Inégalités : le tableau n'est pas si noir

La vision des inégalités diffusée par Oxfam est caricaturale. En fait, les inégalités diminuent. par Bjorn Lomborg, Copenhaguen Consensus Center

Aujourd'hui, on observe une impression générale - et fausse - que l'inégalité gagne inexorablement du terrain dans le monde. Oxfam a récemment contribué à jeter la confusion dans l'esprit déclarant que la richesse des huit personnes les plus fortunées du monde équivaut à celle de la moitié de la population mondiale.[i]

 Une prise en compte curieuse des "richesses négatives"

Oxfam mesure les fortunes nettes, et non les revenus. Son calcul inclut fondamentalement les richesses "négatives", ce qui définit 5% des américains, y compris les étudiants souscrivant à un emprunt et les personnes ayant des fonds propres négatifs sur leurs maisons, comme les populations les plus pauvres du monde - plus pauvres que les trois-quarts de la population africaine.[ii] Ainsi, aux yeux d'Oxfam, l'individu le plus pauvre que vous puissiez imaginez - un ouvrier journalier zimbabwéen qui ne possède absolument rien - est plus riche que 45% des populations les plus pauvres du monde.[iii] Les données d'Oxfam omettent également l'admissibilité aux pensions et ignorent complètement les énormes capitaux détenus par l'état.

 De plus en plus de populations sorties de la pauvreté

La réalité sur les inégalités est moins noire  que le tableau dépeint par Oxfam. Ici, les revenus ont un poids bien plus important que la richesse. Mesuré sur les deux derniers siècles, l'écart entre les revenus des riches et des pauvres a effectivement augmenté. Mais cela est dû au fait que de plus en plus de populations ont été sorties de la pauvreté. En 1820, le taux d'inégalité dans le monde était faible tout simplement parce que nos ancêtres étaient aussi pauvres les uns que les autres. La révolution industrielle a généré une hausse rapide des revenus dans certains pays, et cela s'est ensuite étendu dans plusieurs autres pays.

 200 ans plus tôt, environ 94% de la planète vivait dans la pauvreté.[iv] En 2015, un rapport publié par la Banque Mondiale annonçait que pour la première fois dans l'histoire, le taux des populations vivant dans l'extrême pauvreté est descendu sous la barre des 10%. Porté un regard unilatéral sur l'inégalité équivaut à ne pas reconnaître cette réalisation qui a affranchi tellement de gens du joug de la pauvreté. Comme l'affirme Angus Deaton, économiste du Prix Nobel, tout simplement parce que tout le monde ne se libère pas, "cela ne rend en aucun cas l'évasion moins souhaitable ou moins admirable".

 En 1820, l'écart entre les revenus des riches et des pauvres était aussi grand dans le monde qu'il l'est aujourd'hui dans les sociétés les plus inégales comme celle du Mexique et du Brésil.[v] Le développement rapide de certains pays a élargi ce fossé après 1820, et cela s'est particulièrement empiré à partir des années 1950 sur plusieurs décennies.

 La naissance d'une classe moyenne mondiale

Dans les années 80, il s'est passé quelque chose de remarquable. Parallèlement à une vague massive de "dépaupérisation", on a vu l'émergence d'une classe moyenne naissante à travers le monde. Cette nouvelle classe comptait environ un milliard d'individus en 1985. Aujourd'hui, ce chiffre a doublé, passant à 2,5 milliards, incluant la dépaupérisation récente de 430 millions de chinois. C'est la raison pour laquelle les inégalités ont effectivement baissé dans le monde sur les trois dernières décennies, et plus rapidement sur les 15 dernières années.[vi]

 Au sein des pays, l'inégalité des revenus a certainement augmenté - une hausse résultant principalement de la mondialisation.[vii] Cependant, le degré des inégalités est généralement bien plus faible aujourd'hui qu'un siècle plus tôt. Lorsqu'on entend dire qu'1% des plus riches s'accaparent une part record de l'économie - un argument qui a rendu célèbre Thomas Piketty - nous devons nous rappeler que c'est basé sur des données qui n'incluent que les États-Unis et d'autres pays avancés, des pays anglophones. Pour exemple, aux États-Unis, les 1% les plus fortunés ont perçu 19% de tous les revenus en 1913, mais ce chiffre est descendu à 10,5% en 1976, pour ensuite doubler vers un surprenant 20% en 2014.[viii]

En Europe et au Japon, les fortunés gagnent beaucoup moins qu'il y a un siècle

L'expérience est remarquablement différente en Europe continentale et au Japon, où les plus riches ont commencé en 1910 avec une part similaire à celle des magnats américains, et a régressé de la même façon, mais n'enregistre depuis qu'une petite voire aucune augmentation. En termes de part, les 1% les plus fortunés de ces pays gagnent aujourd'hui la moitié de ce qu'ils gagnaient il y a 100 ans. Cela fait partie intégrante du modèle où l'inégalité a baissé, justement parce que dans les pays en développement, beaucoup plus de gens sont sortis de la pauvreté.

