même sa contribution au débat lancé par l'ancien ministre chargé de l'Économie en ajoutant que « [c]ette vérification est d'autant plus nécessaire lorsque le niveau de revenu des professions concernées laisse supposer qu'il existe peut-être une rente induite par une régulation insuffisante ».

 Simplifier les procédures

Parmi les nombreuses propositions sur le sujet des monopoles, on peut relever que pour les notaires, l'Avis ne souhaite pas de remise en question absolue de leur monopole sur l'activité d'authentification des actes mais plutôt un retrait de certains actes de la liste qui nécessitent une telle authentification, comme par exemple les cessions de créance, les baux ruraux cessibles ou les baux commerciaux des locaux de débits de boissons.

Pour ces actes, l'Avis estime que l'acte sous seing privé ou l'acte d'avocat pourrait être suffisant. De même, l'Avis souligne la sécurité juridique supérieure qu'apporte la signification par huissier de justice et ne propose pas de supprimer le monopole des huissiers de justice sur cette activité mais plutôt, d'une part, de privilégier les envois par courrier simple ou par lettre AR lorsque la sécurité juridique maximale n'est pas nécessaire et, d'autre part, de généraliser la signification par voie dématérialisée à toutes les personnes morales avec une réduction du tarif de cette signification.

 Supprimer certains monopoles des notaires et commissaires priseurs

 L'Avis propose également la suppression, ou plutôt l'élargissement, de certains monopoles. Pour ce qui concerne les ventes judiciaires, l'Avis préconise la suppression du monopole de fait des notaires sur les ventes judiciaires de biens incorporels ainsi que celle du monopole des commissaires-priseurs judiciaires sur les ventes judiciaires de biens corporels réalisées sur leur commune de résidence. L'objectif est d'instaurer un monopole partagé entre les commissaires-priseurs judiciaires, les huissiers de justice et les notaires pour toutes les ventes judiciaires et de soumettre ces différents professionnels aux mêmes règles afin « que la concurrence des professionnels se fasse exclusivement par leurs mérites et par la qualité de leurs prestations ».

L'Avis propose également de permettre le remplacement des mandataires judiciaires par les huissiers de justice et les commissaires-priseurs dans certaines procédures. Ces derniers pourraient assurer les fonctions de liquidateur dans les procédures de liquidation judiciaire des entreprises qui n'emploient aucun salarié et dont le chiffre d'affaires n'excède pas 300 000 euros. Cette mesure pourrait être la première étape vers la création d'une grande profession de l'exécution forcée.

 Une nouvelle méthode de tarification pour les professions réglementées

Pour ce qui concerne les aspects tarifaires, l'Avis suggère une méthode de fixation des tarifs et anticipe ainsi sur la consultation pour avis de l'Autorité de la concurrence qui est prévue par l'article 12 I du projet de loi Macron avant fixation des tarifs par décret en Conseil d'État. L'Avis écarte fort opportunément la définition du tarif de chaque acte à partir de leur coût individuel en ce qu'elle serait coûteuse et difficile à mettre en œuvre et privilégie l'orientation du revenu global des professionnels vers leurs coûts globaux majorés d'une marge raisonnable en définissant une baisse moyenne pour l'ensemble des actes.

Surtout, l'Avis propose, de façon particulièrement novatrice, de mettre en œuvre des adaptations particulières des tarifs, profession par profession : notamment la possibilité pour les notaires de pratiquer librement des remises (qui stimuleraient la concurrence en prix), la détarification des activités en concurrence (par exemple la négociation immobilière et l'établissement de déclarations de succession), la forfaitisation des actes et formalités les plus simples accomplis par les huissiers de justice, la différenciation des tarifs entre la signification par voie papier ou électronique et la réduction du tarif dans ce dernier cas, la détermination de la rémunération de l'administrateur judiciaire sur la base de critères plus fins et précis que ceux utilisés actuellement.

 Plus de transparence

L'Avis anticipe également sur les mesures de transparence tarifaire qui devraient être prises par le ministre de l'Économie à la suite de l'adoption du projet de loi Macron (article 12 II). Il insiste sur la nécessaire information des usagers sur les tarifs et propose que les professionnels publient leurs tarifs sur leurs sites internet, ce qui permettrait à certains professionnels en concurrence de faire bénéficier les consommateurs de leurs coûts inférieurs. Il suggère également que la facturation des frais de notaire soit clarifiée au stade de la provision sur frais par une distinction entre les émoluments, les taxes et les débours prévisibles.

