Grèce : au delà du référendum, une société en danger

Quelle que soit l'issue du referendum de dimanche, la société civile grecque risque désormais l'implosion. Par Michel Santi, économiste*

Seul l'attachement des grecs à l'Europe leur a permis de traverser les épreuves et le cauchemar qu'ils subissent depuis cinq ans. Également l'espoir de changer un petit peu cette Europe: de l'humaniser. Après l'échec successif de deux gouvernements (de centre gauche et de centre droit), l'écrasante majorité de celles et ceux qui ont donné le pouvoir à Syriza en janvier dernier ne cherchaient pas nécessairement la rupture. Tout au plus d'infléchir les autorités européennes, de sensibiliser cette Allemagne ainsi que certains des petits pays de l'Union royalement indifférents à leur misère. Les électeurs de Syriza de janvier 2015 ont fait un rêve: celui de la solidarité européenne, tandis que les malades grecs n'ont plus droit aux soins, que les jeunes grecs plus droit au travail, que les vieux grecs plus droit à la retraite, et que les droits humains élémentaires sont bafoués au sein d'un pays partageant notre monnaie, notre bannière et notre culture.

 Une polarisation de la société grecque aussi radicale que dangereuse

Près de six mois plus tard, le référendum de Dimanche est à haut risque pour la société civile grecque qui risque désormais l'implosion. Quelle qu'en soit l'issue, la Grèce aura certes d'une part échoué à "dé-mercantiliser" l'Europe, mais les grecs auront surtout échoué à rester unis car la polarisation de la société grecque s'avère aujourd'hui tout aussi radicale que dangereuse. Alors que les partisans du "non" rassemblent les pauvres, les chômeurs et les déchus de la classe moyenne n'ayant plus rien à perdre, et persuadés que le pays peut survivre hors de l'euro. Il semblerait que les adeptes du "oui" soient les riches, les patrons et les émigrés, effrayés à la perspective d'une sortie de l'Union.

 Les vieux démons resurgissent

En réalité, les lignes de fracture sont bien plus profondes et là est précisément le danger quasi existentiel menaçant la société grecque qui voit, à la faveur de ce référendum, resurgir ses vieux démons. Histoire familiale, culture, identité, allégeance régionale et nationalisme reviennent désormais sur le devant de la scène politique et sociale grecque, et clivent aujourd'hui ce peuple comme à ses heures les plus sombres. Une portion non négligeable de la nation grecque a en effet une culture du non: de ce non de Metaxas opposé à Mussolini, du non de la gauche grecque aux puissances de l'Axe. De ce non et de ce refus teintés de romantisme et agrémentés de rhétorique nationaliste qui accepte de traverser les épreuves et de subir l'humiliation à condition que ce soit avec dignité. Voilà qui explique la posture des tenants du non au référendum prochain: ayant subi cinq ans de misère, de désespoir et de honte, ils sont désormais prêts à tous les héroïsmes.

Une angoisse d'un retour à la dictature

 De leur côté, les les défenseurs du oui ne craignent pas uniquement la perte leurs privilèges. Ils comprennent bien que la sortie de l'euro ramènera l'instabilité, la division et le cauchemar hâtivement cachés sous le tapis à la faveur de l'adhésion de leur pays à la Communauté Européenne en 1981. Leur opposition véhémente et frontale à Syriza et à son référendum reflète en réalité leur angoisse d'un retour à la répression et à la dictature ayant prévalu en Grèce pendant des décennies et qui furent relégués dans l'inconscient collectif sans aucune catharsis nationale dès 1981. Entre ces deux mondes là, le schisme est donc profond. Tout les sépare. Sauf leur croyance naïve - aujourd'hui bel et bien évaporée - que l'Union européenne leur ramènerait démocratie et sérénité.

Michel Santi est macro économiste et spécialiste des marchés financiers et des banques centrales. Il est l'auteur de : "Splendeurs et misères du libéralisme", "Capitalism without conscience" et "L'Europe, chroniques d'un fiasco économique et politique".

Vient de publier "Misère et opulence", préface rédigée par Romaric Godin.

