Coronavirus : la « peste noire » des nouvelles routes de la soie ?

OPINION. Les principales épidémies des temps modernes ayant affecté l’économie mondiale sont majoritairement parties de Chine. La réussite des nouvelles routes de la soie passe inévitablement par un changement drastique de la politique sanitaire chinoise… Aussi, la réaction chinoise à propos de l'épidémie de coronavirus est probablement dictée, au-delà de la nécessité de combattre la propagation du virus, par une volonté d’envoyer un message fort à la communauté internationale. Par Samir Ayoub et Luc Meunier, professeurs à ESSCA School of Management.
L'œuvre artistique le pont d'or de la route de la soie a été installée dans le parc olympique de Pékin.
L'œuvre artistique "le pont d'or de la route de la soie" a été installée dans le parc olympique de Pékin. (Crédits : Reuters)

L'épidémie de coronavirus continue à inquiéter. Si l'épidémie touchait jusque-là principalement la Chine, l'épidémie semble, ces derniers jours, s'étendre au-delà des frontières chinoises pour toucher notamment l'Italie, l'Iran ou la Corée du Sud. Ce mardi 25 février, environ 80.000 cas et 2.620 morts sont à dénombrer. À titre de comparaison, le CDC(*) a estimé que la grippe a causé, la saison précédente (2017-2018), 810.000 hospitalisations et 61.000 morts, aux USA uniquement.

Il est clair que l'incertitude qui entoure ce nouveau virus fait peur. C'est certainement l'une des raisons qui pousse la Chine à confiner plusieurs dizaines de millions de personnes et à avoir construit l'hôpital du « Dieu du feu » en 10 jours. Comme cela avait été le cas avec le H1N1, il est possible qu'a posteriori les autorités soient accusées d'avoir sur-réagi. Notons cependant qu'il s'agit là d'un moindre mal comparé à une épidémie mal gérée.

Au-delà de ce sentiment d'excès, partagé par de nombreux observateurs, une autre vision peut toutefois être développée. En effet, la surréaction chinoise est peut-être dictée, au-delà la nécessité de combattre la propagation du virus, par une volonté d'envoyer un message fort à la communauté internationale et plus particulièrement aux signataires de l'accord sur les nouvelles routes de la soie.

Nouvel empire du Milieu

Rappelons que la Chine a lancé en 2014 un ambitieux plan d'investissements internationaux visant à accroitre son influence commerciale dans le monde. Depuis, 60 pays ont signé l'accord, actant ainsi le lancement d'un plan d'investissements de 1.000 milliards de dollars dans ce qui a été baptisé « les nouvelles routes de la soie ».

Appelée aussi « One Belt One Road », cette opération a été perçue par les pays signataires comme un accord gagnant/gagnant. Pour les pays asiatiques, européens ou africains, il s'agit concrètement d'accueillir des investissements chinois massifs visant à créer et à rénover des infrastructures terrestres, maritimes et ferroviaires, générant au passage des milliers d'emplois. Côté chinois, cette ceinture, supposée couvrir à terme les deux tiers de la population mondiale, aura pour objectif de développer et de faciliter les échanges commerciaux internationaux. Elle devrait également garantir la prospérité économique et l'indépendance énergétique du pays.

Ainsi, en Europe, l'Italie ouvre le bal avec l'entrée dans le dispositif des ports de Gênes et de Trieste. La France s'est réjouie de la prochaine ouverture de la ligne ferroviaire reliant Lyon à la province de Wuhan, ainsi que de l'entrée du port de Marseille dans la boucle. La Grèce a, quant à elle, accueilli à bras ouverts 660 millions d'investissements chinois pour faire du port du Pirée le plus grand port d'Europe. D'autres pays en Asie se sont associés au dispositif comme l'Afghanistan, la Thaïlande et le Sri Lanka. Le continent africain n'est pas en reste. Il bénéficiera de 15% des investissements, avec pour point d'orgue le développement de structures portuaires au Kenya et en Égypte, ainsi que de structures ferroviaires dans le reste de la région, où la présence chinoise n'est plus à prouver.

« One Belt One Road » : pour le meilleur et pour le pire

Si l'objectif est de « diviser par deux » les distances entre la Chine et les pays signataires, cela aura pour conséquence directe l'augmentation des échanges commerciaux et donc une dépendance accrue vis-à-vis du marché chinois. Rappelons que depuis le début des années 2000, la part de la Chine dans le commerce mondial a pratiquement doublé et que le marché chinois constitue par exemple à ce jour 30% du chiffre d'affaires de LVMH ou encore 40% des profits du numéro un mondial de l'automobile VW.

Or, historiquement, les échanges commerciaux ont souvent été lourdement affectés par la diffusion des épidémies. Le coronavirus rappelle par exemple la peste noire qui avait, au XIVe siècle, exterminé un tiers de la population européenne. Cette maladie, elle aussi en provenance de Chine, avait atteint l'Europe via les routes de la soie de l'époque. La dernière pandémie de peste, appelée « peste de Chine », s'était également exportée à l'Europe et l'Amérique par voie maritime au début du XXe siècle. Plus récemment, en 2017, il a été démontré que le SRAS de 2003 trouvait son origine dans une grotte de la province chinoise du Yunnan. Cette épidémie a affecté 30 pays et coûté à l'économie mondiale plus de 54 milliards de dollars.

Dans une intervention au Forum pour la coopération sanitaire en Chine en 2017, le Dr Tedros, directeur général de l'OMS, a salué l'initiative du président Xi Jinping pour la création d'une « route de la soie sanitaire », qui « renforce et renouvelle les liens anciens entre les cultures et les peuples en accordant une place centrale à la santé ». Facile à dire, visiblement difficile à mettre en place, remarqueront les plus cyniques.

Rattrapée par le coronavirus, la Chine n'a désormais plus le choix : agir sur le plan sanitaire ou prendre le risque que les nouvelles routes de la soie soient longues et semées d'embûches.

(*) Centers for Disease Control and Prevention

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Commentaires 5
à écrit le 20/04/2020 à 17:18
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La chine n'est pas très saine sanitairement en dissimulant ses maladies : En 1918 la grippe espagnole en 1997 H5N1 en 2003 le sras en 2009 h1n1 en 2019 : peste pulmonaire en 2020 nCoV-2019 Fin 2020 ? merci les chinois !

à écrit le 02/04/2020 à 13:06
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Il ne faut pas tout attribuer aux Chinois ! Obama Nungara, a pour origine l’Amérique latine, Plus précisément du Mexique et d’Argentine....

à écrit le 26/02/2020 à 11:13
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l appat du gain de l occident fait que de toute manière les portes sont grandes ouvertes pour la chine.......le reste c 'est de la littérature.... il n y a qu à voir ou on fabrique les princeps de la pharmacie mondiale..... ça fait des années qu on ...

à écrit le 26/02/2020 à 9:43
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"La réussite des nouvelles routes de la soie passe inévitablement par un changement drastique de la politique sanitaire chinoise…" Ouais bon enfin la Chine expose quand même une efficacité à contenir un milliard d'habitant assez hallucinante tand...

à écrit le 26/02/2020 à 9:09
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Les chinois contaminent tout : des marchandises de piètres qualités pour ne pas dire jetable direct poubelle, détruisant nos emplois, détruisant les acquis sociaux et la liberté d'expression, détruit la biodiversité de notre pays avec le frelon asiat...

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