COP21 : que veulent vraiment les citoyens ?

Que pensent les citoyens du changement climatique? Est-ce leur priorité? Les sondages présentés à la COP21 sont largement biaisés. Par Bjorn Lomborg, directeur du Copenhagen Consensus Center et professeur adjoint au Copenhagen Business School. Bjorn Lomborg commente chaque jour l'actualité de la COP21 pour La Tribune

La secrétaire exécutive de la Convention-cadre de l'ONU sur le climat, Christiana Figueres, voudrait faire entendre au monde entier que le changement climatique est considéré comme la problématique la plus urgente de la planète.
Son agence a établi un rapport," Les opinions surprenantes des citoyens sur le changement climatique", en partenariat avec des institutions nationales telles que le Danish Board of Technology Foundation, déterminant les perspectives de 80 pays sur le changement climatique.
Les résultats sont spectaculaires : presque 80% des répondants disent être très préoccupés par les impacts du changement climatique et 79% ont affirmé que leur pays doivent réduire leurs émissions de gaz à effet de serre même si les autres pays ne le font pas.

Un sondage biaisé

Toutefois, en se regardant de plus près la manière dont ces résultats ont été obtenus, on découvre que l'agence qui a réalisé le sondage l'a conçu de manière qu'il ne pouvait en sortir que des résultats à sens unique.

L'enquête a été réalisée à travers 104 évènements dans 80 pays, avec en moyenne 100 participants de chaque. Le processus du sondage impliquait une grande probabilité de participation de personnes fortement préoccupées par le changement climatique : les participants devaient lire en premier lieu une publication de 32 pages sur le changement climatique, et ensuite se présenter pendant pratiquement toute une journée à une prétendue « consultation des citoyens » animée par des vidéos et des discussions, durant laquelle ils devaient participer à des tables rondes sur l'aspect scientifique du changement climatique, ses impacts sociaux et les stratégies politiques pour le combattre.

Il est évident que si vous pensez que le changement climatique est un problème très préoccupant, vous serez plus enclin à passer plus de temps à ce genre de consultation. Mais si vous pensez que le changement climatique vient après plusieurs autres priorités, il est plus probable que vous préfèreriez faire autre chose.

Auto sélection massive

Cette auto-sélection massive se reflète dans le taux de réponse. En Danemark, 6000 citoyens ont été invités à venir à cette consultation, mais seuls 175 ont accepté l'invitation. Sur ces 175, 150 ont été sélectionnés pour une représentation générale de la population de Danemark et parmi ceux-ci, seuls 119 sont venus - soit moins de 2% de taux de réponse.

Par ailleurs, le fait de visionner des vidéos sur le changement climatique et de discuter des mesures à prendre sur le climat a pour effet non seulement de trier préalablement les participants, mais aussi de préparer massivement les réponses. Vous auriez appliqué le même exercice sur n'importe quel autre problématique - par exemple l'État islamique, l'éducation ou la santé - il est certain que vous auriez obtenu des réactions similaires, ultra-urgentes.

Des conclusions surprenantes

Signe d'ailleurs que même le secrétariat de la CCNUCC n'est pas à l'aise avec les résultats de ce sondage, il a omis de mentionner certaines conclusions surprenantes - comme le fait que 65% des répondants admettent que nous devons limiter les températures à 2°C « peu importe les efforts que ça représente », en dépit du fait que cela coûtera selon les estimations du GIEC 53 000 milliards d'euros par an jusqu'à la fin de ce siècle. En République Démocratique du Congo, un des plus pauvres pays de la planète, 83% approuve apparemment ce point de vue.

Ce projet dit montrer « jusqu'où les citoyens de la planète veulent aller pour résoudre les problèmes du changement climatique et pour faire avancer la transition énergétique ». Pourtant, nous disposons déjà de plusieurs enquêtes sur les préoccupations des populations concernant le changement climatique, qui sont effectivement représentatives.

