Cloud : il est temps que l'Etat sorte sa tête des nuages !

Il faut solder l'échec du Cloud à la française. Tout n'est pas perdu, à condition de jouer la carte non pas du "mainstream", mais de l'excellence. Par Laurent Seror, Président d'Outscale

Le Cloud à la française est un fiasco. Les résultats décevants des projets de Cloud souverain et l'intégration de Cloudwatt dans le giron d'Orange ne sont pas des signes rassurants... Cette initiative vaine a coûté du temps et de l'argent dans un secteur où il devient urgent de faire une proposition viable, si nous souhaitons un jour jouer un rôle sur l'échiquier de l'industrie numérique mondiale. L'énergie informatique est devenue une composante cruciale pour toute économie qui vit une des plus grandes révolutions de son temps : le basculement vers le tout numérique. Sans même présager des besoins en ressources des continents émergents tel que l'Afrique, la vieille Europe se prend les pieds dans le tapis à peine la course lancée.
Nous comptons dans notre patrimoine de grandes pointures de l'industrie et aucune encore ne se distingue réellement à l'échelle internationale dans le paysage du Cloud. Pourquoi un tel fossé entre l'excellence de nos champions de l'industrie et une proposition dérisoire, inexistante, en matière de Cloud ?


Retour sur un échec annoncé

A l'origine, il y a une prise de position de l'Etat assez rétrograde : celle de fabriquer et de contrôler deux projets de Cloud à la française, Cloudwatt et Numergy. A ce stade embryonnaire, il y a déjà une suspicion sur l'entremise de l'État... Comment ce dernier peut-il prétendre bâtir un Cloud industriel alors que son rôle fondamental est de réguler et si possible d'assouplir les règles fiscales pour favoriser la compétitivité du secteur ? Les projets de Cloud souverain ont utilisé l'argent du contribuable de façon déraisonnable sans aucun plan stratégique sur le long terme. On constate un vide réglementaire et un déficit réel en matière de vision politique sur le Cloud.

L'État doit réinvestir son rôle d'arbitre et de facilitateur

Le business n'est pas une prérogative de l'État. Ce dernier doit être un régulateur des Cloud Providers en mettant en place une réglementation qui rassure les entreprises, encourage des mesures d'investissement et permette l'émergence durable de champions du Cloud. L'État a le devoir de protéger ses industries et ses usagers pour accompagner la mutation informatique. Il doit être aussi le médiateur stratégique et politique dans les grandes négociations à l'export de nos innovations numériques.
Sur le territoire national, le Cloud permettrait de nouveaux équilibres économiques et pourrait favoriser une véritable décentralisation en matière de développement des entreprises et de l'emploi.

Encourager l'emploi dans l'hexagone

L'avenir doit également apporter son lot d'évolutions à notre système d'éducation, dont la mission est de former les travailleurs numériques de demain. Notre système éducatif, d'une très grande qualité, ne forme pas suffisamment d'ingénieurs, de développeurs et de techniciens. Les rares ressources qui sortent de nos écoles sont tentées de partir à l'étranger afin de trouver une situation économique et un avenir meilleur. Il faut revoir l'équilibre de notre système, en proposant des mesures rassurantes, motivantes et dynamisantes qui encouragent l'emploi de nos talents dans les frontières de l'hexagone.

 La France a encore une carte à jouer

Un grand plan européen du Cloud durable et performant est souhaitable s'il se concentre sur les rôles régaliens de régulation et de dynamisation de l'économie numérique. Il faut aider les industriels à concevoir des centres de production informatique à des emplacements stratégiques, à créer des emplois, à être concurrentiels face aux géants Américains et Chinois.
Quelle position française dans le Cloud mondial ? Prônons l'« Excellence as a Service » !
Afin de protéger nos intérêts dans cette grande révolution du numérique et fonder notre puissance à l'échelle internationale face aux géants du Cloud, il nous reste encore une carte à jouer ! Celle de l'expertise et de l'innovation qui font l'excellence de nombreux savoir-faire en France.

Le mainstream du Cloud est saturé avec des acteurs puissants, des grandes marques du web, des pure-players et des opérateurs qui ont déjà marqué leurs positions auprès des usagers. Il est entendu que des consolidations sont attendues dans l 'écosystème du Cloud.
Il nous faut donc construire un Cloud expert qui accompagne les plus grandes enseignes de l'industrie européenne et internationale, qui puisse garantir la sécurisation et l'intégrité de données critiques. Des spécialistes du Cloud capables de proposer des réseaux, des infrastructures et des services de haute voltige en matière de super-calcul, de puissance informatique et ainsi aider les industries à se transformer durablement pour rester des champions dans leur domaine.
Nous avons un virage à négocier : bien abordé, il permettra à la France, à l'Europe, de se dépasser, mais si l'état ne joue pas son véritable rôle rapidement, alors nous risquons fort de rester coincés à l'âge de pierre de l'informatique et de manquer la révolution industrielle apportée par les technologies clouds.
The game is not over, bien au contraire...

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Commentaires 2
à écrit le 11/04/2015 à 11:39
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Sur les dizaines d'hébergeurs habilités "cloud santé", seul un ou deux s'intéressent aux 100.000 cabinets médicaux, les autres visent les "grands comptes" (3000 hôpitaux et autant de cliniques). Les tarifs proposés pour stocker quelques gigaoctets so...

le 16/04/2015 à 17:57
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Bonjour, c'est en effet anormal. L'argent publique devrait en priorité servir aux services publiques. Les données de santé sont très personnelles et doivent être protégées. Il est donc normal d'imposer une règlementation très stricte sur leur trai...

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