Brexit and the City

La sortie de la Grande-Bretagne de l'Union européenne (Brexit) menacerait la City et offrirait de réelles opportunités pour les places financières en zone euro. La France pourrait en profiter pour demander le retour de ses banquiers formés sur les bancs de l'université française et qui ont largement participé au développement de la City.

Avant même les résultats du référendum sur le Brexit, le ralentissement économique se confirme en Grande-Bretagne. Le taux de croissance du PIB atteint 0,4% au premier trimestre 2016 par rapport aux trois derniers mois de l'année précédente - soit son plus bas niveau depuis 2013. Vu du continent, il est difficile d'envisager la victoire du retrait de la Grande-Bretagne de l'Union Européenne. Cependant, les incertitudes qui entourent l'issue du vote inquiètent. Le nombre d'indécis limite le caractère prédictif des sondages. Pour le FMI, le Brexit ne serait sans conséquences pour l'économie britannique. Le manque à gagner pour la croissance du PIB britannique serait de 1,5% à 9,5%. Et Christine Lagarde, la directrice générale de l'Institution, de préciser qu'un vote en faveur d'une sortie pourrait déclencher "une réaction adverse du marché à court terme", et qu'un tel résultat engendrerait "des coûts à long terme".

La City, au premier rang mondial des places financières

Les britanniques se disent pragmatiques. Ils le sont la plupart du temps. Pour autant, le référendum sur le Brexit semble mettre davantage leur excentricité en exergue. Quelle idée de vouloir se détacher de l'Union européenne (UE)? Rappelons qu'au-delà des accords commerciaux qui ont intensifié les échanges des biens et des services pour l'ensemble des pays membres de l'UE, l'avènement de l'euro a été un événement déterminant pour le développement de la place financière de Londres. Un « win win » deal en quelque sorte. La Grande-Bretagne a pu consolider la City en la propulsant, grâce à la monnaie unique, au premier rang mondial des principales places financières devant New York et Hong Kong. Les britanniques ont surfé sur l'opportunité qu'offrait la monnaie unique sans avoir à en subir les « éventuels » désavantages avec le respect des critères de Maastricht et une politique monétaire commune.

La city et l'euro : le win win deal

Et c'est bien là leur grande force. Ils ont réussi à s'imposer en concentrant plus de 40% des transactions en euros tout en conservant la livre sterling. Aujourd'hui, leurs services financiers pèsent près de 10% et plus de 15% du PIB si on ajoute les services supports (services juridiques, comptables, conseil en management, etc.) contre uniquement 4% à 5% du PIB respectivement pour l'Allemagne et pour la France. Le secteur des services financiers est le premier contributeur britannique en matière de recettes fiscales. En 2012, il a rapporté £63 mds (82 mds d'euros). Il se positionne à la première place en termes d'exportations. Le secteur de la banque et de l'assurance emploie plus de 350.000 personnes à Londres. Sur l'ensemble du territoire, on compte près de 2 millions de personnes travaillant pour la finance et ses services adjacents.

Mind the gap

 Mais, cette suprématie, de plus en plus contestée, risque d'être mise à mal avec la sortie de la Grande-Bretagne de l'UE. En premier lieu, il semble en effet discutable que la City de Londres occupe une telle place alors que la Grande-Bretagne ne fait pas partie de la zone euro. Déjà en 2012, le gouverneur de la Banque de France, Christian Noyer, insistait sur « la nécessité pour la BCE d'assurer la surveillance de sa propre monnaie ». Et d'ajouter, « la majeure partie des transactions devrait être sous notre contrôle ». Ainsi, en cas de Brexit, la BCE pourrait exiger des banques de la zone euro qu'elles rapatrient une grande partie de leurs actifs londoniens dans la zone monétaire qu'elle contrôle. En outre, la City perdrait de facto, son passeport européen, qui lui permet aujourd'hui de vendre ses produits financiers à travers toute l'Europe. Il lui faudra renégocier ses statuts et montrer que sa réglementation est en phase avec celle de l'Union européenne pour continuer d'opérer sur le marché européen. Par ailleurs, cette redistribution des cartes ne concernerait pas uniquement le secteur financier. Elle pourrait, en effet, entraîner de nombreux sièges européens d'entreprises internationales en dehors de la capitale londonienne.

 Nombreuses sont les places financières à lorgner sur la City pour en récupérer quelques parcelles. L'Irlande dispose d'avantages fiscaux non négligeables et offre le privilège de la langue, l'anglais. Les grands groupes américains pourraient être happés par cette île adepte de la concurrence fiscale et de la déréglementation. Mais Frankfurt qui abrite déjà la BCE (Banque centrale européenne) mène la danse, notamment depuis l'annonce récente de la fusion entre le London Stock Exchange et la Deutsche Börse. La création de ce mastodonte financier offre un avantage concurrentiel indéniable à Frankfurt si le Brexit a lieu.

