Quel niveau d'émission de carbone pour un bâtiment ?

Quel est le niveau d'émissions en carbone d'un bâtiment? Les évaluations doivent être précisées. par Hervé Thelinge, président d'Energies et Avenir

L'année 2015 sera cruciale pour la transition énergétique dans le secteur du bâtiment. Le projet de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte, qui devrait être adopté prochainement, aura un impact déterminant sur la réglementation encadrant les systèmes de chauffage des bâtiments neufs et rénovés.

Tel qu'adopté par l'Assemblée nationale et le Sénat, le texte prévoit désormais qu'un décret déterminera un plafond d'émissions de gaz à effet de serre dans les constructions neuves ainsi qu'un mode de calcul de ces émissions futures, pour une application dès 2018, au lieu de 2020.

 Un risque de déstabilisation de la filière

Une telle anticipation du calendrier de mise en œuvre de la réglementation thermique (RT) risque de déstabiliser profondément la filière. En effet, au même titre que le secteur du bâtiment souffre de la crise du logement dans le neuf, la filière de l'énergie a tout autant besoin de normes simplifiées et de visibilité à moyen terme. Or, l'ajout d'une contrainte supplémentaire et le délai restreint laissé aux industriels pour innover et s'adapter à cette nouvelle exigence ne peut qu'accroitre les coûts de construction et prolonger la crise.

Par ailleurs, si le texte est malgré tout adopté en l'état, les pouvoirs publics devront conduire un travail approfondi avec les acteurs concernés pour définir de manière pertinente et consensuelle une méthode de calcul permettant de déterminer les émissions de gaz à effet de serre des futurs bâtiments. Le principal défi concernera le calcul du contenu carbone de l'électricité. Il s'agit d'une étape complexe mais néanmoins indispensable.

 Comment évaluer le contenu carbone de l'énergie électrique?

Les contenus carbones (calculé en grammes de CO2 par kilowattheure - g/kWh) des énergies traditionnelles comme notamment le gaz naturel, le propane ou le fioul domestique sont connus, simples à calculer et stables dans le temps. En effet, les sources de production et de transport qui émettent du CO2 pour ces énergies resteront similaires à celles d'aujourd'hui sur le long terme.

En revanche, concernant les émissions dues à la consommation d'électricité, il n'existe aucun calcul consensuel pour les constructions neuves. En effet, l'ADEME a présenté en 2011, pour l'électricité, un niveau de 210 g/kWh par la méthode dite « d'évaluation moyenne saisonnière » ; mais en limitant l'application de cette méthode à des bilans énergétiques et en précisant qu'elle ne pouvait pas être utilisée pour évaluer l'impact en termes de gaz à effet de serre de futurs projets. Ce niveau d'émission de CO2 de l'électricité peut monter jusqu'à 700g/kWh (RTE - ADEME 2007) en utilisant une « méthode marginale par usages » qui évalue plus spécifiquement les impacts de futurs projets ou programmes d'efficacité énergétique.

Une différence aussi importante s'explique par la grande diversité des modes de production d'électricité en France qui varient en fonction des usages et des périodes de l'année. De plus, les moyens de productions vont évoluer en raison notamment de la réduction de la part du nucléaire dans ce mix et de la saturation des centrales actuelles. Les constructions neuves équipées de chauffages électriques devront faire appel à de l'électricité produite à partir de sources d'énergie traditionnelles qui ne feront qu'accroître le contenu CO2 de l'électricité. Ce nouveau mix énergétique amplifiera les pointes hivernales auxquelles la production et le réseau électrique répondent déjà très difficilement.
Pour toutes ces raisons, une méthode « moyenne » ou « historique », basée sur les contenus et les consommations de ces dernières années, ne peut en aucun cas être utilisée pour définir les émissions CO2 futures de l'électricité.

Actualiser les calculs

Fort heureusement, d'autres méthodes de calcul des émissions de gaz à effet de serre existent et tiennent compte de l'évolution des modes de production et des nouvelles demandes (création, suppression ou modification de générateurs, association d'énergies). Il s'agit notamment de la méthode dite «prospective incrémentale », qui sert de base à une méthode reconnue au niveau mondial et développée par le GHG Protocol.

Par conséquent, il est urgent que les pouvoirs publics réunissent au plus vite l'ensemble des parties prenantes afin d'aboutir à un consensus sur les méthodes de calcul des émissions de CO2 et leurs domaines d'emploi. La réactivation du groupe de travail « Base Carbone » de l'ADEME doit permettre ce travail et assurer notamment l'actualisation du contenu CO2 de l'électricité afin de refléter l'évolution du mix et des usages de l'électricité.

C'est pourquoi Energies et Avenir demande depuis plusieurs années la création d'un Observatoire du CO2 qui permettrait de poser une base solide mais aussi de prendre en compte les évolutions du contexte énergétique et celles des connaissances scientifiques. Cet observatoire ferait office de « juge de paix » pour l'ensemble des filières et pourrait à terme promouvoir une méthode de calcul européenne reconnue et partagée.


Hervé THELINGE
Président d'Energies et Avenir

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Commentaires 4
à écrit le 05/03/2015 à 8:06
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Plantez des arbres au lieu de fiscaliser!

à écrit le 04/03/2015 à 19:33
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Déjà, IMPOSER un chauffe-eau solaire à toute construction devrait être fait. Mais je suppose que les lobbyes sont forcément contre... Ce qui ne rapporte pas assez n'est pas "écolo"...

le 05/03/2015 à 8:31
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La France (sauf l'extrème sud) est très peu ensoleillée l'hiver. Le chauffe-eau thermodynamique est bien plus utile dans le climat doux de la France moyenne.

à écrit le 04/03/2015 à 15:03
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Et toujours rien sur l'énergie grise des bâtiments ! (énergie "emmagasinée" ayant été nécessaire à sa construction. Cela représente aujourd'hui plusieurs années de consommation du bâtiment !)

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