Comment rendre le développement durable accessible à tous...

La filière française des « duratechs » est une réalité qui ne demande qu'à se déployer fortement. Par Patrick d'Humières, président de l'ADD, association professionnelle des conseils en développement durable.

Les cleantechs françaises se font une réputation méritée ; elles ont mis le numérique au service des progrès environnementaux. Les Fintechs françaises sont en train de s'imposer à travers le mariage des mathématiques et de l'agilité financière. Bla Bla Car ouvre la voie des « mobitechs » qui inventent d'autres modes de déplacement. L'univers des eco-industries made-in France a pris une réelle densité depuis que les start-up ont compris qu'elles grandiront seules, contre les acteurs en place, en faisant appel aux consommateurs épris de service, d'efficacité, de prix bas et de participation. Cette culture-tech, rendue possible par le numérique, nourrit un nouveau terreau économique dont sortiront certainement des opérateurs de référence à la place d'acteurs anciens, rentiers qui bloquent parfois les mutations et qui ne veulent pas reconnaître l'énorme gaspillage de nos ressources qui découle des habitudes actuelles, comme on le voit dans la distribution et les services aux particuliers.

Les excès inacceptables de l'uberisation

Certes, la digitalisation de la société, qui entraîne parfois son « uberisation », c'est-à-dire des modes de découplage et d'accessibilité importants aux services pour un plus grand nombre, mais parfois aussi dans des conditions non maitrisées de baisse des coûts, peut conduire à des excès inacceptables, s'ils ne prennent pas en compte les autres principes du développement durable que sont l'équité et la loyauté, c'est-à-dire « le contrat d'adaptation entre parties prenantes ».

Deux façons de muter

Le mouvement du développement durable n'est que celui de la prise en charge responsable et collaborative de son modèle de croissance par l'opérateur économique, et la maîtrise de ses impacts pour qu'il perdure et qu'il serve les générations présentes et futures. En conséquence de quoi, il y a deux façons de muter : le rapport de forces ou la collaboration. Le rapport de forces, choisi par Google ou Ryanair, fait sauter les limites juridiques, bonnes et mauvaises. La collaboration, choisie par Danone ou Schneider, est un modèle d'association à ceux qui ne sont pas encore clients pour les faire entrer dans le marché selon leurs besoins réels. L'entrepreneur est libre de choisir son mode opératoire au sein de la société, mais ce n'est pas que son affaire. C'est aussi une question d'intérêt général qui nous concerne : la mutation en cours sera durable ou ne réussira pas !

La recherche d'un modèle "soutenable"

C'est pour faciliter le succès de cette mutation dans un cadre de développement durable que « les conseils engagés » dans ce domaine proposent depuis quelques années des offres originales, innovantes et fortement contributrices aux stratégies collectives et publiques. Ils sont des ponts entre les inventions de nouveaux modèles et leur contexte d'acceptabilité et de faisabilité sociale. Prenez la ferme des 1000 vaches : bon ou mauvais modèle d'avenir, nul le sait aujourd'hui car les préjugés l'emportent de part et d'autre et les mesures précises ne sont pas là ; voilà une expérimentation dont on peut avoir besoin en France, à condition de gérer la relation parties prenantes tout au long du projet et sa durabilité vérifiée.

On pourrait multiplier les exemples de ratés mais aussi des références réussies qui font l'intérêt de ces nouveaux métiers du conseil en développement durable, fondés sur l'alliance du numérique, du dialogue entre parties concernées et de la recherche d'un modèle « soutenable », c'est-à-dire économe en ressources, équitable dans son mode de création de valeur et contributeur à la régulation collective. L'invention de ce savoir original, par l'usage des technologies au service du développement durable, combinant l'open-source, le reporting normé, le dialogue interactif et l'engagement sociétal, à travers une vision holistique, est ce qui caractérise les « dura-techs ».

Un vivier français de « duratechs »

Or la France comprend depuis quelques années un vivier de « duratechs ». Elles sont pour beaucoup regroupées aujourd'hui dans l'ADD (association des conseils en RSE & développement durable) qui vient de constituer désormais le comité DD & RSE de Syntec Management. Parmi celles-ci on compte des spécialistes des stratégies durables et de la mesure de l'impact local comme Utopies, de la métrique extra-financière comme Irse management, de la gestion du changement comme Des Enjeux et des Hommes, des stratégies d'alliance sociétale comme Nuova Vista, des relations parties prenantes comme Transitions, du management de la biodiversité comme B&L évolution, et bien d'autres spécialistes comme Tennaxia dans les systèmes d'information, Ekodev, Oraveo, Birdeo, Orientation durable etc... (voir www.add-conseil.org), qui proposent des services spécialisés dans chacune des facettes d'application des nouveaux modèles durables.

Ces expertises portées par des entrepreneurs engagés ayant une forte expérience personnelle dans le champ du développement durable constituent l'aile avancée de nos « french duratechs » dont la dynamique va s'ancrer prochainement dans un label de référence ayant trois caractéristiques : l'apport d'une contribution significative au développement durable, l'intégration de méthodologies originales favorisant les initiatives collaboratives et l'utilisation de technologies numériques augmentant l'efficience et l'accessibilité aux services.

Augmenter la durabilité de l'économie

Le projet de « la french duratech » est d'augmenter la durabilité de l'économie en regroupant le maximum d'acteurs et en faisant partager aux acteurs publics et privés l'intérêt qu'ils ont à « penser autrement et ensemble » leur vision d'avenir, dans le monde contemporain en pleine mutation . Cette campagne prendra trois formes en cours d'exploration , dont pour commencer une initiative pédagogique au service des PME lors de la COP21, pour les encourager à appliquer à leur niveau un prix interne du carbone et comprendre ainsi le surcoût des énergies carbonées ; ensuite « la french duratech » proposera aux chambres de commerce, à la BPI et aux réseaux bancaires locaux de s'associer dans quelques « projets innovants de territoire durable » pour faciliter des consensus dynamiques et réduire les situations de conflit autour des nouvelles infrastructures « greentechs » ; enfin la filière technologique durable proposera aux acteurs privés français engagés dans des actions internationales complexes, de développer un référentiel de « local content » qui permettra de faire reconnaître notre capacité à mieux répondre que d'autres compétiteurs aux aspirations de développement humain global dans les zones émergentes complexes.

Issue d'engagements originaux, portée par des savoirs faire techniques avancés et encouragée depuis le Grenelle de l'environnement et la définition des stratégies nationales de développement durable, à se mettre au service d'actions mutualisées, la filière française des « duratechs » est une réalité qui ne demande qu'à se déployer fortement. Nous disposons là d'un levier qu'il faut considérer, reconnaître et soutenir pour lui donner toutes ses potentialités car il est le seul à offrir une double dimension économique et sociétale, indissociable. Les « french duratechs » sont des catalyseurs de la mutation qui ne demandent qu'à accompagner le peloton des acteurs de progrès qu'on a vu se rassembler lors du Business Summit de la COP21 et auxquelles elles apporteront leurs compétences complémentaires.

Patrick d'Humières
Président de l'ADD, association professionnelle des conseils en développement durable.



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Commentaire 1
à écrit le 03/07/2015 à 7:19
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Il y a la solution: "initiative pédagogique pour appliquer un prix interne du carbone"...

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