Bactéries, virus et champignons : les autres usagers du métro

Le projet MetaSUB vise à caractériser certains usagers des transports en commun qui passent les portillons sans payer… : les microorganismes, bactéries, virus et champignons. Par Christelle Desnues, Centre national de la recherche scientifique (CNRS)

« Vous relevez des empreintes ? » demandent des usagers un peu surpris de nous découvrir, armés de gants, tubes et cotons-tiges, à s'agiter autour d'un siège en plastique entre les stations Castellane et Perier du métro de Marseille. « Oui, répondons-nous, mais pas humaines. Nous réalisons précisément une empreinte génétique des microbes du métro dans le cadre d'une étude scientifique internationale. »

Ce projet est intitulé MetaSUB (Metagenomics and Metadesign of the Subways and Urban Biomes). Coordonné par le Pr Christopher Mason du Weill Cornell Medical College de New York, il regroupe un consortium international de 61 villes dans le monde, de Londres à Sao Paulo en passant par Brisbane, New York ou Marseille. Il s'agit d'une recherche scientifique d'envergure, équivalente par sa taille au Human Microbiome Project, au Global Ocean Sampling ou à Tara Oceans, projets qui visent respectivement à étudier la biodiversité des organismes associés à l'homme ou dans l'océan. L'investigation commence maintenant en milieu urbain.

Microorganismes souterrains

MetaSUB regroupe des experts internationaux provenant de différentes disciplines (écologues, bioinformaticiens, microbiologistes...) avec l'objectif commun d'une meilleure connaissance des microorganismes de ces milieux souterrains où transitent chaque année des centaines de milliers de personnes.

En particulier, ce projet se fonde sur des méthodes de pointe de séquençage haut-débit, pour réaliser un inventaire, un catalogue de la biodiversité génétique des micro-organismes que nous côtoyons tous les jours et qui reste très largement inexplorée.

En comparant les résultats obtenus dans différentes villes du monde et en les confrontant aux densités de population, aux facteurs environnementaux (température, humidité, etc.) cette étude du vivant microscopique ouvrira la voie par exemple, à une meilleure gestion de l'urbanisation, à une meilleure compréhension des mécanismes de résistance aux antibiotiques ou à la découverte de nouvelles molécules et processus biologiques d'intérêt pour la santé, l'agriculture ou l'environnement.

Concrètement, l'étude est prévue initialement pour une période de 5 ans. La première grande journée d'échantillonnage internationale a été coordonnée et réalisée le 21 juin 2016, parallèlement au Global Ocean Sampling Day. Cet été, notre équipe est retournée pour la deuxième fois sonder les profondeurs du métro marseillais pour collecter à nouveau une centaine d'échantillons.

13 000 échantillons

Dans toutes les villes explorées, ces deux campagnes d'échantillonnage ont permis de collecter plus de 13 000 échantillons provenant de surfaces variées comme les rampes, tourniquets ou distributeurs de tickets. Chaque échantillon est identifié avec un code individuel et toutes les données s'y rapportant (surface, température, humidité, coordonnées GPS, affluence, etc.) sont rentrées en temps réel en utilisant une application sur smartphone. De retour au laboratoire, les échantillons sont envoyés à un centre référent (situé à Stockholm pour l'Europe) pour y être traités de manière standardisée.

Concernant les financements, le consortium bénéficie pour son amorçage du soutien de la fondation Bill et Mélinda Gates et de partenaires privés. Dès l'obtention des premiers résultats, et en collaboration avec d'autres équipes du consortium, des demandes de financements seront soumises aux instances nationales et européennes afin de pérenniser ces recherches à plus long terme.

Premiers résultats en 2018

Avant la mise en place du projet MetaSUB, des études préliminaires avaient été réalisées à New York et Boston. Les résultats ont montré que ces systèmes confinés présentaient une incroyable diversité microbienne dont la majeure partie restait encore à découvrir et caractériser. Chaque station avait sa propre empreinte génétique microbienne et les surfaces étaient dominées par des micro-organismes associés à la peau, au système digestif et génital humain. À pondérer toutefois puisque les chercheurs ont montré qu'il y avait bien moins de bactéries potentiellement pathogènes dans le métro que dans nos intestins... Plus surprenant encore, des traces ADN de bactéries aquatiques notamment marines ont été détectées sur les murs de la station South Ferry du métro de New York, qui avait été entièrement submergée par les eaux lors de l'ouragan Sandy en 2012 !

Le monde microscopique du métro se révèle passionnant et les premiers résultats de MetaSUB, attendus pour 2018, paveront très certainement la voie à des découvertes d'envergures tant pour la gestion de nos systèmes de transport urbain que pour la science en général.

The Conversation _________

 Par Christelle Desnueschercheuse CNRS écologie des virus et métagénomique, Centre national de la recherche scientifique (CNRS)

La version originale de cet article a été publiée sur The Conversation

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Commentaires 5
à écrit le 20/10/2017 à 14:35
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La RATP doit imposer le port du masque obligatoire dans ses couloirs et souterrains.Un e surtaxe de 10% du prix des billets permettrait d'équiper gratuitement le public voyageur

à écrit le 20/10/2017 à 13:09
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@ BONJOUR : Depuis longtemps je dénonce la politique insalubre du métropolitain de PARIS .... curieux que ce soit maintenant ....... La pire et la plus dangereuse des pollutions du métro LE FREINAGE DES RAMES ENTRANT EN GARE les particules dégagées ...

le 23/10/2017 à 13:53
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"Alors les foldingues du diesel" Outre l'insulte qui décrit très bien le déséquilibre mental de son auteur, ce n'est pas parce que il existe des pollutions bien plus nocives que le pétrole, je suis entièrement d'accord, qu'il ne faut pas résoudre...

à écrit le 20/10/2017 à 12:59
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Et si on découvre que tout ceci est nuisible pour la santé, on interdira le métro à Paris ou on va planquer le rapport?

à écrit le 20/10/2017 à 10:15
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Il est bien que l'humanité génère de nouvelles formes de vie avant sa disparition, au moins elle aura servi à quelque chose malgré tous les efforts de ses possédants pour être le plus minable possible. Merci pour cet article fort intéressant.

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