Passer de la recherche académique aux succès commerciaux, le défi français

La France est toujours citée en exemple pour sa recherche académique, mais reste faible en innovations traduites par une succès commercial. Comment changer cette situation? Par Pierre Moustial, Directeur Général des Laboratoires Urgo

Nous entendons souvent dire « en France, vous avez une excellence recherche académique » et moins souvent « vous avez su créer de véritables succès commerciaux ». Inutile de rappeler les innovations de niveau mondial issues de la recherche française que nous n'avons pas su transformer en réussite commerciale (le pompage optique pour le laser, le magnétisme permanent pour le disque dur...). Malheureusement, le monde des Medtechs n'échappe pas à cette règle. Il y a beaucoup de balles qui passent à travers la raquette ... Et ce n'est pas en conservant les mêmes habitudes que nous changerons les résultats !

Augmenter nos chances de succès

Alors, que pouvons-nous faire de nouveau pour augmenter nos chances de succès et transformer nos bonnes idées en innovations rapidement disponibles pour les patients ?
Au sein des Laboratoires URGO, nous travaillons depuis de nombreuses années sur trois pistes pour relever ce défi et changer les idées reçues sur les innovations françaises :
1. Mieux collaborer avec les chercheurs du secteur Public,
2. Mieux nous organiser au sein de nos entreprises et investir dans nos outils industriels,
3. Fédérer et soutenir des talents complémentaires dans nos filières métiers pour industrialiser et commercialiser nos innovations de rupture.


Mieux collaborer avec les chercheurs du secteur Public

Il y a 5 ans, nous avons décidé de lancer des défis de recherche aux chercheurs académiques sur de thèmes aussi variés que « pourquoi les moules collent aux rochers en milieu humide et quelles applications en tirer dans la cicatrisation ? » ou « observons la nature, quel sera l'agent anti-infectieux de demain ? ». Ils ont relevé ces défis avec enthousiasme et les résultats sont là. Cette démarche de défi permanente nous a permis de signer 25 contrats de recherche partenariale et de faire collaborer nos 50 chercheurs avec pas moins de 150 chercheurs de laboratoires publics renommés aussi divers que ceux du CNRS, Inserm, de centres hospitalo-universitaires (IHU Marseille, Lyon), d'Universités (Laboratoires communs Université de Pau, ou de Grandes Ecoles ESPCI, Mines Paris Tech).

Cesser de croire au "sans usine"

Mieux nous organiser au sein de nos entreprises et investir dans nos outils industriels
Il faut tout d'abord arrêter de croire au mythe du « sans usine » car dans les métiers du Dispositif Médical, nous pratiquons la double innovation, celle du produit et celle du process industriel. Les Laboratoires Urgo ont ainsi investi l'an passé 7 millions d'euros pour créer une unité de « transposition industrielle », nous permettant de traverser la « vallée de la mort », c'est à dire le passage de la phase de recherche à celle d''industrialisation de nos produits. Depuis 5 ans, nous avons investi près de 100 millions d'euros en Recherche et Développement et 25 millions d'euros dans nos sites industriels français. Car, dans notre secteur comme dans beaucoup d'autres, l'innovation et l'industrie sont deux piliers clés de la réussite, en France comme à l'international.

Fédérer des talents complémentaires dans nos filières métiers pour industrialiser et commercialiser nos innovations de rupture.

Chacun peut faire le constat que, au sein de son de métier, le nombre de concepts et de connaissances est exponentiel, il est impossible de prétendre tout savoir et tout maîtriser! Ainsi, nous avons multiplié les contacts auprès des Start up et PME françaises de notre environnement pour enrichir nos pistes de développement. Nous avons été frappés par la richesse créative des équipes rencontrées et finalement beaucoup d'idées nouvelles sont apparues.

Plusieurs exemples peuvent être cités.

Ainsi, nous avons signé un partenariat qui rassemble de façon inédite le secteur public, la sphère privée industrielle et une start up : la DGA, Texinov (une PME), Greentech (une start-up issue de l'Université de Marseille) et Urgo, pour développer un produit qui combat l'infection.
Autre exemple, un consortium, financé par l'Union Européenne, qui regroupe outre Urgo, deux universités allemandes, un centre technique suisse, une société britannique et une entreprise chypriote, a permis de monter un programme sur les bénéfices possibles de l'opto-électronique dans le domaine médical ... Dans beaucoup de cas, le soutien de la BPI ou de la DGE a été déterminant car leurs équipes ont accompagné nos initiatives et ainsi permis de réduire l'exposition aux risques de chacun des partenaires. La BPI a ainsi servi de catalyseur pour l'amorçage de deux programmes de recherche dans les lasers et dans les applications 3D.

Un Etat qui se veut stratège... mais ne facilite guère les mises sur le marché

Bref, presque « tout va pour le mieux dans le meilleur des Mondes ...». En France, L'Etat se veut stratège. Il favorise la recherche par le CIR. Il favorise le développement des PME par la politique de filière et par la Banque Publique. Et cette politique paie, le nombre de créations d 'entreprise en témoigne.
L'association InnoTechmed, créée en 2013 pour favoriser la mise sur le marché des innovations, rassemble 25 start-ups de classe mondiale dans les technologies médicales.
Pourtant combien de produits innovants sont commercialisés en premier en Allemagne ou aux USA en raison de la complexité des mises sur le marché en France. Que de gâchis pour le patient, pour le médecin, pour le contribuable et pour nos start-ups qui ne s'appuient pas sur leur propre marché domestique pour réussir à l'international !
Aussi pour vraiment être dans le « meilleur des mondes », nous formulons un vœu.
C'est que l'Etan facilite la mise sur le marché de nouveaux produits dans les mêmes conditions d'attractivité que les pays les plus performants en la matière. Ces pays ont compris que l'innovation a, comme Janus, un double visage, composé de deux faces indissociables : l'innovation qui se crée et l'innovation qui se vend.

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Commentaire 1
à écrit le 13/02/2015 à 6:46
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Les nombreuses start up qui se lance à partir dune idée technologique nouvelle, se cassent la figure car elle font une erreur: croire qu'une bonne idée ou un bon produit suffit. Et non, il faut encore le faire connaître et le vendre. Bien souvent e...

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