Apprentissage et formation informelle  : les leçons du laboratoire danois

"Flexisécurité" : ce concept danois s'est retrouvé projeté sur les feux de la rampe en France au milieu des années 2000 lors des débats sur la modernisation du marché du travail. Retour sur les fondamentaux de cette invention danoise. Par Olivier Faron, administrateur général du Cnam.

Inventé dans les années 1990 au pays de la petite sirène, le concept danois de fléxisécurité s'est retrouvé projeté sur les feux de la rampe en France au milieu des années 2000 lors des débats sur la modernisation du marché du travail.

La fléxisécurité, mot nouveau à l'époque, avait investi notre champ lexical pour décrire un système social équilibré garantissant un haut niveau de droits accordés aux demandeurs d'emploi en contrepartie d'une relative flexibilité du marché du travail avec des règles d'embauche et de licenciement plus souples.

Le solide retour d'expérience danois

Ce qu'on sait moins, c'est que le modèle danois donne aussi une place décisive à la formation professionnelle continue. Orientation, accès à l'apprentissage, recours à la formation continue, allocations versées aux chômeurs en contrepartie de devoirs en termes de formation, les réalisations danoises en la matière doivent continuer à nous inspirer. C'est d'ailleurs le sens de la visite effectuée par la ministre du Travail au Danemark.

Un chiffre doit par exemple nous interpeller. 32,8% de la population danoise âgée de 25 à  64 ans a déjà participé à une action d'éducation ou de formation contre 9,1% de la population de l'Union européenne au cours des quatre semaines ayant précédé l'enquête du Centre européen pour le Développement européen de la Formation professionnelle (CEDEFOP).

Ce petit pays par sa population dispose ainsi d'un solide retour d'expérience sur l'accès à l'enseignement supérieur et la formation professionnelle au moment même où viennent de s'ouvrir des discussions majeures sur le sujet dans notre pays.

L'apprentissage danois s'appuie par exemple sur des choix d'orientation réversibles, ce qui implique une perméabilité des filières de formation entre elles. Elle est d'abord horizontale, car les certifications, qu'elles relèvent de la formation initiale ou de la formation continue, sont équivalentes grâce à un cadre national fixé en 2007. Le système de formation professionnelle danois est d'autant plus remarquable qu'il est inclusif et qu'il ne laisse personne à l'écart via des certifications partielles ou des parcours alternatifs pour les apprenants les moins performants. Le poids du financement public garantit à la fois la qualité et la performance du système.

Beaucoup de diplômés de l'enseignement supérieur

Et le développement de l'apprentissage au Danemark ne se traduit pas par un abaissement de l'âge d'entrée sur le marché du travail, ce qui révèle une approche nouvelle. L'apprentissage n'est donc pas conçu comme un outil d'adéquation court-termiste du marché du travail mais bel et bien comme un levier permettant de construire des parcours réussis sur le moyen terme. Étonnement supplémentaire : alors que l'apprentissage prédomine au sein du second cycle de l'enseignement secondaire, le Danemark compte beaucoup de diplômés de l'enseignement supérieur.

Ce benchmark danois doit nous permettre d'appréhender toute la portée d'une prise en compte de la formation non formelle et informelle, des expériences significatives venant de démarrer en France comme l'expérimentation Formation en situation de travail (FEST) pilotée par la Direction générale à l'emploi et a la formation professionnelle (DGEFP). Il est en effet plus que nécessaire de tenir compte des modalités d'acquisition de compétences empruntant d'autres voies - le tutorat, le mentorat, la formation « sur le tas », par les pairs - que le traditionnel face-à-face pédagogique. Elle permet de valider des compétences, quel que soit le cadre de leur acquisition, notamment lorsqu'elles n'ont pas été acquises dans le cadre de la formation formelle.

L'ensemble de ces pistes va également dans le sens du renforcement de la Validation des acquis de l'expérience (VAE) qui repose précisément sur le postulat que l'expérience peut être formatif. La VAE est d'ailleurs la première reconnaissance de la formation non formelle et informelle dans notre droit positif. Les conditions de sa mise en œuvre (durée d'expérience réduite de 3 à 1 an, validité désormais illimitée des blocs de compétences) ont également été assouplies dans la loi travail de 2016. Autant de signaux forts qui vont dans le bon sens.

L'État danois mobilise ainsi l'ensemble du système de formation professionnelle au service de la préparation à la vie citoyenne. Autant d'objectifs et de valeurs que le Conservatoire National des Arts et Métiers (CNAM) porte au quotidien dans le cadre de sa mission de service public de la formation continue des adultes. Autant de voies à systématiser ou de nouvelles approches à concrétiser pour une formation professionnelle de qualité qui tienne toutes ses promesses.

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