Comprendre les mécanismes du Shadow Banking

La Tribune publie chaque jour des extraits issus des analyses diffusées sur Xerfi Canal. Aujourd'hui, comprendre les mécanismes du Shadow Banking
Olivier Passet, directeur des synthèses économiques de Xerfi. / DR

Le Shadow Banking est le genre de concept que l'on comprend sans bien le comprendre, qui continue à vous échapper même lorsque l'on approfondit l'investigation, tant il recouvre des acteurs multiples aux jeux divers et complexes. On croit savoir de lui :

1/ qu'avec 80.000 milliards de dollars d'actifs financiers, il représente la moitié du poids du système bancaire traditionnel.

2/ Que les ¾ sont contrôlés par les États-Unis, le Royaume-Uni, et la zone euro.

3/ Enfin, les liens tissés entre la finance de l'ombre et la banque classique, hors bilan, donc hors contrôle, créent un risque systémique.

Et l'on sait de surcroît que toute une partie de cette finance de l'ombre, domiciliée dans les centres financiers off-shore nous échappe. Les deux problématiques étant intimement liées.

Lorsque l'on parle de Shadow Banking, c'est le terme Shadow qui retient l'attention et excite l'imaginaire. Or c'est le mot « banking » qui devrait encore plus focaliser notre attention. Pourquoi ? Parce que le Shadow Banking est une notion qui fait exploser les typologies que l'on croyait maitriser.

Une création monétaire de ces quasi banques

D'un côté les banques, qui financent l'économie grâce aux dépôts des agents privés, mais surtout grâce à l'accès exclusif qu'elles ont à la liquidité que leur procure la banque centrale. Elles ont grâce à cette ressource, le monopole de la création monétaire. Et elles sont soumises de ce fait à toute une série d'astreintes et de règles prudentielles.

De l'autre, des fonds divers et variés, qui se contentent de gérer une épargne déjà existante, qui n'ont donc pas un pouvoir de création monétaire. Et c'est de ce côté que les choses ont changé. Mais ce n'est pas l'énumération des acteurs du Shadow Banking qui nous éclaire sur le phénomène. Sur le papier, nombre d'entre eux sont connus et bien répertoriés : des banques d'affaires, des fonds d'investissement, des gestionnaires d'actifs, des sociétés de capital-investissement, des sociétés de garantie de crédit, des sociétés d'affacturage etc...

 Au coeur de la spéculation

Alors bien sûr, parmi eux, il y a les fameux Hedge funds, dont la simple évocation nous met en alerte sur le caractère spéculatif de ces acteurs. Nous alerte aussi sur le fait qu'une partie de ces acteurs, abusant des possibilités de domiciliation dans des centres offshore, autrement dit des paradis fiscaux, mais surtout réglementaires, vont pouvoir jouer avec le feu et l'argent sale sans véritable contrôle ; Mais cela ne suffit pas à cerner le problème. Car nombre des acteurs du Shadow banking sont domiciliés au sein même des économies développées. Cela ne nous explique pas comment des fonds deviennent des quasi-banques, prenant part à la création monétaire, sans les garde-fous que suppose une telle activité.

Pour le comprendre, il faut saisir toute une série de mécanismes qui créent une forte porosité entre le système bancaire traditionnel et la sphère des investisseurs en tous genres. Je le ferai ici sans recourir à un jargon que je ne maitrise pas moi-même.

Un montage complexe du shadow banking

Imaginez simplement, que les banques puissent, débarrasser leur bilan de prêts, plus ou moins risqués, en les revendant sous la forme de paquets diversifiés (c'est cela la titrisation). Les transférant donc à l'actif d'autres agents financiers. Ces agents deviennent prêteur de fait à l'économie.

Imaginez maintenant que s'étant débarrassé de ce risque elles puissent prêter davantage à l'économie, tout en respectant les ratios de Bâle et tout en se refinançant quasi gratuitement auprès de la banque centrale. De fait, se crée alors une chaine qui part de la banque centrale, pour produire plus de crédit, dont une partie est portée par des agents non bancaires, qui deviennent partie prenante de la création monétaire.

Imaginez ensuite que ces mêmes banques puissent prêter une partie de leurs actifs à des fonds spéculatifs, pour qu'ils puissent les revendre ou les acheter à terme, et se faire des plus-values que le marché baisse ou monte. Cela revient à leur procurer de la liquidité pour spéculer, sans rien leur avoir prêté en apparence.

Imaginez toujours que ces mêmes banques prennent les actifs des fonds spéculatifs comme collatéraux, en échange de liquidité... ce qui revient à les refinancer, comme le fait une banque centrale. Et que ces fonds, à partir de cette ressource (notamment les hedge funds ou les fonds de LBO) fasse du levier, profitant du coût incroyablement faible de la liquidité.

Imaginez enfin que ces fonds spéculatifs vont eux-mêmes émettre des titres courts, qui vont se rependre dans l'ensemble du système, et bénéficier aussi de garanties qui transfèrent le risque aux acteurs bancaires ou au secteur de l'assurance.
Consolider cela, et vous comprenez que le shadow banking devient une grosse banque, branchée indirectement sur la liquidité de la banque centrale et alimentant le crédit à l'économie, sans que l'on puisse localiser les risques ou les contrôler. Et vous comprenez aussi que la banque centrale ne peut restreindre sa liquidité, sans penser aux effets de résonance que peut engendrer le shadow banking.

>> Plus de vidéos sur le site Xerfi Canal, le médiateur du monde économique

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