Assurer une réelle transition énergétique décarbonée en Europe

Les choix européens sont-ils compatibles avec la transition énergétique? Par Laurence Daziano, maître de conférences en économie à Sciences Po

 La vague de grand froid, qui traverse l'Europe, redonne toute son actualité à la politique et à l'indépendance énergétique européenne. La Commission européenne a rendu public, fin novembre 2016, son nouveau « paquet » énergie - climat qui s'inscrit dans les objectifs définis, lors de l'Accord de Paris de décembre 2015, par l'Union européenne à l'horizon 2030.

 A cette occasion, l'UE a confirmé les trois objectifs : une réduction des émissions de gaz à effet de serre de 40% par rapport au niveau de 1990 ; une amélioration de l'efficacité énergétique de l'UE de 27% ; un mix énergétique incluant au moins 27% d'énergies renouvelables.

 Pas de remise en cause des choix fondamentaux des Etats

Ce nouveau paquet, composé de huit règlements et directives, porte sur de nombreux aspects de la transition énergétique en promouvant les énergies propres et en affichant l'objectif de diminuer la consommation : efficacité énergétique des bâtiments, réseaux européens, énergies renouvelables, règles de gouvernance du marché énergétique... La Commission européenne a vu large, malgré les critiques du groupe Verts au Parlement européen. La Commission européenne a ménagé les susceptibilités nationales. Les choix fondamentaux des Etats membres en matière énergétique n'ont pas été remis en cause : la filière nucléaire française, le recours de l'Allemagne et de la Pologne au charbon, la dépendance de l'Europe de l'Est au gaz.

 Sur la question du mix énergétique, et notamment les choix entre le nucléaire et le charbon, un minimum d'harmonisation aurait pu voir le jour. Au contraire, les objectifs fixés en matière d'énergies renouvelables pour chaque Etat membre, qui existaient dans le paquet européen présenté en 2014, ont été abandonnés. Alors que certains Etats membres poursuivent le développement de cette énergie (EPR de Flamanville en France, EPR et VVER en Finlande, VVER en Hongrie et autres projets portés par la technologie nucléaire russe en Europe), l'Allemagne et l'Italie ont décidé de sortir du nucléaire au lendemain de Fukushima.

 Une hausse du recours au charbon en Allemagne

Le choix allemand de fermer, en 2011, huit réacteurs nucléaires a entrainé une hausse du recours au charbon. La part du charbon dans la production électrique allemande est ainsi passée de 44% en 2012 à 45,5% en 2015. Certes, l'Allemagne demeure un exportateur électrique, ce qui lui laisse encore la possibilité de maîtriser son recours au charbon en diminuant sa production, mais Berlin a échoué dans la baisse des émissions de gaz à effet de serre en rejetant 951 millions de tonnes en 2013 contre 940 en 2012.

 L'Union européenne aurait également pu discuter des stratégies énergétiques avec ses voisins immédiats : la Suisse, la Norvège, voire la Russie (qui fournit 30% du gaz consommé en Europe) et la Turquie. Le Brexit nécessitera encore davantage d'associer, à l'avenir, les pays voisins dans la stratégie énergétique européenne car les choix opérés par Londres, Moscou, Berne, Oslo ou Ankara ont des répercussions en Europe.

 Les suisses contre une sortie accélérée du nucléaire

Les électeurs suisses se sont prononcés fin novembre dernier, contre une sortie accélérée du nucléaire (54,23% de non). Le référendum suisse, défendu par les Verts, proposait la fermeture de trois réacteurs nucléaires sur cinq dès l'an prochain, alors que l'énergie nucléaire fournit encore près du tiers de l'énergie suisse. Si le choix suisse de fermer les réacteurs nucléaires au terme de leur durée de vie n'est pas remis en cause, les électeurs se sont aussi clairement prononcés pour une sortie maîtrisée de l'énergie nucléaire afin que le mix énergétique puisse s'adapter progressivement. Il y avait un fort consensus sur l'idée qu'il était impossible de compenser à temps l'abandon de l'électricité nucléaire au moyen d'une électricité issue d'énergies renouvelables et produite en Suisse, alors que près des trois quarts de l'énergie consommée en Suisse est déjà importée. Incontestablement, les choix suisses pèsent sur la stratégie énergétique européenne.

 De ce point de vue, un des apports importants du paquet présenté fin 2016 réside dans les mécanismes de marché. Ce dispositif permet ainsi de rémunérer les centrales pour leur capacité de production, notamment en cas de forte consommation comme en période hivernale. Il est simplement dommage que ce mécanisme mette sur un même pied les énergies carbonées, comme le charbon, et décarbonées, à l'instar du nucléaire et du gaz.

Laurence Daziano, maitre de conférences en économie à Sciences Po, est membre du Conseil scientifique de la Fondation pour l'innovation politique

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Commentaires 3
à écrit le 13/03/2017 à 15:42
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Mieux lire cela que d'être aveugle. du VRAI FAKE ! Quant à s'étiqueter "scientifique", ça me rappelle certaines démocratie populaire ... dire que l'on a filé un doctorat ! enfin comme celui d’Élisabeth TESSIER.

à écrit le 25/01/2017 à 9:05
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Je pense que l'auteure devrait aborder la relation entre cout du travail et prix de l'énergie. Tout cela est exprimé dans la note n°6 du CAE et permettrait de proposer une réforme de la fiscalité consistant à basculer la fiscalité du travail sur la f...

à écrit le 24/01/2017 à 17:20
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Il faut faire la différence entre énergie produite et énergie importée. Le charbon est une production locale pour les Allemands.

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