Coupe du monde de football 2022 : le Qatar sera hors-jeu !

L'organisation de la coupe du monde de foot par le Qatar, voilà une bien mauvaise idée. Des solutions alternatives sont encore envisageables. Par Gabriel Malika, auteur de Qatarina

Il ne se passe pas une semaine sans que l'on parle du Qatar, de son argent et de ses acquisitions. Le Qatar finance les entreprises du CAC 40, rachète des marques de luxe internationales et donne au PSG les moyens de se hisser sur le toit de l'Europe footballistique. Le Qatar a beaucoup d'argent, dépense, presque sans compter. Pour le Qatar, la question n'est pas de savoir si un investissement est rentable mais s'il contribuera à dorer son blason de nouvelle puissance du Golfe. La coupe du monde de football est devenu un événement et un produit de la mondialisation. Le Qatar en a fait l'acquisition sans prendre le temps d'en étudier la notice.

Une mauvaise idée

Deux ans d'enquête et de dialogue avec les futurs acteurs de cette coupe du monde (organisateurs, joueurs, journalistes, entrepreneurs, consultants) m'ont démontré que l'organisation de cette coupe du monde est, pour paraphraser Obama, une mauvaise idée. Une coupe du monde ne se résume pas seulement à sa compétition sportive. Elle doit favoriser le tourisme et les échanges. Elle doit représenter un excellent prétexte pour rapprocher les peuples et faire la fête. Je me souviens de cette demi-finale de Coupe du monde 1998 entre le Brésil et la Hollande. Les rues de Marseille avaient des allures de Rio de Janeiro. Les supporters des deux équipes buvaient, dansaient et chantaient ensemble.

Un spectacle qu'il est impossible d'imaginer dans une ville comme Doha. La chaleur qui, il est vrai, dissuaderait le plus fanatique des supporters, n'est pas la seule explication. Le Qatar n'est pas préparé - et ne le sera certainement jamais - à la consommation d'alcool et aux mouvements de foule sur son territoire. Dès lors, comment vont-ils gérer l'afflux de ces supporters qui, légitimement, ont envie de s'amuser ? J'ai entendu les solutions les plus insensées. On construirait des compounds de boissons, sorte de mini ghettos de la consommation d'alcool. Mieux, on affrèterait des bateaux qui, stationnés en quarantaine au beau milieu de la baie de Doha, toléreraient les excès de leurs passagers, loin de la corniche et de ses habitants.

Quelle mobilisation pour la population locale?

On attend de la population d'un pays hôte de la coupe du monde un minimum d'enthousiasme et de mobilisation. Les Qataris auxquels j'ai parlé m'ont déclaré qu'ils partiraient en vacances pendant la coupe du monde, afin d'éviter les « hordes » de touristes et les nuisances qu'elles vont causer. À un consultant qui travaillait pour le Qatar et dont le sens commun avait été sévèrement altéré par le montant vertigineux de ses honoraires, j'avais demandé si on pouvait attendre une forte participation des populations locales. « Ce sera comme aux Jeux Olympiques de Londres 2012 », avait-il répondu.

Le consultant ne semble pas comprendre qu'un d'esprit de solidarité ne se décrète pas, il se construit sur plusieurs générations. Si les Londoniens sont spontanément descendus dans la rue, c'est parce qu'ils ont l'habitude de se mobiliser en des circonstances exceptionnelles, qu'elles soient éprouvantes - comme le bombardement de Londres par la Wehrmacht - ou festives - comme le jubilé d'une reine. Comment peut-on attendre du jeune peuple qatari, minorité inexpérimentée et craintive sur son propre territoire, qu'il accompagne un évènement aussi socialement et culturellement déstabilisant que la Coupe du Monde ? Et au consultant d'ajouter : « ne faites pas de comparaisons avec les coupes du monde précédentes, celle-ci sera bien différente ». Alors voilà ce que nous sommes en droit d'attendre, une coupe du monde « différente ».

