Breveter l’innovation ? Quelle drôle d’idée ! Et pourtant…

Reconnaitre la possibilité de breveter une innovation et, donc, les idées qui ont mené jusqu'à elle apparaît comme le meilleur moyen de récompenser les investissements consentis en matière de R&D. In fine, il s'agit tout simplement de permettre la poursuite des efforts dans ce domaine et, par conséquent, la croissance de l'entreprise. Car souvenons-nous que le progrès technique est bénéfique pour l'humanité, mais que nous évoluons dans une économie de marché, où l'innovation est une source de coût très important qu'il faut rentabiliser. Pour favoriser l'innovation, il faut donner le moyen de la valoriser. Et c'est dans ce cadre qu'interviennent les outils de la propriété intellectuelle. Par Philippe Blot, Associé de Lavoix.

Rentabiliser sa R&D, c'est la renforcer. Aujourd'hui, le droit à l'erreur, plus connu sous le nom de « Test & Learn », est la règle dans la majorité des secteurs. Bien sûr, il ne s'agit pas de protéger, notamment par brevet tous les essais qui ont mené à une innovation, que celle-ci soit technologique, culturelle, esthétique ou autre, mais bien les idées qui lui ont permis d'exister. Ce faisant, elles prennent une valeur marchande, qui est exploité dans le produit ou le service vendu sur le marché et rapportent ainsi à l'entreprise de quoi se rembourser l'investissement, parfois conséquent, qui l'a conduite à ce résultat.

Et ça marche ! Il suffit de se tourner vers le secteur pharmaceutique. Pour parvenir à développer une molécule innovante, des dizaines de chercheurs sont mobilisés sur de très longues périodes. Si les laboratoires peuvent se permettre d'investir dans cette R&D, c'est parce qu'ils savent que le jour où le développement aboutira, ils pourront récupérer leur mise par la commercialisation des produits sans être copiés avant l'expiration du brevet.

Artiste et ingénieur : même combat

Prenons un autre exemple parlant : tout le monde s'accorde pour dire que les droits d'auteur dans le domaine de la musique doivent être respectés. Les plates-formes de téléchargement illégales sont un fléau pour les maisons de disques, qui investissent pour lancer leurs artistes. Si elles sont spoliées d'une partie de leurs revenus, elles ne sont plus en mesure de soutenir la création, qui de fait s'essouffle. Il en va exactement de même dans l'industrie. Si, en l'absence de brevets, la R&D représente uniquement un coût puisque toutes les entreprises pourront librement en utiliser les résultats, elle disparaît ou devient moins attrayante.

D'où l'importance de permettre de breveter ses idées. D'ailleurs, si malgré un dispositif coûteux, tant pour l'entreprise que pour l'État, les brevets continuent de se multiplier, c'est bien parce qu'il s'agit d'un puissant moteur pour l'innovation. Ces dernières années, ont même été créés dans certains États des brevets « verts », qui ouvrent droit à des avantages : un prix d'obtention moins élevé, un délai d'obtention raccourci, etc. En faisant cela, ces États affichent clairement leur ambition de favoriser la R&D dans le domaine du développement durable, au profit de l'humanité dans son ensemble, montrant ainsi que le brevet est un moyen, dans une économie de marché, de financer la R&D.

Un dispositif à étendre ?

Pour des raisons d'ordre moral, ou intellectuel, le champ de brevet est volontairement limité par le législateur dans certains domaines et certains voudraient accroître ces domaines dépourvus de protection. Tel est le cas, de la biotechnologie et dans une certaine mesure de l'industrie des programmes d'ordinateur.

La nature des inventions dans ces domaines semble devoir interdire l'existence d'un monopole d'exploitation par brevet. Comment dans ce cas, motiver les entreprises à investir dans le développement de nouvelles espèces végétales ou de solutions informatiques couteuses en R&D si elles sont copiées immédiatement, lors de la sortie des produits ?

Mesurer la capacité d'innovation d'un pays

On constate par ailleurs que plus un pays dépose de brevets, plus il est considéré comme innovant. Ainsi, des États comme le Japon sont traditionnellement attachés aux brevets. Au pays du soleil levant, on en dépose en moyenne 350.000 par an, quand la France se stabilise autour de 16.000. Les Japonais ont compris le fonctionnement de la R&D et l'importance des revenus issus des innovations qu'ils déposent pour la préserver.

Enfin, le brevet ne rend pas l'auteur de l'innovation plus intelligent ni ne l'aide de façon directe à trouver une idée géniale. En revanche, il lui donne les moyens de continuer à chercher une nouvelle inspiration en disposant de ressources financières. Aussi, dans un monde où tout s'accélère et où la concurrence s'intensifie dans l'ensemble des secteurs, l'innovation apparaît comme une source de croissance inestimable. Charge donc aux entreprises de la protéger pour mieux la renouveler.

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Commentaires 3
à écrit le 23/10/2017 à 7:09
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quand un porteur de projet s'adresse que ce soit à une université ou à une entreprise ce porteur de projet est d'office déposséder de son innovation et s'il reçoit un simple merci il doit être TRÈS content chercher l'erreur docteur ??? mais la jamais...

à écrit le 21/10/2017 à 20:22
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Un brevet protège une invention pendant 20 ans Le droit d’auteur protège ses œuvres pendant 70ans après sa mort => pourquoi une telle diffèrence ? => pourquoi favoriser les héritiers / rentiers des artistes ? Les œuvres devraient être protégées uni...

à écrit le 21/10/2017 à 10:04
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comme le dit Satyajit Das, il n'y plus vraiment d'innovation ("Innovation won't overcome stagnation", Bloomberg, 28/05/2017). il y a des petites améliorations de l'existant, des gadgets ou du transfert d'activités vers le numérique. rien de "disrupti...

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