3 idées simples pour moderniser le dialogue social

Les réformes se suivent et modifient les instances représentatives du personnel à dose homéopathique. Une absorption des délégués du personnel par le comité d'établissement présenterait pourtant bien des avantages pour les deux bords de la table. Par Charles Keller, Ingénieur, syndicaliste, expert épargne salariale


Les enjeux d'une telle rénovation sont nombreux :

  •       Simplifier le fonctionnement des IRP pour les rendre plus efficaces ;
  •       Garder les heures de délégation syndicales mais en les répartissant sur plus de têtes ;
  •       Préparer les plans de succession des membres titulaires des IRP ;
  •       Éviter la professionnalisation des représentants du personnel et ressusciter l'engagement syndical.

 Le fameux Philippe C.

Connaissez-vous Philippe C. ? Délégué syndical de cette usine de pneumatique de 250 salariés, élu au CE et aux délégués du personnel, il est détaché à temps plein syndical depuis 8 ans. Et pour cause, il fait la pluie et le beau temps à chaque négociation sociale de ce site industriel. Mieux, encarté dans un mouvement politique, il introduit habilement le débat national dans l'actualité de l'usine lorsque la cause des travailleurs est menacée.

Philippe C. n'est pas un cas isolé tant la professionnalisation des acteurs du dialogue social s'est enracinée en France. Le phénomène a été favorisé par le code du travail qui articule actuellement le dialogue social en entreprise principalement autour de trois instances représentatives du personnel (IRP) :

  •         le comité d'établissement (CE) ;
  •         les délégués du personnel (DP) ;
  •         le comité hygiène sécurité et conditions de travail (CHSCT).

Bien que rendue possible depuis 1994, la fusion de ces instances en une délégation unique du personnel (DUP) a beau avoir été rafraichie par la loi Rebsamen de 2015, elle ne suscite aujourd'hui qu'un engouement limité. Les partenaires sociaux restent attachés à la spécificité du CHSCT et surtout aux moyens associés à chaque instance, notamment les heures de délégation. Pourtant, une simplification profonde et équilibrée des IRP devrait pouvoir trouver grâce à leurs yeux dans le contexte actuel de raréfaction des vocations syndicales. C'est l'enjeu de la piste de réflexion suivante.

 Le triumvirat titulaire, suppléant, remplaçant

Première clarification, la simplification n'impacte pas le CHSCT, instance technique appréciée du patronat et des syndicats qui favorise les débats d'experts peu politisés. Expertise qui couvre notamment les risques psychosociaux, dont la fréquence et la gravité augmentent malheureusement ces dernières années dans nos entreprises.

 L'essentiel de la simplification repose sur trois changements. Le jeu de questions/réponses des délégués du personnel fusionne au sein du CE par le principe suivant :

-         envoi des questions par les élus du personnel 7 jours ouvrés avant le CE

-         envoi des réponses par la direction des ressources humaines 2 jours ouvrés avant le CE

-         tout ordre du jour des réunions ordinaires du CE débute par le point suivant :

  •       Précisions éventuelles sur les réponses apportées aux questions soumises par les élus.

 Tandems titulaire-suppléant

Le deuxième changement est l'élargissement du tandem titulaire, suppléant à un triumvirat titulaire, suppléant, remplaçant.

Cette nouvelle architecture apporte plusieurs avantages :

-         elle préserve les heures de délégation perdue par l'abandon des délégués du personnel mais les répartit mieux (voir détail infra) ;

-         elle conserve le volume des présents aux réunions du CE, le remplaçant ne siégeant par définition qu'en cas d'absence du titulaire ou du suppléant. Tout en augmentant la flexibilité pour participer au CE (davantage d'entités de l'entreprise sont représentées, davantage de souplesse en cas d'absence) ;

-         elle réduit le cumul des mandats CE/DP actuels et la « course » aux heures de délégation qui mène jusqu'ici à une trop forte professionnalisation des parcours syndicaux ;

-         elle facilite le renouvellement des élus par la prise d'un mandat faiblement exposé, formant les remplaçants en douceur ;

-         elle réduit le temps passé en réunion.

 Pas plus de 3 mandats

Dernier changement, l'impossibilité d'être élu titulaire plus de 3 mandats consécutifs. La conservation du pouvoir n'apporte que rarement une valeur ajoutée à ceux qui vous l'ont confié.

 Des heures de délégation mieux réparties

Pour mieux apprécier le bénéfice sur ce point, il est nécessaire d'exposer quelques détails. La répartition actuelle des heures de délégation minimales imposées par le code du travail (hors réunion) est la suivante :

-         titulaire CE 20h/mois, suppléant CE 0,

-         titulaire DP 20h/mois, suppléant DP 0.

Les suppléants ne peuvent utiliser des heures de délégation du titulaire qu'en cas de remplacement effectif de celui-ci.

Dans notre proposition de triumvirat, le crédit d'heures devient ainsi :

-         titulaire CE 20h/mois, suppléant CE 10h/mois, remplaçant CE 10h/mois.

Les heures de délégation sont ainsi préservées mais mieux réparties. L'abandon de la possibilité pour un même élu de cumuler le crédit d'heures CE et DP limite la professionnalisation des représentants et fait participer plus de salariés aux débats du CE. Ces deux avancées devraient permettre d'y dépolitiser les débats et de faire émerger une nouvelle génération de syndicalistes qui s'engagent quelques jours par mois tout en conservant un poste fonctionnel dans l'entreprise.

« On a le dialogue social que l'on mérite »

On entend d'ici le camarade Philippe C. s'égosiller : « Vous assassinez le dialogue social ! Les jeunes ne veulent plus s'engager. Seuls des béni-oui-oui viendront siéger au CE ! » Amputé de 20h de délégation, contraint à n'être que suppléant lors du prochain renouvellement, son désarroi est compréhensible. Sa crainte de ne pas trouver de successeur à sa façon de faire tout autant. Spécialement lorsqu'on écoute notre jeunesse réclamer un dialogue social modernisé, hors du jeu des postures. Ouvrons-en les portes à une génération qui prône la culture du collaboratif plutôt que celle du rapport de force.

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Commentaire 1
à écrit le 02/03/2017 à 18:43
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Le problème majeur c'est que le néolibéralisme est programmé pour éliminer d'une façon ou d'une autre tout dialogue sociale, politiciens et hommes d'affaires alliés afin que les citoyens servent sans discuter les intérêts des possédants. Et quand...

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