8 mars : de Pénélope au travail dissimulé

Comme le montre l'affaire Fillon, le foyer, la sphère privée sont les lieux privilégiés de ce travail invisible des femmes. Par Virginie Martin, Kedge Business School, Fabien Forge, Université d’Ottawa

En cette journée du 8 mars, saisissons-nous de l''histoire de Pénélope Fillon pour évoquer un sujet complexe et pas si souvent abordé, celui du travail invisible des femmes. Ce sujet, pourtant crucial n'a quasiment pas été traité par la presse à l'occasion des «affaires » qui tournent autour du couple Fillon. C'est pourtant tout ce que contient cette histoire, c'est même là tout son enjeu au regard des droits des femmes et des répartitions sexuées de l'espace public.

Exposition-instrumentalisation

 A François Fillon, l'homme, les postes visibles, le devant de la scène, celui qui tient les commandes ; à Pénélope, la femme, celle qui suit dans l'ombre, qui reste mobilisée pour son mari et peut être même qui travaille pour lui, ouvre des courriers, lui suggère des idées, le soutient, l'encourage, le fait tenir dans les tempêtes.

 Cette campagne nous fait voir combien encore en 2017, le rôle de celles qui ont le statut d'épouse est tourné vers celui qui est déjà dans la lumière et qui espère l'être plus encore. L'exposition-instrumentalisation des femmes est classique de Bernadette à Pénelope en passant par Brigitte (Macron), les hommes de lumière n'hésitent pas à jouer de leur femme... un peu moins, nettement moins chez les Hamon et Mélenchon qui, fidèles à leur ADN féministe, préfèrent se présenter seuls.

 Travail invisible

 L'affaire Fillon évoque, sans s'y tromper, le travail invisible, voire caché des femmes. Invisible car souvent non (officiellement) rémunéré et invisible aussi car non considéré comme un travail à proprement parlé. A cet égard, les tâches ménagères sont un très bon exemple de même que la tenue de la maison, ou pour les classes plus bourgeoises le maintien du réseau et du relationnel lié au métier du mari.

 Cette situation en dit long sur la structure patriarcale de notre société dans laquelle l'autorité est portée par les hommes ; cette organisation patriarcale, et l'affaire Pénélope nous donne aussi l'occasion de dire combien cela a des retombées en termes de discriminations et au niveau macro économique.

 La femme doit se mettre en retrait

 Quel que soit le type de travail invisible il y a une dynamique en place : la femme, à niveau de compétence égale (voire supérieur), est celle qui est désignée comme devant se mettre en retrait. Elle gagne en moyenne 20 % de moins qu'un homme, elle occupe les 80 % des temps partiels, les emplois liés au « care » - peu reconnus et peu rémunérés - sont le plus souvent occupés par elles, le travail domestique leur incombe en grande partie... Le foyer, la sphère privée sont les lieux privilégiés de ce travail invisible des femmes ; l'affaire de Pénélope Fillon le montre bien : emploi fictif ? Pas fictif? La limite entre le service rendu à l'époux et le travail pour l'homme politique Fillon est totalement floue...

 60 milliards d'heures de travail domestique

 C'est l'occasion de rappeler qu'en 2010 l'INSEE avait mesuré 60 milliards d'heures de travail domestique dont deux tiers étant assurés par les femmes et de poursuivre que, si ces heures étaient payées au SMIC elles représenteraient 316 milliards d'euros pour les seules femmes, soit 11% du PIB. Cette valorisation pourrait être même bien plus élevée si la femme au foyer était fortement diplômée de telle sorte qu'elle pourrait espérer un salaire supérieur au minimum légal. Nous ne voulons pas dire ici que les femmes au foyer devraient être rémunérées, nous mettons en avant cela comme un enjeu de société ; par ces milliers d'heures de travail invisible, la femme construit tout un édifice pour l'homme qui doit être dans la lumière ou tout au moins libéré de ce type de contraintes.

Cette situation est un enjeu ou devrait l'être en termes macro-économiques mais au-delà, ce sont les structures éminemment patriarcales, les discriminations subies par les femmes et les plafonds de verre dans leur carrière, quand il y a carrière qui sont en jeu.

 D'autant plus que ce type de discrimination, comme on le voit, concerne toutes les classes sociales et résiste aux conditions sociales : des milieux très modestes où les femmes compensent le faible revenu du couple à travers leurs travaux domestiques, jusqu'au milieux les plus favorisés où les femmes sont assignées à faire vivre le foyer, éduquer les enfants etc. et peuvent même parfois espérer toucher des primes (https://www.lepoint.fr/societe/de-riches-new-yorkais-versent-a-leur-femme-au-foyer-des-bonus-d-epouse-19-05-2015-1929608_23.php ), les occasions ne manque pas pour cacher le travail des femmes.

 Institutions immatures?

Cette présidentielle est révélatrice de ce phénomène : de l'affaire Fillon avec Pénélope, de même que Brigitte Macron suivant tous les meetings et déplacements de son poulain en passant par le peu de femmes aux primaires, la France a encore du chemin pour avoir des Theresa May, ou des Angela Merkel au cœur du pouvoir ; à moins que le Suffrage Universel Direct pour l'élection présidentielle ainsi que nos institutions qui aiment déifier leur chef ne sachent pas composer avec des cheffes... de là à dire que nos institutions sont immatures il n'y qu'un pas !

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Commentaires 7
à écrit le 09/03/2017 à 9:34
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Je me permets de citer Barenton: "si vous voulez qu'un homme vous consacre tout son temps, préférez un homme marié à un célibataire. Car le premier peut s'employer uniquement à gagner de l'argent, puisque sa femme se charge de le dépenser".

à écrit le 08/03/2017 à 17:02
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Emploi fictif? Pas fictif? La principale intéressée a répondu cette question lors d'une interview. Tout l'art de se saisir d'une problématique réelle pour défendre l'indéfendable en filigrane.

à écrit le 08/03/2017 à 14:24
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Magnifique article. Qui prouve le talent littéraire de son auteur. Après reflechissez une minute sur les chiffres: Le travail féminin représente d'après vos chiffres deux tiers du travail famillial. Fort bien réduisons ce montant d'heure et les ...

à écrit le 08/03/2017 à 11:49
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N'importe quelle "ménagère de moins de cinquante ans" de notre beau pays souhaiterait avoir un tel niveau de rémunération pour ouvrir des courriers, répondre au téléphone,aller chercher les enfants à l'école, faire la soupe, etc... Pour le reste,tou...

à écrit le 08/03/2017 à 11:36
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"la France a encore du chemin pour avoir des Theresa May, ou des Angela Merkel au cœur du pouvoir " Heu la première plutôt que la seconde svp quand même hein, merci.

le 08/03/2017 à 13:56
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Attend un peu la "gamelle" monétaire, le jour ou vous aurez de la monnaie de singe !!!😀😀😀

le 08/03/2017 à 17:34
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Si vous cherchiez à me faire rire, je vous félicite c'est réussi.

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