Inflation des prix, déflation des politiques

OPINION. Vous croyez comprendre l'inflation? Permettez-moi de vous contredire car elle n'est aucunement la résultante d'une expansion irraisonnée de la masse monétaire qui se traduirait mécaniquement en une hausse des prix. Ce terme d' "inflation" galvaudé, employé sans scrupule par les détracteurs des banques centrales, par les prophètes de malheur dont le fonds de commerce est d'annoncer à longueur de journée, d'article et d'interview l'hyperinflation laquelle serait inéluctablement induite par le niveau actuel des taux d'intérêt : ce terme est en réalité vide de sens précisément car chaque école de pensée lui affuble une étiquette. Par Michel Santi, économiste(*).
(Crédits : DR)

 C'est ainsi que nous mettons dans un même sac fort commode et de manière indifférenciée - comme pour nous faire peur et entretenir cette hantise - tout ce qui est susceptible de présider à une augmentation des prix, faute de pouvoir définir les ressorts de l'inflation. Milton Friedman y est pour beaucoup, lui qui  - à cause de sa célèbre répartie « L'inflation est toujours et partout un phénomène monétaire » - a activement contribué à nous enfermer dans une interprétation restrictive et biaisée de l'inflation. Pur ceux qui ont traversé l'inflation très élevée des années 1970, l'inflation est toujours et partout provoquée par la spirale de l'augmentation des prix et des salaires. Tandis que les allemands, et plus généralement l'Ecole Autrichienne, considèrent que l'inflation est toujours et partout la résultante de banques centrales qui impriment trop d'argent. Que les chantres du rétrécissement des pouvoirs de l'Etat, les néolibéraux, estiment pour leur part que l'inflation est toujours et partout la punition infligée par l'économie et par les marchés aux gouvernements qui empruntent et qui dépensent trop. Quand les fanatiques de l'or et détracteurs du flottement des monnaies imputent toujours et partout l'inflation aux dévaluations. Et que les adeptes de la « Modern Monetary Theory » soutiennent que l'inflation est toujours et partout la sécrétion d'une mauvaise allocation des ressources et des travailleurs.

Il n'y a pas jusque la mesure de l'inflation elle-même qui ne soit problématique car, outre les nombreux indices qui en mesurent les composantes diverses et variées, la tarification volatile de certains biens et produits confèrent à l'inflation une instabilité de façade qui contribue à entretenir les angoisses. Alors qu'il va de soi que nos habitudes de consommation évoluent considérablement, que les progrès technologiques participent de l'affaissement des prix, que d'autres produits deviennent plus chers ponctuellement du fait d'améliorations cosmétiques... Quant à ces indices officiels de l'inflation, ils ne tiennent absolument pas compte des flambées boursières alors que les banques centrales furent sévèrement critiquées pour le déclenchement de la crise des subprimes ...

Nous ne comprenons donc pas ce qui cause vraiment l'inflation : les interprétations divergent et nous ne disposons pas non plus de mesures fiables à même de nous indiquer sans ambiguïté et hors de toute manipulation politique son évolution, même si nous attendons de la part de nos banques centrales qu'elles la maîtrisent de manière infaillible afin de ne pas mettre en péril notre épargne. De fait, cette exigence porte en elle une reconnaissance au moins intuitive selon laquelle l'inflation est un phénomène qui peut être géré, « managé » par nos gouvernements et responsables économiques : perception qui n'est pas éloignée de la réalité car l'hyperinflation est une calamité survenant dès lors que la population perd confiance dans une monnaie et qu'elle refuse de continuer à l'utiliser comme moyen d'échanges.

L'hyperinflation n'est donc pas la résultante systématique et naturelle de l'augmentation de la base monétaire car elle se manifeste mécaniquement dès lors que les citoyens-consommateurs ne croient plus en les capacités de leurs gouvernants à maintenir leur pouvoir d'achat. Ainsi, l'hyperinflation est une érosion - voire une destruction - de la valeur et de la confiance accordées à nos billets de banque du fait de l'incompétente - voire de la corruption dans certains cas - de nos responsables. C'est, en d'autres termes, la faillite et la défaillance des pouvoirs débouchant sur le désordre social et sur le chaos économique qui sont foncièrement inflationnistes, et non telle ou telle autre mesure technique adoptée par une banque centrale.

L'inflation est, en somme, étroitement corrélée à la crédibilité de nos Etats et non - comme ne cessent de l'asséner les fétichistes des déficits - proportionnelle aux endettements publics. C'est ainsi que le Venezuela, qui a un lourd passif d'irresponsabilité économique, subira bien plus facilement l'hyper inflation que les Etats-Unis qui ont toujours honoré leurs obligations... L'inflation est donc toujours et partout une question de confiance.

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(*) Michel Santi est macro économiste, spécialiste des marchés financiers et des banques centrales. Il est fondateur et directeur général d'Art Trading & Finance.

Il vient de publier «Fauteuil 37» préfacé par Edgar Morin

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Commentaires 8
à écrit le 11/10/2019 à 11:01
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Un intéressant daily shot ce matin. le cpi, le cpi core le cpi median, le cpi 16% le cpi core core... On devrait bien arriver a un trouver un proche mais en dessous de 2%

à écrit le 08/10/2019 à 23:41
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L’économie actuelle est artificielle et volatile, programmée et des fluctuations aux grès des caprices de ceux qui tirent les ficelles selon leur besoin du moment. Plus de repères sur rien ... un schéma explosif qui est moins dangereux que l’aveuglem...

à écrit le 08/10/2019 à 10:48
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L'inflation n'est rien, c'est l'augmentation de travail a fournir pour un même résultat qui est en cause et une perte sèche pour ceux qui ne travaille pas, comme les rentiers!

à écrit le 08/10/2019 à 9:28
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La confiance n'est plus une valeur qui à cours dans un Monde soumis à l'argent, aux profits à court terme, parce que la confiance a besoin de temps. Ce temps n'est plus disponible et à l'heure du trading haute fréquence il n'existe quasiment plus.

à écrit le 08/10/2019 à 9:20
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La finance a toujours cherché à euphémiser voir nier l'influence micro-économique sur l'économie, parce que cela allait dans son intérêt et non pour défendre la vérité. Quel beau résultat !

à écrit le 08/10/2019 à 8:12
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Il y a un terme jamais utilisé " l'inflation importée", exemple le prix du pétrole, qui ne traduit pas une surchauffe économique. L’augmentation également des taxes qui entraînes mécaniquement une perte de pouvoir d'achat etc...

à écrit le 07/10/2019 à 18:06
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A croire que l'unique mandat de la bce soit de faire perdre 2% de sa credibilité a l'euro par an. Heureusement que j'ai fait lapin, j'aurai fait economiste, je crois que j'aurai pas tiendu. Il y a bien un groupe d'economistes a terrier mais non m...

à écrit le 07/10/2019 à 17:52
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Il y a la spirale de l'augmentation des prix et des salaires mais aussi celle de l'augmentation des prix et des taux d"intérêt. L'augmentation des dettes a pour contrepartie l'augmentation de la masse monétaire mais aussi celle des actifs financiers....

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