Devenir banquier : le pari (pas si) fou des opérateurs télécoms

Alors qu'Orange Bank prépare sa rentrée sur les bancs de la finance, la question se pose : les opérateurs télécoms ont-ils les moyens de devenir les banques préférées des Français ? Ils ont en tout cas toutes les cartes en main pour faire partie des premiers de la classe. Par Arthur de Catheu et Cédric Teissier, dirigeants fondateurs de Finexkap
Stéphane Richard lors de la présentation de d'Orange Bank

« Nous souhaitons lancer un produit innovant et de qualité pour nos clients. Nous allons donc prendre le temps nécessaire pour nous assurer que nous atteignons ce degré d'exigence ». Voici l'explication donnée par Orange Bank pour son « faux départ » au printemps dernier. Sans cesse reportée, cette arrivée très attendue d'un géant du télécom dans l'industrie financière française fait des émules parmi les rangs des banquiers. Prochaine révolution bancaire ou simple nouvel acteur dans un secteur qui a déjà commencé à se réinventer ? En tout cas, Orange Bank ne cache pas ses ambitions : 2 millions de clients d'ici 2027, alors que ses confrères ING Direct et Boursorama ont mis tous deux plus de dix ans à atteindre le palier du million de clients particuliers. Mais, avec sa base clientèle de près de 29 millions d'abonnés, l'objectif semble à portée de clic.

De la téléphonie à la banque, une transition naturelle

Ce réseau permettrait en effet à l'opérateur de rivaliser avec les plus grandes banques, au vu des 24 millions de clients du Crédit Mutuel - CIC et des 21 millions du Crédit Agricole. Sans compter la force de frappe de son infrastructure portée par le maillage étendu d'agences dans tout l'Hexagone. Ces atouts concurrentiels restent néanmoins limités aux services basiques de tenue de compte à destination des particuliers, car, au contraire des banques, les télécoms sont encore loin de disposer des compétences nécessaires, notamment en gestion du risque lié aux activités de crédit. Et le désavantage concurrentiel vis-à-vis des acteurs traditionnels s'accroit encore plus en ce qui concerne les clients professionnels dont les besoins dépassent largement les services bancaires de base (devises, affacturage, leasing, etc.).

De fait, Orange Bank vise d'abord la génération ultra connectée des jeunes adultes, grands adeptes du mobile. Tandis qu'une majorité d'entre eux déserte les agences bancaires pour privilégier les services en ligne et une relation de plus en plus distanciée avec leur conseiller, la transition des télécoms vers les services bancaires affiche la volonté de s'adapter à ces nouveaux usages. Pour Orange, il s'agit non seulement de surfer sur le désaveu croissant des clients envers les banques traditionnelles, avec 7 français sur 10 déplorant « n'être qu'un numéro » pour leur banque, mais également de démontrer que les services bancaires ne sont in fine qu'une extension naturelle de leur métier historique de téléphonie.

L'Afrique, le berceau du « mobile banking »

Et c'est déjà le cas en Afrique subsaharienne, où Orange Money et consorts règnent désormais en maître sur le segment des transferts d'argent et du « mobile money ». Même des nouveaux opérateurs comme le Sénégalais Wari ont su réduire les banques à de simples sous-agents. « En quelques années, le rapport s'est inversé. Ceux sont désormais les banques qui courent derrière Wari pour lui proposer leurs réseaux », explique Mamadou Ndoye, fondateur de la startup sénégalaise Obertys. Il estime même que « si les banques ne réagissent pas vite, elles vont disparaître dans un espace de dix ans ».

Mais cette situation oligopolistique des opérateurs télécoms est avant tout le résultat d'une multitude de facteurs propres au territoire africain. L'usage généralisé du mobile couplé à la faiblesse des infrastructures bancaires et à la déconnexion des populations au système financier traditionnel ont largement dopé le recours aux services bancaires mobiles proposés par les télécoms, notamment en lien avec le transfert d'argent. Dix ans après son lancement, le pionnier du paiement mobile en Afrique M-Pesa revendique ainsi 18 millions d'utilisateurs réguliers au Kenya, soit 70 % de la population adulte du pays !

Mais Orange sera-t-il capable de répliquer sur le vieux continent le succès africain d'un M-Pesa ? Rien n'est moins sûr compte tenu des différences de contexte. Pourtant, le Coréen Kakao Bank a récemment fait une démonstration de taille : lancé fin juillet par le groupe internet éponyme, il est devenu en moins de trois semaines le premier distributeur de crédit à la consommation de Corée du Sud, devant les 19 autres banques du pays. De quoi laisser Orange rêveur.

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Commentaires 3
à écrit le 20/09/2017 à 18:22
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L'exemple Kakao sera intéressant à suivre, notamment pour la gestion du risques et le respect des lourdes exigences réglementaires.

à écrit le 17/09/2017 à 12:20
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"Ceux sont désormais les banques qui courent derrière Wari" Franchement...c'est bien de se relire aussi...

à écrit le 14/09/2017 à 10:23
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Bonjour, Excellent article. Juste une petite erreur, le vieux continent est le continent africain. Adeline

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