Aux États-Unis, Gallup et Pew ont régulièrement effectué des sondages sur les inquiétudes des américains sur le réchauffement climatique. Selon enquête menée par Gallup l'année dernière, 24% des américains disent être fortement préoccupés par le réchauffement climatique. Comparativement, la méthodologie de la CCNUCC suggère en moyenne un écrasant pourcentage de 80.3% des américains se disant « très préoccupés ». Dans le Colorado, chaque personne qui a pris part à cette consultation se dit apparemment « très préoccupée ».

Les autres préoccupations des américains

Les préoccupations des américains sont bien sûr nombreuses - quand Gallup les a interrogés sur 15 domaines, le réchauffement climatique a été cité en avant-dernier. Ils s'inquiètent plus de l'économie, des déficits budgétaires et des soins de santé, mais aussi des sans-abri, de la drogue et de l'abordabilité de l'énergie. Dans une étude réalisée par Pew en 2015, le climat vient en avant-dernier sur une liste de 23 priorités nationales.
Idem, l'Union Européenne a régulièrement sondé les citoyens de ses pays sur les problèmes qui leur paraissent les plus importants - ici « l'environnement, le climat et l'énergie » se classent 11e sur 13 sujets après l'emploi, l'économie mais aussi les dettes, les pensions et l'éducation.

Selon l'ONU, les politiques climatiques sont la dernière préoccupation

L'ONU a demandé à 8 millions de personnes à travers le monde quelles politiques elles souhaitaient le plus. Les politiques climatiques viennent à la 16e place sur 16 choix, derrière 15 autres priorités.
Le changement climatique est un problème réel et la plupart des gens trouvent qu'une action sur le climat est raisonnablement importante. Mais il y a d'autres problèmes mondiaux que le monde trouve encore plus important. Lorsqu'on demande aux gens de prioriser les actions, les mesures climatiques sont globalement la priorité la moins importante pour eux. Ce n'est pas le message que Christiana Figueres souhaite entendre, mais il a néanmoins l'avantage d'être correct.

Traduit par Ninah Rahobisoa

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Commentaires 6
à écrit le 09/12/2015 à 11:38
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Je suis très déçu que la Tribune, dont j'appréciais le traitement de l'information économique ait décidé de donner une tribune aussi importante à l'un des climato-septiques les plus connus. Un monsieur qui n'est pas climatologue, juste un expert auto...

le 09/12/2015 à 15:48
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Le rôle de la presse est de présenter l'ensemble des avis sur un sujet. Honneur à La Tribune pour présenter au lecteur différents avis sur le même sujet, pour qu'il puisse se constituer lui même son avis avec l'ensemble des données (pour ou contre) e...

à écrit le 08/12/2015 à 20:10
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Une écologie raisonnable (tri des déchets, isolation des logements au mieux des possibilités et des matériaux, solaire ou éolien à bon escient, produits d'entretien simplifiés et plus sains dans le commerce (à base de vinaigre, bicarbonate, etc) mai...

à écrit le 08/12/2015 à 17:31
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Le citoyen français veut moins de réglementations et de lois, du travail donc moins de chômage, des politiques qui travaillent au bien du pays et non pour se gaver. Et bien d'autres choses que les "élites" qui devraient se pencher très sérieusement s...

à écrit le 08/12/2015 à 16:40
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le citoyen de base français ne se préoccupe pas de la Cop 21 ; il sait bien que les grandes puissances productrices de charbon de pétrole de gaz de schiste qui font leur richesse , ne vont abandonner la poule aux œufs d'or pour faire plaisir à Hollan...

à écrit le 08/12/2015 à 14:58
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Lomborg n'a rien "d'écologique" et est même classé comme criminel du climat, belle référence comme "auteur" : http://www.lefigaro.fr/sciences/2015/12/07/01008-20151207ARTFIG00317-les-portraits-des-criminels-du-climat-placardes-dans-paris.php#xtor=AL-...

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