Google : à la recherche du droit à l'oubli

Aujourd'hui, Google rejette 40 à 70% des demandes de suppression de contenu émanant de particuliers voulant faire jouer le "droit à l'oubli". Mais le nouveau règlement européen, qui inverse la charge de la preuve va aider grandement les particuliers: ce sera au moteur de recherche ou au site de presse de démontrer que le maintien du fichier incriminé s'impose, au nom de l'information. Par Anne Cousin, associée chez Granrut

Et si le droit à l'oubli n'existait pas ? C'est sûrement ce que de nombreux citoyens européens ont pensé lorsqu'ils ont appris que Google rejetait de 40 à 70 % des demandes de suppression qui lui sont adressées dans le cadre de la nouvelle procédure mise en place à la suite de l' arrêt de la Cour de justice de l'Union Européenne du 13 mai 2014.
Et le juriste ne peut leur donner complètement tort. Si le droit à la vie privée est inscrit dans le Code civil, si la jurisprudence est abondante sur le droit à l'image, elle est encore bien hésitante à reconnaître un droit à effacer le passé.

La liberté de l'information prime la plupart du temps

Ce qui existe en revanche, c'est la possibilité pour tout individu de s'opposer à la conservation de données à caractère personnel qui le concernent, ou de demander à ce qu'elles soient corrigées, complétées, mises à jour ou supprimées selon les cas. Ces droits d'opposition et de correction découlent de la loi informatique et libertés du 6 janvier 1978, qui a fait brusquement irruption dans le domaine de l'information en ligne.
La raison en est simple. Au fil des arrêts de la Cour de cassation, les cas de responsabilité ou d'interdiction de diffusion sont devenus de plus en plus limités, celle-ci donnant plein effet à la liberté - constitutionnellement garantie - de l'information.
En outre, la loi du 29 juillet 1881, qui régit la matière, oblige à agir en justice dans un délai extrêmement court de 3 mois seulement. Déjà difficile à respecter face à un journal imprimé, c'est bien souvent presque impossible quand l'information est diffusée sur internet.

 La justice préserve la presse, mais agit sur les moteurs de recherche

L'idée de se saisir des droits d'opposition et de correction de la loi informatique et libertés a donc mûri. Et c'est sur son fondement que les actions en justice se sont multipliées.
Mais l'accueil des juridictions n'est pas toujours favorable. Il est même clairement défavorable en ce qui concerne les sites de presse en ligne. Face par exemple à une demande de suppression d'un article relatant une affaire judiciaire, la jurisprudence française fait aujourd'hui largement prévaloir le droit à l'information du public.
En revanche, elle est beaucoup plus encline à faire primer les intérêts des personnes à l'égard d'un moteur de recherche.
Relativement fréquentes sont donc les décisions qui ordonnent à Google de désindexer des articles de presse ou d'autres contenus. Par exemple, en faveur d'une ancienne actrice de films pornographiques qui veut changer de vie. C'est seulement si le maintien de ce contenu est justifié par le rôle et la place de l'individu dans la vie publique que sa demande de suppression pourra être écartée.

Quand le droit à l'information doit-il prévaloir?

Évidemment, il est bien souvent délicat de savoir si, dans une hypothèse déterminée, c'est le droit à l'information qui doit prévaloir. C'est à un examen de cette nature que les services de Google sont désormais amenés à se livrer.
Le taux élevé de rejet s'explique sans doute par un nombre important de demandes qui ne seraient pas transmises dans les conditions et modalités demandées. Mais c'est aussi parce que bien souvent le moteur de recherche va être amené à considérer que le maintien de l'information en ligne répond à un intérêt légitime.

Le nouveau règlement européen renverse la charge de la preuve

Il n'y a donc pas une prévalence automatique du droit à l'effacement des informations, il n'y a donc pas de droit à l'oubli absolu comme il existe un droit absolu à la vie privée.
Qu'est-ce que le nouveau règlement européen sur la protection des données est susceptible d'apporter ?
Il va grandement faciliter la tâche des particuliers puisque la charge de la preuve sera renversée. Avec lui, en effet, c'est au moteur de recherche ou au site de presse de démontrer que le maintien de l'information est justifié. A défaut, la page devra être supprimée.
Alors peut-être, pourra-t-on parler d'un véritable droit à l'oubli.

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