Les PME doivent s'approprier BPI France !

La Banque publique d'investissement doit valoriser sa singularité afin de favoriser la relance de l'activité dans les territoires. Par Bernard Cohen-Hadad, Président du think tank Etienne Marcel

Alors que la mission d'information de l'Assemblée Nationale sur la banque publique d'investissement BPI France, poursuit ses auditions, on peut se demander si l'exercice ne vient pas un peu tôt. En effet, BPI France à juste deux ans. Mais l'exercice voulu par Claude Bartolone, président de l'Assemblée Nationale, a le mérite de mettre les choses en lumière et d'ouvrir le débat. Les chiffres de BPI France sont publiés, connus comme ses résultats. Et l'appréciation de son action ne peut se mesurer que dans la durée auprès des acteurs économiques dans les territoires. Quant à sa réussite on ne peut la limiter à un niveau organisationnel ou à une valeur comptable mais à sa capacité de répondre concrètement aux attentes des PME et à intégrer sur le long terme leur univers. Une banque publique existe bel et bien aujourd'hui en France, mais joue-t-elle réellement son rôle ?

 Un silence des politiques, lourd d'indifférence et de conformismes

Dans notre pays, face au marché bancaire détenu majoritairement par le secteur privé, et face aux outils de financement publics, atomisés et "baronnisés", la création d'une banque publique d'investissement n'allait pas de soi. Et nous n'étions pas nombreux dès 2011 à demander la création d'un tel organisme. Le silence sur le sujet d'une partie du monde économique était lourd d'indifférence, de conformismes et de « nous verrons bien »... Pourtant, il était devenu indispensable dans la crise financière d'identifier puis de regrouper, en un seul organisme, tous les métiers publics du financement des entreprises. Un guichet unifié (et non pas un guichet unique !) condition sine qua non d'efficacité pour: sauvegarder et renforcer une partie des soutiens publics aux PME dans les territoires, mettre en place un interlocuteur réactif quelle que soit la taille de l'entreprise, garantir l'intérêt général et éviter les clientélismes politiques ou économiques grâce la Caisse des Dépôts à la manœuvre.

Une feuille de route méthodiquement suivie

L'élection de François Hollande, à la Présidence de la République, a été le déclencheur d'un projet qui n'allait pas de soi. Maigre consolation, sans doute, pour beaucoup d'entrepreneurs puisqu'en 2014 plus de 63 000 d'entreprises ont cessé leur activité. Dans une situation économique difficile, BPI France a donc suivi méthodiquement sa feuille de route. Sa gouvernance est participative avec la présence d'élus, d'entrepreneurs et de salariés.

Elle a su grandir progressivement et regroupe aujourd'hui six métiers à destination des entreprises: la garantie bancaire automatique à concurrence de 200.000 euros actionnée directement par les banques universelles; le crédit de court terme, crédit-bail, prêt au développement et le CICE ; le financement de l'innovation avec le développement des « techs » et un démarrage vers les innovations d'avenir; les fonds propres, les fonds directs vers les ETI, les grandes entreprises ou vers la Bourse ses PME (EuroNext) enfin le capital développement avec des tickets PME de plus d'un million d'euros. Sur le papier BPI France est donc une réussite d'autant qu'elle a su, après un démarrage surprenant, parler d'une seule voix, mobiliser les compétences des équipes d'Oséo et tirer le meilleur des talents du portefeuille client détenu par le FSI, FSI Région et CDC Entreprises.

Gagner encore des parts de marchés dans le cœur des entrepreneurs

 Pourtant, tout ne va pas pour le mieux dans le meilleur des mondes. BPI France, doit gagner encore des parts de marchés dans le cœur des entrepreneurs. Compte-tenu des outils performants mis à disposition, elle mérite beaucoup mieux qu'un succès d'estime.
C'est pourquoi l'on attend beaucoup de cette mission parlementaire et de l'affirmation claire du positionnement dans l'avenir de BPI France. Les débats publics, en cours, sont l'occasion de le dire fortement. BPI France ne doit pas devenir une banque comme les autres. Car elle ne l'est pas. Elle doit rester prioritairement une banque publique proche des PME et des territoires. Elle doit, dans les territoires, accompagner les politiques publiques, et se tourner sans complexe vers toutes les PME, et même les TPE, qui ont un projet d'avenir.

Dénicher des PME à soutenir

La présence d'entrepreneurs dans ses conseils d'administration ou d'orientation est une bonne chose mais n'est pas suffisante. Pour relancer la machine, elle ne doit pas avoir d'états d'âme et soutenir les entreprises de croissance, les PME à fort potentiel, celles qui veulent faire bouger les lignes sans pour autant négliger de mettre l'expertise de ses métiers à la disposition des PME de toutes tailles. Son rôle est d'avoir de bons résultats financiers mais aussi de faire de la pédagogie et de dénicher les PME qu'elle peut suivre, accompagner, dans leur développement. Les encourager au défi de l'export vers nos partenaires européens ou vers les pays tiers. Ici le partenariat avec Business France est incontournable. Notre banque publique doit aller vers les PME car, dans une économie mondialisée, les entrepreneurs patrimoniaux ne peuvent pas tout savoir ni tout faire seuls.

Savoir rester différente

Pour réussir BPI France doit savoir rester différente, c'est-à-dire une vraie banque publique. Lui assigner des missions qui ne sont pas les siennes ou l'entraîner dans des participations hasardeuses pour des raisons politiciennes seraient grave une erreur. BPI France n'a pas les moyens d'un échec, ni de soutenir des entreprises publiques ou privées en perditions, ni de saupoudrage hasardeux. On sent une attente déçue chez une partie des petits entrepreneurs et chez certains politiques qui attendent de BPI France une solution pour tout, surtout pour l'impossible. C'est qu'elle est perçue, à tort, comme le veau d'or.

Comme toute structure économique BPI France est soumise à un budget et des résultats, à la concurrence des marchés, à des contrôles dont le plus important est la justesse de ses choix. Ses objectifs sont donc de mettre, dans un monde qui bouge, à disposition des entrepreneurs les moyens de leur croissance. Et depuis sa création, le monde du financement des PME a changé. L'éventail des outils privés de financement à destination des PME s'est étoffé. Après leur aggiornamento prudentiel, les banques universelles sont redevenues agressives commercialement sur le secteur des TPE et des PME avec des propositions fortes et des taux concurrentiels. Bien entendu, les TPE ou PME fragiles ont toujours des besoins de fonds de roulement et de crédits de trésorerie. Mais, indicateurs de la Banque de France à l'appui, le problème du financement des PME patrimoniales est d'abord un problème de demande et non un problème d'offre.
Pour étayer sa réussite, elle doit donc valoriser sa singularité afin de jouer, justement et efficacement, son effet de levier pour la relance de l'activité économique dans les territoires. Chacun sait que sans le développement des PME patrimoniales dans les territoires, il n'y aura ni reprise économique ni emploi. Il reste donc aux entrepreneurs de s'approprier maintenant BPI France, se saisir des outils mis en place pour les PME, faire aussi de vraies propositions pour garantir son avenir et ne pas craindre d'affirmer des choix différents de ceux voulus par les pouvoirs publics. Les organisations patronales en ont-elles réellement conscience ?


Bernard COHEN-HADAD
Président du think tank Etienne Marcel

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