Interfaces digitales : le bouton n'a pas dit son dernier mot

L'écran tactile s'est imposé depuis le succès de l'iPhone. Mais le bouton peut encore servir... Par Julien Fuchs, UX designer chez Razorfish

Le digital entre dans une phase de mutation rapide qui nous oblige à repenser la traditionnelle opposition entre le online et le offline. L'explosion attendue du marché des objets connectés va progressivement faire sortir notre quotidien numérique des seuls écrans pour basculer vers un Internet des objets plus diffus, varié et étendu. C'est dans ce contexte qu'il nous faut repenser les interfaces pour les adapter à ces nouveaux usages et points de contact. Parmi les nouvelles formes d'interaction entre l'homme et la machine, on peut noter que le geste tente de s'imposer comme alternative crédible à nos bons vieux boutons, pour le meilleur, et surtout pour le pire.

L'écran tactile incontournable depuis l'arrivée de l'iPhone

Devenu incontournable après le succès de l'iPhone, l'écran tactile symbolise l'un de ces tournants majeurs dans notre rapport au digital et dans notre manière d'utiliser des interfaces. D'autres succès, celui de la console Wii par exemple, marquent un net recul du bouton au profit du geste comme mode d'interaction avec les outils digitaux. Mais ces révolutions réussies masquent en réalité un éclatement des pratiques en matière de design d'interface, préjudiciable à l'utilisateur.

Une abondance de gestes

Du désormais très commun "swipe" de l'écran tactile pour passer d'une photo à l'autre au passage du pass Navigo sur les bornes RATP, jusqu'au tout nouveau Leap Motion pour ordinateur : la technologie intègre de plus en plus souvent gestes et mouvements. À tel point que l'utilisateur se retrouve face à une abondance de gestes qui varient et parfois se contredisent d'un support à l'autre. Pire, des batailles juridiques s'engagent entre constructeurs soucieux de conserver l'exclusivité de leurs fonctionnalités (comme ce fut le cas avec le "pinch to zoom" d'Apple) et renforcent la segmentation des habitudes gestuelles.

Cette absence de standardisation est d'autant plus préjudiciable pour l'utilisateur que la pratique démontre qu'en matière d'interface, l'apprentissage est tout aussi important que l'intuition, souvent mise en avant par les designers et fabricants. Un cloisonnement des habitudes gestuelles impose donc un réapprentissage permanent qui nuit à l'expérience utilisateur. Ce n'est peut-être pas un hasard si Google avait fait de la sortie d'une interface gestuelle pour Gmail son poisson d'avril en 2011. Le tout "sans bouton" atteint peut-être aujourd'hui ses limites. Le Leap Motion doit encore convaincre : agiter les bras devant un écran d'ordinateur ne va pas de soi. De même qu'en matière de télévision, l'expérience proposée par la télécommande interactive de la freebox, équipée d'un gyroscope et d'un accéléromètre, est assez hasardeuse. Autre vecteur d'interaction : la voix, symbolisée par Siri d'Apple, peine aussi à convaincre comme moyen d'utiliser nos smartphones.

L'adage cher au créateur de Kodak

Finalement, le bouton, qu'il soit tactile ou non, semble résister, pour demeurer le principal mode d'interaction avec nos outils digitaux. Georges Eastman, inventeur du film commercial disait déjà en 1888 « You press the button, we do the rest » ("vous appuyez sur le bouton, on s'occupe du reste"). Cet adage cher au créateur de la marque Kodak a permis de populariser l'appareil photographique tel que nous le connaissons. Aujourd'hui, le bouton physique fait son retour au sein de nos foyers. Il se veut désormais connecté et doit répondre à un seul besoin à la fois. Par exemple, le spécialiste français de l'électroménager permet à ses clients, grâce à son « bouton Darty », d'être rappelés immédiatement en cas de panne. Amazon a également sorti le mois dernier son « Dash button ». Ce petit objet connecté à coller partout dans la maison est programmé pour accomplir une tâche : commander et recevoir un article. Cette version physique de l'achat en un clic du géant américain permet de commander instantanément les produits du quotidien tels que la lessive, le café ou autres bouteilles d'eau.

Le succès du bouton, confirmé dans une étude de 2013, nous montre que définir de nouvelles interfaces demande une compréhension profonde des pratiques quotidiennes des utilisateurs. Il est parfois tentant d'adopter une nouvelle technologie quand elle émerge, mais il importe avant tout de se poser la question suivante : l'utilisateur final en a-t-il vraiment besoin ?

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