Election présidentielle : 5 vues du marché du travail

Quel serait le bon programme pour réduire le chômage? Par Marc Guyot , Radu Vranceanu - Professeurs à l'ESSEC

Si, comme le montrent les derniers chiffres de la représentation syndicale en France qui donnent en tête le bloc des syndicats réformistes (CFDT, CFTC, UNSA), les Français semblent de moins en moins convaincus que la rigidité du marché du travail constitue une protection pour eux et n'a pas d'impact négatif pour notre économie, quelle est la position des principaux candidats à la Présidence de la République sur ce sujet?

Il y a bien sûr l'existant : à la poursuite de « l'inversion de la courbe du chômage », le gouvernement de Manuel Valls avait poursuivi une légère "dérigidification" tant du marché des biens et services, que du marché du travail, matérialisée avec les lois « Macron » et « El-Khomri » selon le nom des porteurs des projets législatifs. Par ailleurs, le CICE affichait clairement le coût du travail comme un obstacle tant à la croissance qu'à la baisse du chômage et visait à diminuer l'impôt sur les sociétés de manière proportionnelle à la masse salariale, ce qui était supposé stimuler la création d'emplois. Malheureusement, ces mesurettes n'ont permis à la France ni d'obtenir le même rythme de croissance que ses principaux partenaires Européens, ni de significativement intensifier les créations d'emplois qui n'ont repris que modestement en 2016.

Macron, à rythme lent

Sans surprise, Emmanuel Macron souhaite poursuivre cette « dérèglementation » du marché du travail à ce rythme lent. Dans son programme, il a évincé les questions des 35 heures et du contrat de travail, donc nous ne pouvons pas connaitre son opinion sur ces deux aspects essentiels sinon qu'il ne devrait pas y toucher en cas de victoire à l'élection. En revanche, entre les lignes, on comprend sa préférence pour la « flexicurité », un concept moderne et politiquement correct, d'organisation du marché du travail, dont la version danoise notamment a été un succès. Ce pays a mis en place un contrat de travail moins protecteur des employés, accompagné d'une indemnité de chômage plus généreuse, d'un suivi plus strict des efforts des allocataires pour retrouver un emploi et d'une formation des chômeurs mieux adaptée aux besoins des entreprises. Par ailleurs, sa proposition de « nationaliser » l'assurance chômage, nous semble être une bonne idée tellement la gestion par le MEDEF et les Syndicats employés de cet organisme social s'est avérée inefficace et alimente systématiquement des conflits d'intérêt et les corporatismes.

Fillon va plus loin

François Fillon semble regretter les nombreuses occasions perdues au début de son mandat pendant le quinquennat de Nicolas Sarkozy. Il est vrai que la crise de 2007 a rendu impossible à court terme toute réforme structurelle du marché du travail, car toute reforme implique un passage à vide, avant que les résultats positifs s'installent durablement. C'est le candidat qui va le plus loin dans les propositions de libéralisation du marché du travail : suppression des 35 heures, renforcement des négociations collectives au niveau des firmes, une refonte du contrat de travail pour supprimer la discrimination entre CDI et CDD et le doublement des seuils sociaux qui freinent la croissance des PME. En revanche, sa proposition de diminuer la durée des prestations chômage signe un manque d'ambition sur la possibilité de rendre plus efficace le suivi de recherche d'emplois. Ces mesures, si elles sont effectivement appliquées, pourraient renforcer la compétitivité des entreprises et par là avoir un impact positif sur le chômage.

Flexibilité accrue

Les trois autres « grands » candidats se positionnent clairement contre une flexibilité accrue et souhaitent abroger ou retirer la modeste loi El Khomri et son fameux article sur l'inversion des normes, qui autorise les entreprises en situation catastrophique à adopter des accords dérogatoires aux accords de branches. En réalité ils ciblent cette loi davantage pour le symbole qu'elle représente en matière de déréglementation du marché du travail timidement engagée par Manuel Valls que pour son impact effectif.

Hamon et le planisme

Benoit Hamon est dans la continuité des mesures planistes adoptées sous le quinquennat Hollande. Il propose une extension de la machine à gaz que constitue le compte pénibilité, la revalorisation du SMIC et l'imposition de contreparties strictes aux entreprises en matière d'embauches lorsqu'elles bénéficient du CICE. En 2001, Martine Aubry, son soutien indéfectible aujourd'hui, expliquait déjà que le chômage provenait d'un trop grand nombre d'heures travaillées et qu'il suffirait de réduire la durée du travail pour que le chômage diminue. En 2017, Benoît Hamon a identifié une nouvelle cause du chômage au travers des robots voleurs d'emplois et une nouvelle solution simpliste consistant à taxer les robots. Plutôt que contraindre les robots à travailler moins, les taxer permettrait de surcroît de financer en partie le revenu universel de 600 euros. Celui-ci est en quelque sorte un aveu d'incapacité à réduire le chômage et part sur la piste de la réduction du nombre de travailleurs en suggérant que travailler n'est finalement pas une nécessité mais une contrainte sociétale dont on peut affranchir un certain nombre de pionniers du progrès.