 Les propositions formulées par l'Avis tendent manifestement à l'instauration de davantage de concurrence dans les professions juridiques réglementées tout en maintenant les fondamentaux de ces professions. À n'en pas douter, les consommateurs et les professionnels tireraient avantage de cette concurrence. Il serait donc fort opportun que l'Avis soit entendu dans le cadre du débat parlementaire long et passionné (plus de 1 600 amendements sont annoncés) qui vient de débuter.

[1] Communiqué de presse de l'Autorité de la concurrence du 13 janvier 2015.

[2] Ibid.

[3] Ibid.

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Commentaires 16
à écrit le 28/01/2015 à 23:23
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Une fois de plus, une clique de technocrates ignorants de la réalité du terrain va pondre une usine à gaz soit un beau foutoir à venir!

à écrit le 19/01/2015 à 8:20
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la montagne a accouché d'une souris; encore serait-ce un grand prodige:de la matière inerte ,fût-elle énorme,enfantant du vivant,fût-il minuscule! la loi Macron a donc accouché d'une montagne: énorme tas de cailloux, impressionnant mais inutile.Pourq...

à écrit le 15/01/2015 à 17:07
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Les parlementaires s'en prennent à l'accès aux professions juridiques sauf à celle ( avocat) dont ils ont l'équivalence par leur fonction d'élu y compris sans avoir aucune formation juridique au départ. Curieux non ?

à écrit le 15/01/2015 à 16:49
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C'est amusant on fait des Parlément, des gouvernément, des émoluements étrangers et des règlET-MENT! A quand les présiments poil au dents ou présilent! Plus y a de normes, plus y a de croissance, c'est la croissance CAF? Pourquoi ne pas doubler ...

à écrit le 15/01/2015 à 16:47
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Il est normal de faire du jour dans les professions réglementées, car tous ces nantis n'ont jamais connu la crise et le pire, c'est que leurs tarifs et émoluments n'ont cessés d'augmenter pendant cette période. Alors oui à une réforme de ce coté là...

le 16/01/2015 à 9:56
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Ce ne sont pas les tarifs qui ont augmenté, ce sont les taxes. A titre d'exemple, en janvier 2015, alors que l'Etat travaille depuis quelques temps déjà à la baisse du tarif des huissiers de Justice, il en profite pour augmenter de 22% la taxe forfai...

le 20/01/2015 à 21:10
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Nanti..... le type qui après 12 ans de boulot en tant que salarie, achete une étude 400000€ soit 3000€ de remboursement par mois, qui a 8 salariés, bosse 10 h par jour, a un reste a vivre de 3000€ par moi--/ ce type il est content de travailler mais ...

le 07/04/2015 à 15:59
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A Leon : Nous sommes en réalité loin du reste à vivre de 3000 € par mois. Je te conseille la lecteur du rapport de la dgfip sur les professions reglementées. Le "reste à vivre" comme tu dis est plutôt de l'ordre de 30.000 € par mois en moyenne pour...

à écrit le 15/01/2015 à 16:00
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Il est important de revoir à la baisse les émoluments de tous ces rapaces qui profitent largement du système sans trop se fatiguer.

le 16/01/2015 à 10:04
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Sans trop se fatiguer ??? Vous connaissez les heures de travail des Huissiers, Notaires et autres ? Ils ne sont sûrement pas aux 35h mais plus aux 55h. Et surtout, pensez-vous aux employés de ces branches qui eux non plus, ne sont pas tous aux 35h et...

le 18/01/2015 à 23:24
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Qui dit ça? Un fonctionnaire aux trois mois de congés maladie?

à écrit le 15/01/2015 à 14:51
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par contre tous ces nantis du gouvernement ne font aucune proposition restrictive en ce qui les concerne, à part eux, personne n'a la droit de gagner de l'argent

à écrit le 15/01/2015 à 14:06
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Aucune chançe de voir la drouate courageuse sur ce dossier

à écrit le 15/01/2015 à 12:28
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Et on fait sauter le numérus clausus au moins pour la médecine.

le 15/01/2015 à 13:32
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on forme déjà trop de médecins !Il n'y a pas de numerus clausus des médecins à l'installation à la différence des pharmaciens mais juste un concours à l'entrée des études pour éviter que trop d'incapables puissent obtenir le diplôme: c'est pas toujou...

le 15/01/2015 à 16:03
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Pendant qu'on y est, il serait de bon ton d'instaurer un numérus clausus également pour l'assemblée nationale, le sénat, ainsi que toutes les représentations républicaines qui ne servent à rien.

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