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Commentaires 14
à écrit le 05/07/2015 à 10:37
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Plus le systeme est opaque, plus les plus petits en sont les pires victimes. Si la majorité ne veut pas le changer, tant pis, c'est un choix democratique. J'ai quand même l'impression que Syriza s'est trompé d'ennemi.

à écrit le 03/07/2015 à 15:48
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M.Santi a raison: quelque soit le résultat de dimanche, il laissera des traces en Grèce, surtout d'ailleurs si le résultat est NON (ce que je souhaite car il est temps pour la Grèce de comprendre que des adultes doivent gérer leurs budgets de façon a...

à écrit le 03/07/2015 à 14:28
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Chers journalistes, Arrivé à un moment, il faut dire la vérité à vos lecteurs.Tout le monde dit que Merkel est responsable. C'est faux. La responsabilité incombe aux traités. Dans les traités, le Bundestag ou parlement Allemand, qui a pour mission de...

à écrit le 03/07/2015 à 14:13
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Pourtant la purge etait presque terminé il était revenu à un excédant primaire L'état grecques dépensait le double des rentre d'impôts il n'y avait pas d'autre solution qu'une purge Ils auraient sans doute du faire payer les riches Leglise et le...

à écrit le 03/07/2015 à 13:59
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"Alors que les partisans du "non" rassemblent les pauvres, les chômeurs et les déchus de la classe moyenne n'ayant plus rien à perdre, et persuadés que le pays peut survivre hors de l'euro. Il semblerait que les adeptes du "oui" soient les riches, le...

à écrit le 03/07/2015 à 13:28
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La période qui vient sera sans doute tragique pas seulement pour les grecs. Beaucoup de commentateurs pensent qu'il suffirait de mettre la Gréce dehors pour que tout aille mieux. Je n'ai pas la science infuse mais un peu d'indulgence pour le peuple G...

à écrit le 03/07/2015 à 12:12
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Pathétique le journaliste soit disant économique, le gouvernement grec est un tricheur, au lieu de mettre les fonds européens pour la rénovation des bâtiments d'intérêt public il le met dans sa poche, les ventes des entreprises publiques grecques se ...

à écrit le 03/07/2015 à 11:39
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ce n'est pas l'Europe qui est en cause ce sont les fonctionnaires et les politiques qui ont mis le pays à genou !!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!! tous les gens qui ne servent à rien !!!!!!!!

à écrit le 03/07/2015 à 11:37
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on ne fait pas boire un ane qui n'a pas soif, et les grecs n'aiment pas l'europe, sinon ils respecteraient les regles! ce qu'ils aiment c'est les cheques delors, la nuance est de taille!!!!! cela dit je dis comme vous depuis qques temps que ca va en...

à écrit le 03/07/2015 à 10:22
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En situation de crise, toutes les sociètés sont en danger étant donné que le peuple perd confiance en ses représentants élus souvent motivés par l'ambition personnelle plutôt que par l'intèrêt général, en Grèce comme ailleurs. Quel avenir ? Vivoter...

à écrit le 03/07/2015 à 9:14
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En danger de quoi ? D'avoir à s'organiser pour ne plus vivre aux crochets des autres, pour payer des taxes et impôts et participer à la société, pour avoir des règles de vie respectant les autres (je fais ici référence notamment au bordel constant su...

le 03/07/2015 à 11:42
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permettez-moi de rire : la démocratie le respect des autres : ou avez-vous vu cela?????? la démocratie à la française c'est de favoriser ceux qui ne font rien (fonctionnaires) et de détruire les autres : aujourd'hui la démocratie française n'est ab...

le 03/07/2015 à 11:55
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@Bertrand: on parle de la Grèce, mais bon, même si c'est hors sujet, ai-je jamais dit que la France était encore une démocratie ???

le 03/07/2015 à 13:02
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bertrand: quel cliché que l'image du fonctionnaire qui ne fait rien. Pour avoir travaillé tant dans le public que dans le privé, je peux vous dire que il y a des planqués dans un système comme dans l'autre mais, cette parenthèse étant fermée, pour mo...

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