La France : une carte à jouer

Reste à savoir quelle place prendra la France dans cette bataille. Alors que les britanniques réclament à la Vendée à cor et à cri le retour de l'anneau de Jeanne d'Arc sur leur territoire, l'Hexagone pourrait bien finir par demander, avec la même force, le retour de ses banquiers formés sur les bancs de l'université française qui ont participé largement au développement de la City. Ils seraient près de 150.000 à travailler à la City et 400.000 à vivre à Londres. Ces français sont partis pour bénéficier d'une fiscalité attractive, une réglementation allégée et des rémunérations alléchantes.

L'État français a été bien malhabile en prenant en charge le coût de la formation et en laissant les autres en profiter et en particulier la City. Cette fuite des cerveaux n'a pas été sans conséquence pour la France. Nos formations en mathématiques, statistiques, économie ou encore en finance ont assuré un flux régulier de jeunes diplômés mais aussi de professionnels de la finance aguerris depuis une vingtaine d'années. La place financière de Paris s'est réduite en peau de chagrin. Le Brexit serait alors une opportunité pour la France de récupérer une partie de ces expatriés qu'elle a laissé filer et qui représentent un manque à gagner indéniable pour le secteur de la finance. Pour autant, la question du manque d'attractivité de la place financière de Paris devra être posée et des solutions seront attendues pour attirer de nouveau ces français de l'étranger.

Revoir le projet européen

Mais, plus globalement, si le Brexit l'emporte, alors les cartes seront redistribuées et obligeront les organes communautaires à revoir leur fonctionnement en profondeur. Néanmoins, avec la victoire du non, l'exigence politique sera la même. Quelle que soit l'issue du référendum du 23 juin, les instances européennes doivent tenter d'apporter une nouvelle vision de l'Europe. La Grande-Bretagne n'est pas la seule à douter de l'intérêt de faire partie de l'Union européenne et/ou de la zone euro. Etre capable de fédérer nécessite la mise en place de projets d'avenir innovants assurant une plus forte croissance dans un environnement sécurisé.

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaires 10
à écrit le 14/06/2016 à 20:41
Signaler
Le Brexit peut vraiment être une catastrophe pour nous tous. Pour comprendre simplement cette histoire en 5 minutes, cette vidéo est parfaite! https://www.youtube.com/watch?v=fuxZ2vhyH10&list=PLw3j4ctQo-GtFDEvaIEolDAr4NSHBvhtw

à écrit le 13/06/2016 à 19:06
Signaler
Si la GB reste, il faudra renégocier son adhésion totalement sans aucun favoritisme !

à écrit le 13/06/2016 à 18:20
Signaler
Effectivement Paris / la France, pourrait en profiter et prendre avec les activités rapatriées de la city au moins 2% de croissance en plus par an !! , mais faudrait il encore que la France se reforme en 2 semaines et garantisse des niveaux salariaux...

à écrit le 13/06/2016 à 13:35
Signaler
La construction Européenne dont chacun constate aujourd’hui l’échec cuisant n’est que le dernier avatar de ce comportement historique et récurent. Cette Europe fut vendue aux populations grâce à une rhétorique panglossienne où l’on promit monts et me...

le 13/06/2016 à 14:16
Signaler
Il faut en effet revenir au concept historique (style CECA) de mise en commun de moyens (à la mode GIE) , plutôt qu'a rêver a un super Etat qui n' aucun sens avec autant de langues, de cultures et de variétés de populations en général. On n'a pas bes...

à écrit le 13/06/2016 à 12:42
Signaler
Quand Madame Liberté se présente une fois! comment ne pas succomber à son charme , même si elle coûte chère ,( mais ce n'est pas prouvé)Vous l'épousez pour une vie entière , même sans réfléchir et la vie est merveilleuse à sentir son parfum que nul ...

à écrit le 13/06/2016 à 10:49
Signaler
« Il ne peut y avoir de choix démocratique contre les traités européens. » Citation de Jean Claude Junker – Président de la commission européenne en janvier 2015Junckeritude

à écrit le 13/06/2016 à 8:29
Signaler
L'Angleterre sera-t-elle la première à sortir du piège de l'Internationale Materialiste ? L' U.R.S.S. ou L'INTERNATIONALE SOCIALISTE c'était: PAS DE FRONTIERES - DES REPUBLIQUES SANS POUVOIR - UNE MONNAIE UNIQUE - LA PEUR - L'INTERDICTION DE CROY...

à écrit le 13/06/2016 à 8:02
Signaler
sauf que vous oubliez dans votre analyse de préciser que London Stock Exchange, et Deutsche Boerse vont fusionner.... cela veut dire que sur le papier l'Allemagne pourrait reprendre le flambeau dans la zone euro en disant qu'elle controle les tran...

à écrit le 13/06/2016 à 8:02
Signaler
sauf que vous oubliez dans votre analyse de préciser que London Stock Exchange, et Deutsche Boerse vont fusionner.... cela veut dire que sur le papier l'Allemagne pourrait reprendre le flambeau dans la zone euro en disant qu'elle controle les tran...

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.