Il faut avoir confiance en l'économie chinoise

Les inquiétudes sur l'économie chinoise et son marché boursier ne sont pas pleinement justifiées. Les sociétés privées, peu endettées, sont en forte croissance. Par Jonathan Garner, Asia equity strategist, Morgan Stanley

Il ressort du récent Blue Paper de Morgan Stanley intitulé « Why We Are Bullish on China » (Pourquoi nous sommes confiants sur la Chine) qu'il est possible que les actions chinoises continuent de surpasser celles des marchés émergents à l'avenir, comme c'est déjà le cas depuis un moment. Les surperformances cumulées de l'indice MSCI Chine par rapport à l'indice MSCI Marchés émergents (EM) ces 15 dernières années sont de l'ordre de 5 000 points de base, soit près de 3 % par an. Sur les cinq et dix dernières années, la Chine surpasse aussi les marchés émergents, et de beaucoup. Le rendement total en dollars US est de 5 % par an en moyenne sur ces périodes et de 13 % par an sur les 15 dernières années.

Surpondération en actions chinoises

Notre surpondération en actions chinoises dans les recommandations que nous adressons à nos clients investissant dans les actions EM n'a rien d'inhabituel. Notre confiance structurelle, depuis dix ans que je suis les actions chinoises chez Morgan Stanley, est radicalement différente de celle qui fait consensus parmi les investisseurs internationaux et même les gestionnaires spécialistes des EM, qui maintiennent leur position de sous-pondération sur la Chine. Ces derniers optent même pour une sous-pondération quasi record en actions chinoises par rapport à l'actuel benchmark de référence de 500 points de base. Et à aucun moment ces 15 dernières années les spécialistes des marchés émergents n'ont affiché d'autre volonté que celle de la sous-pondération de la Chine.

S'intéresser aux sources de surperformance

Qu'est-ce qui peut donc motiver de telles inquiétudes de la part du consensus et à côté de quel indicateur, positif à nos yeux, passe-t-on généralement ? Selon nous, le consensus vis-à-vis de la Chine tient essentiellement à l'angle macroéconomique, surtout concernant la viabilité de la dette, la capacité excédentaire et plus récemment le risque de change. Les pessimistes ne s'intéressent pas assez aux sources de la surperformance de la Chine, qui s'expliquent par le rendement (ROE) nettement supérieur au rendement moyen des actions EM sur le cycle, générant donc une croissance supérieure des bénéfices en dollars US.

Nous pensons que ce phénomène ne tient pas tant à l'endettement croissant de l'économie, même si tel est bien le cas, qu'à un marché boursier qui évolue plus rapidement que l'économie générale en optant davantage sur une stratégie orientée consommateurs et services et une croissance davantage tirée par le secteur privé. En 2005, seuls 5 % de la capitalisation boursière à l'indice MSCI Chine concernait des entreprises d'autres secteurs que l'État. En 2016, c'était près de la moitié. Notre Blue Paper prévoit que les sociétés privées représenteront 70 % de la capitalisation boursière d'ici à 2020.

Des sociétés privées bien moins endettées que les société publiques

Ces sociétés, dont de grands noms tels qu'Alibaba et Tencent, affichent une croissance supérieure de leur chiffre d'affaires et sont moins endettées que les sociétés publiques ; leurs valeurs sont en nette surperformance tout au long du cycle puisqu'elles opèrent essentiellement dans les secteurs de l'IT, de la grande consommation et de la santé, des secteurs dont nous expliquons dans le Blue Paper qu'ils continueront de porter la Chine vers le cercle des pays à haut revenu. Dans notre Blue Paper, nous avons identifié 50 sociétés chinoises des secteurs de la Nouvelle économie qui sont des « licornes », autrement dit dont la valorisation sur le marché privé est d'au moins 1 milliard de dollars US avant leur introduction en bourse. C'est davantage que le nombre total de licornes du reste du monde (hors États-Unis).

Croissance des résultats entre 10 et 15% cette année

Pour en revenir à notre vision actuelle du marché, j'ajouterai que, sur l'indice MSCI Chine, les actions se négocient avec une prime de 5 % environ par rapport aux pays émergents, avec un ratio capitalisation boursière/valeur comptable de 1,6 fois, si bien qu'avec un rendement (return on equity) 12 %, le rendement premium est de 20 %. Nos prévisions pour la Chine et les pays émergents  sont comparables avec une croissance des résultats entre 10 % et 15 % en 2017, suite à deux années moroses dans les deux cas, mais notre prévision d'un rendement supérieur pour la Chine se justifie par une future hausse relative des multiples, passant de la quasi parité à une prime de 10 % d'ici à la fin de l'année.

Des flux vers Hong Kong

Nous ne misons pas sur un revirement rapide de la tendance des investisseurs étrangers à la sous-pondération de la Chine, même si nous pensons qu'elle s'atténuera, mais nous comptons plutôt sur une intensification des flux Southbound Connect, de la Chine continentale en direction de Hong Kong. Ces flux d'une nature de plus en plus institutionnelle profitent des valorisations actualisées des actions H par rapport aux actions A pour les sociétés à double cotation. Les grandes sociétés cotées à Hong Kong, comme Tencent, China Mobile et AIA, qui ne sont pas cotées sur le continent, offrent aussi des avantages de diversification aux investisseurs nationaux. Ces flux en direction du sud avoisinent le milliard de dollars par semaine, à ce stade de l'année, si bien que nous misons sur un cumul annuel compris entre 30 et 50 milliards de dollars.

Les fonds de pension vont pouvoir investir en actions

Concernant plus largement les actions de Chine continentale, les investisseurs commencent à délaisser les obligations et l'immobilier au profit d'actions offrant de meilleures perspectives de croissance des bénéfices dans le contexte d'une inflation plus élevée et de mesures de contrôle des biens immobiliers du côté de la demande. Parallèlement, les autorités nationales de réglementation ont confirmé la proposition d'août 2015 d'autoriser les fonds de pension nationaux à investir 30 % maximum de leurs actifs nets en actions (démarche interdite auparavant). Le Comité national chinois en charge de la retraite (NCSSF) a délivré des mandats en décembre dernier à 21 gestionnaires de fonds de retraite en vue du placement en actions des fonds de retraite collectés sur le marché local, effectif à compter du mois dernier.

Pour conclure, nous sommes optimistes quant aux perspectives favorables des actions chinoises tant du point de vue structurel que cyclique. Nous pensons que les valorisations sont raisonnables, que la croissance des bénéfices reprend et que les flux de capitaux institutionnels à long terme vont s'intensifier.

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Commentaire 1
à écrit le 20/03/2017 à 9:56
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500000 licenciements dans l'industrie chinoise ça vous donne confiance à vous ? Comme tout financier vous me direz, quand vous voyez que c'est l'euphorie au sein des marchés financiers... Le déni est un des outils du néolibéralisme.

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