Concurrence fiscale en Europe : la grande connivence

La Tribune publie chaque jour des extraits issus des analyses diffusées sur Xerfi Canal. Aujourd'hui, la grande connivence sur la fraude fiscale en Europe
Olivier Passet, directeur des synthèses économiques de Xerfi. / DR

L'affaire Panama Papers, ouvre une nouvelle fois la boite de pandore de cette économie de l'ombre qui échappe à l'impôt et au droit. Et l'on ne peut s'empêcher de penser à chaque fois que ce n'est qu'un tout petit bout de la machine de l'évitement fiscal et de la fructification discrète des fortunes qui nous est révélée au grand jour. L'affaire Luxleaks était de ce point de vue plus édifiante... car c'était au cœur même de l'espace européen que se jouait la scène... avec un peu moins de sportifs, de dictateurs, de marchands d'art. Mais surtout des grands groupes planétaires, qui compte tenu des masses financières qu'ils brassent, ont un pouvoir de détournement bien plus considérable.

Partant de ce constat, l'idée nous est venue à Xerfi de faire la cartographie de cette machine à évasion ou à optimisation si proche ne nous...  ces pays, ces iles, ces principautés, ces duchés,  qui armes le dumping fiscal et réglementaire en Europe... Chacun a sa spécialité... je vais ici en faire un tour d'horizon rapide... un tour d'horizon qui m'a permis de réaliser que ce que je faisais là, contrairement à mon intention initiale n'était une revue d'armes de la guerre fiscale en Europe, mais plutôt celle du désarmement et de la connivence fiscale.

L'arsenal de guerre

Commençons par le Luxembourg (le pays du tax ruling autrement dit accords fiscaux secrets), poursuivons par les Pays Bas, pays d'accueil des holding notamment grâce à son régime fiscal mère fille très avantageux, et grâce aussi aux fameux sandwich avec les Antilles néerlandaises, la Belgique (grâce au système des intérêts notionnels et son régime particulier pour les plus-values et dividendes), la Suisse (toujours pour les Holding), tout le système polyvalent constitué par Londres, les Iles anglo-normandes, l'Ile de Man, et ses ramifications avec Gibraltar, les Bermudes, et les iles vierges ; Le Lichtenstein, Monaco, Andorre, Maltes, Chypres enfin (pour sa fiscalité des sociétés mais aussi le niveau de ses cotisations sociales)... Et l'on pourrait encore étirer la liste avec les pays dont l'IS est atypiquement faible (l'Irlande, les pays Baltes, la Bulgarie) ... pourquoi pas la France avec son crédit d'impôt recherche et sa niche Copé, etc.

Bref, les grandes entreprises ou fortunes trouvent là un arsenal diversifié, leur permettant de se jouer des fiscalités et des règles qui prévalent dans les territoires où elles font affaire. Et ces petits territoires pompent du coup la substance fiscale de leurs voisins avec des armes déloyales que l'on devrait considérer comme du dumping.

Tout cela fait système...

Les spécialisations sont formelles. Cet ensemble constitue une plateforme capable d'offrir des bouquets de solution par montage, avec le fameux sandwich hollandais ou irlandais en tête du hit-parade médiatique. Les intermédiaires financiers nationaux peuvent monter des solutions complexes ou interviennent plusieurs paradis. Et c'est bien là-dessus de la Société générale se fait épingler, sans parler de la réputation sulfureuse de Londres. A n'importe quel endroit, les entreprises ont accès à cette plateforme de paradis ubérisés.

Et quelle est la fonction de cette plateforme. Armer la guerre fiscale ou la désarmer ? Car au fond cette plateforme  apatride est une grande machine à égaliser la fiscalité pour les groupes quel  que soit l'endroit où ils développent leurs affaires. Une holding aux Pays-Bas ou au Luxembourg, un service de facturation en Irlande, des travailleurs détachés portés par des agences chypriotes... tout cela permet in fine de remettre les compteurs à zéro. Une grande machine à éviter les taux d'impôt nationaux se met en place.  Nul besoin pour les pays à haute fiscalité de renoncer à leurs spécificités réservé au plus grand nombre. Cela ne détournera pas les investisseurs étrangers, sans pour autant avoir besoin de mettre en place des dérogations que les cours constitutionnelles invalideraient au nom du principe d'égalité face au droit.

C'est en cela que l'on peut parler de connivence plutôt que de concurrence fiscal. Faire des affaires en France devient acceptable. Voilà peut-être pourquoi quand un grand scandale éclate, la mesure de rétorsion cataclysmique évoquée s'arrête  au fait dérisoire de rajouter un nom sur une liste. Voilà peut-être pourquoi, l'Europe a placé à sa tête un grand parrain de l'évasion Jean-Claude Juncker, et que tout le monde fait mine de croire qu'il est repenti...

>> Plus de vidéos sur le site Xerfi Canal, le médiateur du monde économique

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Commentaire 1
à écrit le 25/04/2016 à 16:57
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Il n'est jamais trop tard pour admettre l'évidence...

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