Impôt sur le revenu : Hollande, Sarkozy, une même démagogie ?

L'impôt progressif sur le revenu est en France l'un des plus faibles du monde. Ce sont les cotisations sociales qui pèsent lourd. Pourquoi François Hollande comme Nicolas Sarkozy veulent-ils absolument alléger le premier?
Ivan Best

 En 2017, l'impôt sur le revenu sera donc à nouveau diminué, selon toute probabilité. François Hollande a confirmé cette perspective d'une troisième baisse, après celles de 2015 -suppression de la première tranche- et de 2016. Après avoir augmenté l'impôt sur le revenu de plus de six milliards d'euros en début de mandat, en élargissant sa base taxable (imposition des heures supplémentaires, baisse de l'effet du quotient familial, taxation des majorations de pensions et de la contribution des employeurs aux mutuelles...) , François Hollande allège donc méthodiquement le barème de l'impôt. On peut parier que cette révision à la baisse du barème, année après année, représentera, in fine, un allègement total proche de 7 milliards d'euros. Hasard ? C'est le chiffrage retenu par un certain Nicolas Sarkozy, au nom des Républicains, pour une baisse à venir, après l'élection présidentielle de 2017.

Une approche semblable

Il y a là sans doute une simple coïncidence. Le futur candidat Sarkozy a retenu ce chiffre de sept milliards, lors d'une journée de travail des Républicains consacrée à la dépense publique et la fiscalité, car il correspond grosso modo à une baisse de 10% des recettes de l'impôt sur le revenu. Mais au-delà, les deux adversaires de l'élection présidentielle de 2012, qui aimeraient probablement re jouer le match en 2017, et que tout est sensé séparer, abordent ce dossier avec une optique étonnamment ressemblante. Une approche facilement résumable : il faut baisser la taxation des particuliers, et c'est l'impôt sur le revenu qui doit être le vecteur de cette politique. Certes, François Hollande privilégie les contribuables les moins taxés, tandis que Nicolas Sarkozy veut alléger l'impôt de tous. Mais c'est le choix d'alléger cet impôt qui importe.

Comme s'il était évident que cette taxation pèse trop lourd, comme si cette priorité fiscale s'imposait d'elle-même, ne serait-ce qu'au regard ce qui se pratique ailleurs. Alors que l'usage se répand d'une comparaison de la France avec les autres pays occidentaux, le fameux « benchmark », il peut-être intéressant d'aller voir ce que disent les comparatifs. Cela surprendra encore beaucoup de contribuables qui planchent actuellement sur leur déclaration annuelle, mais les comparaisons mettent en évidence un impôt progressif sur le revenu particulièrement faible en France. Le plus faible du monde industriel, et de loin !

L'impôt progressif: 8,8% du PIB dans l'OCDE, 3,2% en France

Dans les pays de l'OCDE, il représente en moyenne 8,8% du PIB, selon les statistiques établies par cette organisation internationale. Et en France ? 3,2% de la richesse nationale. Y compris en République tchèque, exemple européen de très faible taxation, l'impôt sur le revenu dépasse le niveau français, atteignant 3,7% du PIB. Sans parler de l'Allemagne (9,5%), de la Grande-Bretagne (9,1%) ou des Etats-Unis (9,8%). Même si l'on ajoute à l'impôt progressif la CSG - un autre impôt sur le revenu, mais essentiellement proportionnel-, le total en France (8,4% de la richesse nationale) reste inférieur à la moyenne.

S'agissant de notre impôt, ces chiffres inspirent en général un commentaire bien senti : s'il est globalement faible, c'est parce que trop de ménages en sont exonérés. Près de 55% des foyers fiscaux n'ont effectivement rien à payer. En revanche, ceux qui s'acquittent de l'impôt paient cher, comme on dit aujourd'hui. Certainement beaucoup plus qu'ailleurs, ajoute-t-on. Or cette affirmation est erronée.

Quel impôt pour la classe moyenne?

En France, l'impôt est surtout payé par les 10% de ménages les plus aisés, qui acquittent 70% de la facture globale. Le seuil d'entrée dans cette catégorie des 10% les plus riches correspond quasiment à un revenu fiscal de référence de 50.000 euros par foyer fiscal (soit un salaire total annuel de 55.555 euros nets) selon les dernières statistiques officielles de la Direction des Finances publiques. C'est ce qu'on appelle, dans le débat actuel, la classe moyenne, même si seuls 10% des ménages, classés par revenu croissant,  se situent au dessus. C'est celle qui a subi de plein fouet les hausses d'impôts décidées ces dernières années par François Hollande. Qu'en est-il de sa facture fiscale actuelle ?

