Environnement et développement : le défi des villes du futur

La ville du futur ne ressemblera ainsi pas à une utopie sortie des années 1960, mais plutôt à un gigantesque réseau invisible, permettant à chacun de poursuivre ses activités de manière plus efficace et durable. Par Bruno Alomar, économiste, ancien membre du cabinet du Commissaire européen à l'énergie.
Bruno Alomar, économiste, ancien membre du cabinet du Commissaire européen à l'énergie.

Depuis plusieurs décennies, la tendance mondiale est à l'urbanisation galopante. Qu'il s'agisse d'une conséquence de l'exode rural observé dans les pays en développement ou d'une croissance de la population des villes les plus connectées aux réseaux logistiques internationaux, le XXIe siècle est d'ores et déjà celui de l'urbanité. La mondialisation, en tant qu'explosion des échanges et des flux, est également un phénomène urbain et les villes y sont des acteurs de premier plan. Rien de très neuf en ce domaine, sauf que, contrairement au XXe siècle qui a vu l'avènement des mégalopoles occidentales, la croissance urbaine est surtout à attendre dans les pays les moins avancés. D'ici à 2100, une ville comme Lagos devrait dépasser toutes les agglomérations européennes et s'installer dans le top 5 des conurbations mondiales.

Urbanisation poussée et changement climatique

Sous nos latitudes, les villes, même si elles devraient connaître un développement moins spectaculaire qu'en Afrique ou en Asie, sont programmées pour continuer à croître avec l'évolution des modes d'échange et de production. Or cette problématique de l'urbanisation poussée doit nécessairement prendre en compte l'autre phénomène majeur de ce nouveau siècle : le changement climatique. Comment conjuguer l'augmentation de la population sur des espaces réduits - le plus souvent avec des tendances à la consommation énergétique fortes - avec la nécessité de lutter contre la dégradation de l'environnement ? Plusieurs pistes sont explorées et elles seront sans doute complémentaires. La plus intéressante, de loin, concerne l'efficacité énergétique. Plutôt que de vouloir à tout prix imposer une sobriété de la consommation aux usagers, illusoire au-delà d'un certain seuil de confort, il est plus réaliste de s'intéresser aux réseaux eux-mêmes, vu les économies qui peuvent y être réalisées.

Réseaux intelligents et "smart city"

L'efficacité énergétique, c'est la politique - administrative et industrielle - qui sous-tend le grand concept de « villes intelligentes » (smart cities). Cette nouvelle façon d'appréhender l'urbanisation, en intégrant toujours plus de connections et de réactivité dans tous les aspects de la gestion urbaine (transports, déchets, eau, énergie, etc.) tend à transformer les villes en de gigantesques réseaux de communication où l'action en temps réel permet de répondre aux besoins des habitants de manière efficace et immédiate. Toutefois la mise en place de l'ensemble des systèmes aptes à transformer des agglomérations qui, dans le cas de Paris, Rome ou Athènes, existent depuis des millénaires, demande des efforts et une véritable vision économique et politique. Il s'agit ainsi dans un domaine comme l'électricité de repenser entièrement les réseaux de distribution - sur lesquels les pertes atteignent parfois le tiers de l'électricité produite en centrales - pour en faire des « réseaux intelligents », des smart grids.

La France en avance

C'est bien là que se situe le cœur des problématiques environnementales urbaines, surtout dans des pays au profil de consommation énergétique stable et prévisible comme en Europe. Déployer un smart grid est une affaire longue et complexe qui passe par le changement de la quasi-totalité des infrastructures, à commencer par les compteurs électriques, instruments de mesure de la consommation finale et des, par ricochet, des pertes. La France, en la matière, est en avance. Au travers d'Enedis (ex-ERDF), le choix y a été fait de déployer en masse les nouveaux compteurs Linky qui forment la première brique technologique du futur smart grid français. Sans renier ou modifier la transition énergétique de notre pays, la création d'un réseau électrique intelligent national permettra d'être plus réactif lors d'évènements touchant la production (difficultés d'approvisionnements, problèmes sur les centrales, etc.) et de maintenir le niveau d'excellence environnementale de la France en matière d'émissions de CO2 par habitant.

Si le déploiement de ce réseau électrique intelligent qui prend place dans la politique de création de smart cities en Europe, ne révolutionne pas le quotidien des habitants, il est par contre une évolution majeure qui permet d'envisager la poursuite du développement économique de la France. La multiplication des politiques de réindustrialisation notamment - citons en France la Nouvelle France Industrielle, ex-34 Plans - ne peut se concevoir que dans l'optique ou des politiques d'efficacité énergétique qui passent nécessairement par une refonte du réseau, soient déjà en place et pérennes. La ville du futur ne ressemblera ainsi pas à une utopie sortie des années 60, mais plutôt à un gigantesque réseau invisible, permettant à chacun de poursuivre ses activités de manière plus efficace et durable ; en ce qui concerne notre capitale, un Paris 2.0.

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Bruno Alomar, économiste, a été membre du cabinet du Commissaire européen à l'énergie.

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Commentaire 1
à écrit le 04/01/2017 à 15:50
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Bullshit... extrait du rapport de l'association CLER (qui regroupe agence, collectivité centre de formation entre autres) : "Au total, tout pousse à considérer que la manière dont le déploiement de Linky a été conçu et mis en œuvre visait à favor...

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