Class actions : à peine créées, déjà condamnées ?

La France a prévu la possibilité de class actions alors que ce système d'origine américaine s'essoufflait aux Etats-Unis. Des procédures peu adaptées à notre société. Par Benoit le Bars, associé fondateur cabinet Lazareff Le Bars

A l'heure où les Etats-Unis pensent à remettre en cause la « class action », la France fête le premier anniversaire de la Loi Hamon sur l'action de groupe. Ce paradoxe historique met en lumière la face cachée d'une politique d'idées reçues totalement inadaptées à l'environnement juridique français. Pourquoi les « class actions » ne fonctionnent plus aussi bien aux Etats-Unis ? Fondées sur un principe d'indemnisation pouvant aller au-delà du préjudice subi (les fameux dommages-punitifs), cet outil procédural a coûté extrêmement cher aux entreprises américaines qui, à grand renfort de lobbyistes, ont fini par influencer les décideurs politiques. Depuis Georges Bush, les politiques puis les juges ont progressivement tenté de restreindre le champ d'une procédure aux coûts économiques indéniables.

Les spécialistes de la « class action » dans ce pays ont déjà annoncé la fin de cette procédure, ou plutôt de son âge d'or pour ceux qui savaient se positionner rapidement sur les dossiers « rentables », et la réforme à venir des règles de procédure civile finira d'enterrer ces actions qui auraient dû demeurer outre-Atlantique.

Un fonctionnement au ralenti

La France a pourtant adopté une loi permettant à un groupe de consommateurs de se réunir, sous le contrôle d'une association agréée, pour agir en justice contre une entreprise n'ayant pas respecté ses obligations légales ou contractuelles en matière de consommation (facturation abusive, pratiques anticoncurrentielles), et obtenir ainsi réparation de leur préjudice financier à l'exclusion de toute demande de dommage moral. Mais à quoi bon ? Tout d'abord, seul six actions ont été introduites en un an, ce qui montre que le mécanisme fonctionne au ralenti.

Ensuite, l'outil est entre les mains d'associations de consommateurs qui brident la possibilité d'agir dès lors qu'elles ne souhaitent pas suivre les consommateurs mécontents et peuvent choisir de défendre les causes qu'elles souhaitent soutenir, ce qui constitue non pas un filtre mais une perturbation dans le droit d'agir des victimes. Les associations de défense existent depuis des siècles, le contentieux des emprunts russes est là pour le prouver. C'est notre modèle social à côté duquel nos parlementaires sont passés.

Une politique du préjudice

La France n'avait peut être pas besoin d'action de groupe ? Dans notre modèle colbertiste, ce sont les corps intermédiaires qui agissent pour l'intérêt du plus grand nombre. Le conseil de la concurrence régule les déséquilibre économiques, le droit de la consommation institue un maillage de mesures préventives, en matière de crédit ou de devoir d'information, et d'outils de régulation, comme la commission des clauses abusives. C'est donc une politique administrée du préjudice du consommateur qui a dominé notre organisation sociale depuis les années 60.

Aux Etats-Unis, ces législations n'existent pas, ou seulement au niveau local. La « class action » est donc un instrument de régulation contre des sociétés abusant de leur pouvoir et que seule une action en justice peut stopper par de lourdes amendes civiles.
Le projet d'action de groupe était dans les cartons des ministères depuis plusieurs dizaines d'années, à quoi bon le sortir l'année dernière et envisager même de l'étendre à l'industrie pharmaceutique et aux préjudices environnementaux dans quelques mois ? Ne faudrait-il pas penser autrement ?

Pour une collaboration plus étroite entre associations et entreprises

L'affaire Volkswagen, ces dernières semaines, devrait nous inciter à plaider pour une collaboration plus étroite entre associations et entreprises, dans un mode coopératif plutôt que de combat. Toutes les grandes sociétés sont confrontées depuis quelques années à la révolution de la « compliance » (ou mise conformité). Elles mettent ainsi en place leurs propres mécanismes de contrôles pour éviter de commettre des infractions ou de porter atteinte aux droits de leurs clients.

Éviter de copier des solutions issues d'un environnement différent

Peut-être faudrait il simplement arrêter de copier des solutions qui ne fonctionnent plus et qui sont nées dans un environnement social et juridique totalement différent du nôtre, de croire à l'entreprise sociale, à des sociétés dirigées par des êtres ayant une approche plus morale ou sociale de la croissance ? Certains s'y essaient déjà, en renforçant les liens avec les actionnaires, en créant des crèches d'entreprise ou en appréhendant la dimension environnementale. C'est d'un dialogue entre associations de consommateurs et entreprises dont nous avons besoin. Notre monde a changé.

L'économie a ralenti dans nos pays et rares sont les entreprises qui peuvent se permettre le luxe de perdre leurs clients. Une approche collaborative sera sans doute plus efficace que toutes les réformes dont l'impact ne sera que de crisper un peu plus des acteurs de la société civile en besoin d'évolution. A votre avis, qui paiera le prix d'une indemnisation trop lourde imposée à un laboratoire pharmaceutique : peut être l'Etat, le consommateur sans doute et certainement le patient si ce laboratoire n'a plus les moyen de financer sa recherche scientifique.

Benoit Le Bars
Associé fondateur, Lazareff Le Bars

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Commentaire 1
à écrit le 01/12/2015 à 17:09
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Donc, d’après ce monsieur, les fraudes ne doivent pas être punies et les victimes ne doivent pas être indemnisées. Car ceci obligerait certains PDG a baissé leurs salaires ? En outre, l'argent gagné illégalement, y compris en tuant des gens (voir ...

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