Financer de nouvelles LGV ? Optimisme raisonnable pour Bordeaux-Toulouse !

La ligne Bordeaux-Toulouse peut être rentable. Reste la question de son financement, qui n'est pas insoluble. par Marc Ivaldi, Directeur d'Etudes EHESS, Toulouse School of Economics

Suite à une disposition de la Loi dite « Macron », l'Article L2111-10-1 du Code des Transports sanctuarise de fait la dette de SNCF Réseau dont l'évolution doit être telle que le ratio dette / marge opérationnelle reste en de ça de 18%, soit le niveau des comptes de 2014. En pratique cela laisserait peu de marge pour qu'une nouvelle infrastructure ferroviaire soit financée en augmentant la dette de la SNCF, sauf à augmenter fortement la marge opérationnelle de SNCF Réseau par l'augmentation des péages ferroviaires mais cela rendrait délicat, pour l'opérateur de transport- SNCF Mobilités - la réalisation de l'équilibre économique de l'exploitation.

De la bonne dette publique...

Du coup, pour financer les nouvelles LGV, l'État et les collectivités territoriales devront, très prosaïquement, « cracher au bassinet ». Compte tenu de la baisse des dotations de l'État, de leur endettement - pour certaines déjà trop élevé - et de la résistance des électeurs à l'augmentation des impôts, les collectivités territoriales auront bien du mal à aller au-delà des engagements qu'elles ont déjà pris dans cadre du financement de Tours-Bordeaux.

Et dans le jeu du « tu me tiens - je te tiens par la barbichette » avec ces collectivités, l'Etat se retrouve bien en première ligne pour débusquer les 13 milliards d'euros nécessaires pour financer les LGV Bordeaux-Toulouse et Montpellier-Perpignan. Il devra donc, à peu près sûrement, augmenter la dette maastrichtienne de la France puisqu'il ne peut plus se défausser sur la SNCF. Nos amis européens risquent de ne pas apprécier la plaisanterie vu les risques que notre niveau d'endettement fait courir à toute la zone euro.

Mais si la rentabilité économique et sociale de ces LGV est avérée, « ON » pourra toujours plaider qu'il s'agit d'augmenter la « bonne » partie de la dette, celle qui favorise la croissance, d'autant que la France peut emprunter à des taux dérisoirement bas.

Une rentabilité acceptable

Débarrassée de l'improbable branche Bordeaux-Dax (comment imaginer que la bonne ville de Dax puisse, à elle seule, générer assez de trafic pour financer une infrastructure dont chaque kilomètre coûte au bas mot 20 millions ?), la LGV Bordeaux-Toulouse (en gros 5 à 6 milliards) a une rentabilité acceptable, rentabilité qui va aller en s'améliorant grâce au développement économique prévisible de Toulouse. Comme d'autres grandes opérations d'investissement arrivent à leur terme, il n'est alors pas complétement farfelu d'envisager que le destin de cette infrastructure se concrétise favorablement.

Un financement privé?

On pourrait être même franchement optimiste si un financement privé pouvait s'ajouter utilement à l'argent public rare et cher. Pourtant tout un chacun semble refroidi - pour ne pas dire plus - par la tournure des négociations autour de la concession concernant Tours-Bordeaux. Avant de jeter le bébé avec l'eau du bain, cette option devrait cependant être explorée. La mise en concurrence de différents groupes pour l'obtention de la concession sur Bordeaux-Toulouse permettrait de comparer avec ce qui se passe pour les LGV en cours de construction (Tours-Bordeaux, Bretagne-Pays de Loire et Contournement de Nîmes-Montpellier), alimenterait les décideurs en information pertinente et leur apporterait des degrés de liberté qu'ils ne manqueraient pas d'appliquer, en bons pères de famille bien sûr, aux fins d'une gestion économe des deniers publics, c'est-à-dire pour une répartition plus raisonnable entre financement par le contribuable et par le voyageur.

 Un appel d'offres pour exploiter Paris-Bordeaux-Toulouse?

Et ne parlons pas de ce qui se passerait si l'ensemble de l'exploitation de la ligne Paris - Bordeaux - Toulouse pouvait être proposée, au travers d'un appel d'offres, aux grands opérateurs ferroviaires de taille internationale et serait ensuite assuré, dans le cadre de contrat de gestion, par celui qui aura proposé la meilleure proposition de service, en vue notamment d'une baisse des coûts de fonctionnement. Même pas en rêve ? Certes le cadre légal n'existe pas encore pour un tel scénario, mais c'est tout d'abord une affaire de volonté politique. Et notre opérateur historique n'a-t-il pas toute l'énergie et la compétence pour être gagnant dans une telle procédure, classiquement utilisée pour organiser le fonctionnement et la gouvernance des industries de réseau ?

Ajouter au menu les LGV Montpellier-Perpignan, Toulouse-Narbonne et inévitablement Bordeaux-Dax-Espagne risquerait d'être trop indigeste pour l'Etat. En revanche, avec l'élection présidentielle dans 15 mois qui ouvre des espaces, les élu-e-s du Sud-Ouest sauront profiter de l'alignement actuel des planètes pour marquer entre les poteaux et remporter Bordeaux-Toulouse. Et ce sera d'autant plus facile qu'ils seront prêts à envisager d'autres formes de financement et de gestion du service public.

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Commentaires 6
à écrit le 08/03/2016 à 19:33
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Encore un économiste hors sol. A l'heure où tout démontre que Bordeaux Tours avec Paris à deux heurs ne serait pas rentable, on nous explique que Bordeaux Toulouse le serait. Il faut vraiment sortir de sa bulle, affirmer que l'arrivée de la LGV va...

à écrit le 08/03/2016 à 17:43
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Bonjour, tout ceci serait exact si la rentabilité de la LGV Bordeaux Toulouse était correcte. Or il est patent qu'elle ne l'est pas. Le rapport du CGI lors de l'EUP en 2014 montre que la probabilité du projet est fortement contestable du fait d'une...

le 08/03/2016 à 19:09
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Je ne connais pas votre métier, mais il semble que vous devez baigner dans le court-termisme tellement en vogue depuis plus de 30 ans. Il est certain que les premières lignes de chemin de fer construites à la fin du xix ème ne devaient pas être renta...

à écrit le 08/03/2016 à 14:13
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J'espère que cet avis optimiste se réalisera dans le futur. Il est certain que, au nom du désenclavement des territoires si cher à nos élus locaux, l'homogénéité du réseau français de LGV devra passer par le raccordement de toutes les capitales des...

à écrit le 08/03/2016 à 13:51
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Un problème de taille non évoqué dans l'article est qu'Alain Rousset, président de la nouvelle région Aquitaine, pour intégrer les"Verts" dans sa majorité régionale s'est engagé à ce que la Région ne finance plus les LGV. De ce fait beaucoup de colle...

à écrit le 08/03/2016 à 13:21
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"ratio dette / marge opérationnelle en de ça de 18%" c'est a dire que la dette ne doit pas dépasser 18% de la marge annuelle. De quelle dette parle-t-on, la dette totale actuelle est aux environs de 40 Md€ ?

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