Il faut déverrouiller les petits crédits aux PME

S'agissant des petits crédits, les banques doivent changer leurs pratiques. Par Bernard Cohen-Hadad, président du think tank Etienne Marcel

Il y a plus d'un an, les banques ont annoncé des mesures pour améliorer les relations banques PME. Elles se sont « engagées » à répondre rapidement aux demandes de crédits et à motiver les refus. Prochainement, l'Observatoire du financement fera un bilan de la situation. Mais si les relations banques PME ont réellement progressé on ne comprend toujours pas pourquoi certains indicateurs soulignent régulièrement qu'un tiers des PME ont des difficultés d'accès au crédit et que l'autocensure freine le développement des entreprises.

Une très faible "autocensure" de la part des chefs d'entreprise

Sur ce point la Banque de France a essayé de mettre des points sur les I. Elle relève un taux d'autocensure de 2%. C'est très faible et met un terme statistique à un débat, qui en réalité ne l'est pas. Dans ce type d'affaires et de perception des choses les convaincus restent toujours fidèles à leur croyance. Elle vient aussi d'annoncer qu'au troisième trimestre 2015, la demande de nouveaux crédits de la part des PME « recule un peu » par rapport au deuxième trimestre, tant pour les crédits de trésorerie que d'investissement et que l'accès au crédit de trésorerie des TPE baisse de 10%.

Revoir la gouvernance des banques

Si l'on veut renouer avec la croissance des territoires et si l'on veut encourager les petits entrepreneurs à investir ou à prendre des risques pour l'emploi, il faut penser différemment le traitement des petits crédits aux PME. C'est de la gouvernance des banques. C'est quasiment un travail de bibliothécaire pour un entrepreneur de demander un crédit de 5.000 ou 10.000 euros. Le problème auquel sont confrontés les PME n'est pas dans le délai de réponse mais dans la somme des éléments qu'il faut réunir pour finaliser la signature de ces petits prêts. Et ce travail de compilation de documents nuit, à l'urgence et à la relation de confiance.

On peut avoir un besoin de trésorerie momentané sans être en difficulté financière. Même quand l'entreprise est en bonne santé, vous ne couperez au questionnaire d'endettement professionnel et familial, aux devis, à l'explication de votre projet, et au grand oral sur votre bilan. Sans compter à la situation comptable actualisée au jour de la demande de prêt et au prévisionnel à quatre ans, facturé par votre expert-comptable qui met un bon mois à arriver mais que vous devrez expliquer seul. Un exercice de conjoncture qui n'est pas le grand oral de Sciences-Po mais une consultation de madame Irma.

Ce qui est plus étonnant, encore, c'est de voir avec quelle relative facilité un simple particulier peut lui, avec trois fiches de paies, obtenir, dans l'instant et pour les mêmes montants, un prêt à la consommation. Il en est de même pour le secteur associatif... A l'aire du numérique, du digital, de la simplification, et demain du « wallet » voire de la biométrie peut-on encore avoir la même approche administrative pour un prêt entreprise de 5.000 euros ou un prêt de 100.000 euros ?

Améliorer les pratiques bancaires à l'égard des "pros"

Ne faisons pas le procès des établissements financiers. Dire du mal des banques est devenu le marronnier de certaines organisations qui manquent d'idées et de propositions. Mais ces mécanismes doivent évoluer. Et les banques peuvent améliorer leur discours et leurs pratiques à destination des « pros » (artisans, commerçants, professions libérales) et des PME. Elles ne pourront pas modifier leur image et leur rapport aux entrepreneurs sans faire évoluer leurs procédures sur ces demandes. D'autant qu'en agence et sur le web elles tiennent un discours positif et réactif en matière d'accès au crédit pour les petites entreprises. Dans les faits, elles ont en réalité du mal à appréhender les petits entreprises qui sont victimes des délais de paiements et d'une faiblesse temporaire en fonds propres. Les banques ont peur du préjudice que pourraient causer la multiplication de ces petits crédits.

Entre accord verbal et concrétisation du prêt...

Ce qui est dommage, c'est que la plupart du temps, la banque est fortement réactive. Elle donne rapidement à l'entrepreneur un accord verbal et de principe sur le prêt. Mais après... c'est la carte du Tendre ! On comprend la déception des entrepreneurs, dont le projet est là, en suspens. Et qui sont de fidèles clients de la banque. 75 % des entreprises de moins de 2,5 millions d'euros de chiffres d'affaires n'ont qu'une seule banque. Il faut donc mettre en place un « wallet » ou un « dossier client digital » pour y intégrer tous les éléments financiers et personnels dont peut avoir besoin l'organisme bancaire.

D'ores et déjà, la banque dispose du contexte commercial et humain. Elle a aussi accès aux derniers bilans et souvent aux comptes personnels des gérants ou des dirigeants. Rendons utile, la collecte d'informations et croisons celles qui peuvent être reprises. On s'étonne donc encore de devoir fournir à chaque demande de prêt, les mêmes documents... On regrette enfin que les banquiers et les assureurs n'aient pas encore créé un produit d'assurance qui puisse garantir ce type de petits crédits avec un taux de prime pondéré en fonction du risque. Faisons donc quelque chose pour ces petits crédits aux PME. A l'Etat, aux banques, aux assureurs, aux organisations patronales, aux experts comptables de se saisir de ce problème et d'y apporter des solutions. Et de sortir ainsi de malentendu qui touche les petits prêts aux entreprises.

Bernard COHEN-HADAD
Président du think tank Etienne Marcel

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Commentaires 3
à écrit le 12/11/2015 à 6:13
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Prendre un crédit, crouler sous des dettes qu'on ne pourra jamais rembourser, c'est entretenir un système qui fera un krach un jour ou l'autre, et donc prendre le risque de tout perdre. Est-ce bien raisonnable ?

à écrit le 10/11/2015 à 18:53
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Bonsoir... Tranches de vie... Le CRCA après 18 mois d'activité me refuse toujours un découvert de 4 000 euros... et m'en a autorisé 20 000 par un simple coup de téléphone sur mon compte personnel... La Bpi ce matin "oui on peut financer ce que vou...

à écrit le 10/11/2015 à 17:39
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Début d'explication au comportement des banques, en province les banques coopératives ( crédit agricole ou banques populaires ) avaient il y a 20 ou 25 ans encore des caisses locales très proches du terrain qui connaissaient le tissus économique loca...

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