 Mélenchon : tout est possible!

Encore plus aux antipodes du fonctionnement de l'économie de marché, Jean-Luc Mélenchon souhaiterait introduire le droit des employés de bloquer les licenciements économiques. Le programme ne va pas jusqu'à introduire le droit d'interdire les faillites, mais on peut imaginer que cette solution puisse être envisagée, car dans le monde du planisme, tout est possible, du moins un certain temps. Dans la même orientation, il propose une augmentation du SMIC de 16% et une nouvelle réduction du temps du travail avec un seuil encore à définir.

La vision du marché du travail de Marine Le Pen est plus contrastée et difficile à saisir mais reflète la prise en compte des préoccupations de deux de ses principaux groupes d'électeurs, les ouvriers et les petits patrons et artisans. En effet, elle demande à la fois le retrait de la loi El Khomri, et un allégement des contraintes autour des seuils sociaux pour les PME/TPE. Si elle défend les 35 heures, elle accepterait des négociations de branches qui pourraient aboutir à des durées plus importantes et un salaire plus important. Elle insiste également sur le besoin de revaloriser le salaire des fonctionnaires.

Assumer les leçons des 30 dernières années

A la lecture de ces mesures et de ces programmes, il est difficile de ne pas plaindre le pauvre électeur. Chaque candidat est sûrement guidé par les bonnes intentions qui découlent de sa conception du monde, et croit dur comme fer que son programme répond à l'attente de ses électeurs spécifiques. Chacun aimerait diminuer ce chômage de masse, qui est une honte pour une économie développée comme la notre. Cependant, il serait temps d'assumer les leçons de ces 30 dernières années et reconnaître l'échec de l'interventionnisme, du surencadrement et des contraintes administratives générales considérant les entreprises et les secteurs industriels comme tous identiques. De même, il est temps d'admettre que nous ne sommes ni en Corée du Nord, ni dans l'ancienne Albanie mais dans des économies ouvertes ce qui condamne toutes les anciennes politiques de soutien de la consommation. A ce jour, les seules mesures ayant fait leur preuve chez nos partenaires européens sont les mesures qui favorisent la flexibilité, la concurrence, la mobilité de la main d'œuvre et la facilité d'entreprendre tout en assurant la protection des revenus en cas de chômage et une politique de formation efficace.

Un programme idéal pourrait combiner les deux programmes Macron et Fillon. De toute évidence, les mesures proposées par François Fillion sont plus adaptées au défi du chômage de masse et de longue durée qui touche les Français. En revanche, il ne faudrait pas que la flexibilité accrue creuse l'inégalité de revenu aussi, la refonte des programmes de formation envisagée par Emmanuel Macron, et son projet d'assurance chômage universelle devraient faire utilement partie de l'ensemble.

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Commentaires 8
à écrit le 12/04/2017 à 6:59
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Pauvres étudiants de l'ESSEC formatés au soutien exclusif des rentiers, oubliant que l'entreprise c'est aussi des salariés et des clients.

le 12/04/2017 à 16:49
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Ne soyez pas si défaitiste JPV. Quelques uns d'entre eux ont encore un peu de libre arbitre et d'esprit critique

à écrit le 11/04/2017 à 18:26
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L'UE de Bruxelles, cette zone administrative, a fait de vos "moyens" des "buts" et inversement en changeant les données! C'est dans une zone de chaos que l'on peut imposer son dogme: qu'un but déterminé impose les moyens employés!

à écrit le 11/04/2017 à 18:21
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Le chomage en France est lié à la démographie. Pour le résoudre, il faut réduire le cout du travail en reportant une partie des charges sociales sur la consommation (TVA sociale et taxe sur l'énergie), et considérer qu'une partie de ce temps libre co...

à écrit le 11/04/2017 à 17:27
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"les Français semblent de moins en moins convaincus que la rigidité du marché du travail constitue une protection ". Les français ou les salariés français car c'est quand même eux les principaux concernés et pour le moment c'est plutôt l'inverse à...

à écrit le 11/04/2017 à 16:48
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1 le chomage baiseras lorque l ecart des salaires qui sont de 1 a10 en europe seront alignier, de meme qu il baiseras encore l orsque les pays en voies de developement s aligneron aussi sur les salaire europeen; , c est ce qu a reconnue un grand ec...

à écrit le 11/04/2017 à 16:21
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La seule solution est de "rebattre les cartes" en sortant de cette zone administrative qu'est l'UE de Bruxelles et de reprendre une monnaie nationale plus compétitive enclenchant ainsi la confiance en des jours meilleurs! Ce qui ne sera pas le cas en...

à écrit le 11/04/2017 à 14:36
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"Chaque candidat est sûrement guidé par les bonnes intentions qui découlent de sa conception du monde, et croit dur comme fer que son programme répond à l'attente de ses électeurs spécifiques. Chacun aimerait diminuer ce chômage de masse..." Sans...

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