Des stades à moitié vides

Car elle aura bien lieu, trop d'intérêts financiers sont en jeu. Ce sera une coupe du monde aseptisée, avec des stades à moitié vides, des spectateurs payés pour assister aux matchs (voir ce qui s'est passé pendant la dernière coupe du monde de handball) et des rues désertées par les habitants comme par les touristes. Une coupe du monde formatée pour la télévision et les sponsors, sans humanité réelle. Mais comment parler d'humanité pour une compétition qui fait autant de victimes sur ses chantiers ? Le Qatar, après avoir joué les apprentis sorciers dans la diplomatie internationale, va prendre le risque d'organiser un évènement sportif dont il n'a pas mesuré l'onde de choc. La coupe du monde de football est l'achat de trop.

Briller, et vite...

Tout avait pourtant bien commencé. Ce producteur de gaz, sous la houlette de Scheikha Mozah, avait investi dans l'éducation et la culture. Grâce à la Qatar Foundation, les plus grandes écoles du monde ont apporté leur savoir à la jeunesse locale. Le Musée d'Art Islamique de Doha, imaginé par l'architecte Pei, est une pure merveille. Et puis, comme souvent dans cette partie du monde, les ego ont tout balayé.

Le Qatar, pris d'un complexe d'infériorité, ne pouvait se résoudre à rester un digne producteur de gaz, un patient promoteur du savoir, un chef de file de ce renouveau de la culture arabo-musulmane dont le monde entier attend la manifestation. Non, il fallait briller, et vite. Il pensa que la coupe du monde lui en donnerait la possibilité. Il lui reste sept ans pour construire une dizaine de stades dans une ville, Doha, plus petite que Lyon. Il lui reste sept ans pour convaincre ses citoyens de ne pas quitter les lieux pendant la compétition. Il lui reste sept ans pour accepter les compromis nécessaires à la venue des supporters du monde entier. Il lui reste sept ans pour ne pas boire cette coupe jusqu'à la lie.

"Partager" la coupe avec les voisins?

Pourtant, les solutions ne manquent pas, il n'est pas trop tard. La plus intéressante d'entre elles serait de « partager » la coupe avec ses voisins du Golfe tels qu'Abu Dhabi, Bahreïn et bien-sûr, Dubaï, qui s'ouvre au monde depuis cinquante ans et va démontrer avec l'Exposition Universelle de 2020 qu'elle est bien la seule métropole du Moyen-Orient à pouvoir conjuguer culture arabe et mondialisation.
Personne ne doute de l'intérêt du monde arabe pour le football. C'est une éclatante réalité, que l'on peut observer des terrains vagues de la banlieue du Caire aux plages de Mascate. Cheikah Mozah, elle-même, s'était adressée aux membres de la FIFA en réclamant une coupe du monde pour le Moyen-Orient. Le Moyen-Orient, oui, pas seulement le Qatar !
Espérons que le Qatar entendra raison et qu'une fois sa fierté reléguée au vestiaire de ses ambitions démesurées, il décidera de ne pas foncer seul vers le but, au risque d'être hors jeu.

*Gabriel Malika est l'auteur du roman Qatarina paru aux Éditions Intervalles.

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaires 6
à écrit le 12/05/2015 à 16:42
Signaler
Et les femmes dans tout çà,elles vont voir des étrangères conduire,aller au stade ,boire de l'alcool,en fait tout ce qui leur est interdit !!! Le Qatar va vers une révolution, avec la coupe du monde .

le 13/05/2015 à 10:52
Signaler
Détrompez-vous, les femmes ont le droit de conduire au Qatar ! Vous confondez Arabie saoudite et Qatar.

le 16/05/2015 à 20:00
Signaler
en quoi boire est quelque chose de bien pour une femme et un exemple pour les autres femmes?

à écrit le 12/05/2015 à 14:40
Signaler
Alors il faut que Hollande et Fabius intercèdent auprès de la FIFA pour leur amis Qatari!

à écrit le 12/05/2015 à 14:26
Signaler
Pourquoi des stades vides ,ils n ont Qu´ a nous offrir des places et des billets d avion et nous viendrons ,s ils ont les moyens qu ils paient ,je suis sur qu on les fera cracher un Max .

à écrit le 12/05/2015 à 13:59
Signaler
C'est allé vite en besogne que de dire que les londoniens ont eu cet esprit de solidarité pour les JO. Je me souviens des manifestations contre cet événement mondial. Nul besoin de rappeler aussi les doléances qu'il y avait eu contre le Brésil 2014: ...

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.