A ce niveau de rémunération, le poids de l'impôt est en France très limité, contrairement aux idées reçues : il représente moins de 10% des revenus. Il est précisément de 8,57% pour un couple sans enfant (impôt sur le revenu total/revenu fiscal de référence). En Grande-Bretagne, un couple de salariés au même niveau de rémunération -au seuil des 10% les plus aisés- paie... 18% d'impôt selon les statistiques officielles britanniques. En Allemagne, à ce niveau correspondant à deux salaires moyens, l'imposition d'un couple sera de 22%. Bien sûr, le salarié français doit payer des charges sociales plus lourdes que ses voisins, sans parler de la CSG, prélèvement hybride, entre cotisation sociale et impôt. C'est le cas aussi de son employeur, ce qui réduit d'autant la marge pour des hausses de rémunérations. Mais pourquoi, alors, ne pas baisser ces charges, et choisir d'alléger le prélèvement qui est déjà le plus faible ?

 Et les cadres dirigeants?

Un autre argument est souvent mis en avant, c'est celui d'une imposition très lourde des cadres en haut de l'échelle des rémunérations. Eux, pour le coup, seraient assommés par l'impôt progressif, en France. Qu'en est-il réellement ?

En moyenne les français les plus aisés (les 2% de contribuables les plus riches, au delà de 100.000 euros de revenus par foyer fiscal) paient 19,8% d'impôt (selon les dernières statistiques officielles de la Direction des Finances publiques (DGFIP), portant sur l'année 2014, qui marque la fin des hausses de l'impôt sur le revenu). Si l'on considère la petite minorité la plus riche, au delà de 200.000 euros de revenu déclaré (0,4% des foyers fiscaux) l'impôt est plus élevé. Pour en avoir une vision juste, il faut ajouter à l'IR les prélèvements sociaux sur les revenus du patrimoine, lesquels représentent une part très importante des ressources de ces foyers ultra-riches. En intégrant ces prélèvements sociaux, le taux de taxation culmine à 28% pour les quelques milliers de fortunés, selon la DGFIP. Ce chiffre peut paraître bien faible, eu égard au taux maximum d'imposition (45%), sans compter les surtaxes sur les ménages riches. Mais à ce niveau de rémunération, ce sont les plus values financières, moins taxées dès lors qu'elles sont de long terme, qui constituent l'essentiel des revenus, ou les dividendes (bénéficiant d'un abattement de 40%). D'où ce taux d'imposition de 28% mis en avant par le Conseil des prélèvements obligatoires.

Or, en Grande-Bretagne, au seuil de la minorité des 1% les plus riches, l'imposition est déjà de 32,7%, selon les statistiques officielles britanniques. Aux Etats-Unis, ce même taux moyen est de 25,1 pour la très petite minorité (0,1% des contribuables) la plus aisée. En France, depuis 2013, l'impôt est en théorie très élevé pour certaines catégories de revenus, comme les intérêts ou pour les plus-values financières à court terme... mais en théorie seulement. Car les contribuables ont su trouver des enveloppes fiscalement plus intéressantes.

 Le poids des cotisations

Bref, dire que l'impôt sur le revenu est élevé en France en comparaison avec les autres pays, ne correspond pas vraiment à la réalité, y compris pour les hauts revenus. Ce qui grève le coût du travail pour les salaires élevés, c'est bien sûr le niveau exorbitant des charges sociales, aussi bien celles à la charge de l'employeur que celles acquittées par le salarié, en déduction de sa rémunération brute. Dans la plupart des pays industriels, ces charges sont plafonnées : s'agissant des hauts revenus, ceux d'un cadre supérieur, elles sont réduites ou même, le plus souvent, supprimées. En France, au contraire, elles restent très élevées. Le total des cotisations (employeur plus salarié) représente près de 70% du salaire brut pour un cadre gagnant deux fois le smic. Pour un cadre sup' touchant 10 fois le salaire minimum, elles atteignent encore 65% de la rémunération brute. S'il y a une anomalie dans notre système fiscalo-social, c'est bien celle-là. Mais baisser l'impôt sur le revenu apparaît sans doute plus valorisant, politiquement parlant.

Ivan Best

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Commentaires 3
à écrit le 24/05/2016 à 15:00
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Le problème des français c'est qu'ils ne veulent pas payer car ça n'a aucun lien avec les services dont ils bénéficient (paradoxalement, c'est une règle fondamentale de gestion des finances publiques !)...alors ils cherchent à y échapper en fraudant ...

à écrit le 23/05/2016 à 21:29
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TOUS LE MONDE SAIT QUE L IMPOT LE PLUS LOURDS ET LA TVA SUR TOUS LES PRODUITS ACHETEZ?AINSI QUE L IMPOT LOCAL? OUE TOUS TOUS LE MONDE CONTINUE A PAYER SANS BAREME PRIVILIEGIE???

à écrit le 23/05/2016 à 21:12
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Dans la vie normale, ceux qui commettent des erreurs doivent les payer, les réparer. Pourquoi les deux compères en sortiraient-ils sans égratignures (sauf leur ego démesuré)?

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