 Moins d'inégalités d'espérance de vie

Par ailleurs, la question de l'inégalité dépasse de loin la dimension des revenus. La moitié de toutes les richesses gagnées de 1960 à 2000 proviennent du fait que nous vivons plus longtemps et en bonne santé.[ix] En 1900, la moyenne d'espérance de vie était de 30 ans et aujourd'hui, elle s'élève à 71 ans.[x] Il y a cent ans, les avancées médicales ont effectivement contribué à augmenter les inégalités, mais aujourd'hui, elles sont de plus en plus accessibles à la grande majorité des populations. Durant ces 50 dernières années, la différence d'espérance de vie entre les pays riches et les pays pauvres a diminué de 28 à 19 ans. Des études ont montré que l'inégalité en matière d'espérance de vie est aujourd'hui plus faible qu'il y a 200 ans.[xi]

 Les inégalités en matière d'éducation ont également baissé.[xii] En 1870, quand plus des trois-quarts de la population mondiale étaient analphabètes, l'accès à l'éducation était bien plus inégal que les revenus. Aujourd'hui, plus du 4/5 de la population mondiale sait lire - et les analphabètes sont pour la plupart des personnes âgées, tandis que les générations plus jeunes ont gagné un accès sans précédent à l'éducation.[xiii]

 La question de l'inégalité a certainement toute son importance, et non des moindres puisque trop d'inégalités peuvent réduire la croissance et entraver la mobilité sociale. Elle doit être taclée, mais nous devons nous méfier des déclarations alarmistes qui tendent à occulter les développements incroyables qui ont été réalisés. Développements qui ont notamment amélioré le classement mondial des pays qui sont réellement pauvres, et réduit les écarts en matière de revenus, d'éducation et de santé.

Traduit par Ninah Rahobisoa

[i] https://www.oxfamamerica.org/explore/research-publications/an-economy-for-the-99-percent/

[ii] https://publications.credit-suisse.com/tasks/render/file/index.cfm?fileid=AD6F2B43-B17B-345E-E20A1A254A3E24A5, p115

[iii] Figure 2, crosses zero at 45% (right between 4th and 5th decile), https://www.oxfamamerica.org/static/media/files/tb-economy-99-percent-methodology-160117-en.pdf

[iv] https://www.aeaweb.org/articles.php?doi=10.1257/00028280260344443

[v] https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0014498311000155

[vi] https://glineq.blogspot.cl/2015/12/the-ambivalent-role-of-china-in-global_89.html, https://onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1111/roiw.12088/abstract

[vii] https://wber.oxfordjournals.org/content/early/2015/04/23/wber.lhv013

[viii] https://wid.world/country/usa/

[ix] https://www.aeaweb.org/articles.php?doi=10.1257/0002828053828563

[x] https://www.who.int/gho/mortality_burden_disease/life_tables/situation_trends/en/

[xi] https://www.jstor.org/stable/3083279?origin=JSTOR-pdf,

[xii] https://link.springer.com/article/10.1007%2Fs10888-012-9227-2

[xiii] https://ourworldindata.org/data/education-knowledge/literacy/

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaires 3
à écrit le 16/02/2017 à 11:39
Signaler
"Son calcul inclut fondamentalement les richesses "négatives"" ET où est le problème je vous prie ? Regardez des gars comme Drahi, endettés de plusieurs milliards et pourtant ayant le même poids qu'un milliardaire possédant réellement ces mil...

le 17/02/2017 à 23:13
Signaler
Ce chercheur danois a raison. Le dernier des journaliers zimbabwéen avec son salaire de misère mais sans dette est plus riche qu'un étudiant américain de Harvard qui a emprunté pour financer ses études. Le manque de pertinence de l'étude d'Oxfam c'e...

le 20/02/2017 à 14:32
Signaler
"Ce chercheur danois a raison. Le dernier des journaliers zimbabwéen avec son salaire de misère mais sans dette est plus riche qu'un étudiant américain de Harvard qui a emprunté pour financer ses études." En théorie financière mais pas en pratiqu...

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.