Internet industriel : l'Europe peut gagner cette bataille si..

L'internet industriel va contribuer à remodeler l'industrie. l'Europe peut gagner la bataille, mais une volonté politique forte est nécessaire. Par Marc Genevois, Directeur général, SAP France
Bonne nouvelle, l'Europe est parfaitement positionnée pour mener cette bataille et ainsi renouer avec un passé industriel glorieux, celui de la première Révolution Industrielle.

Alors que vient de se tenir à Paris, la première Conférence franco-allemande sur le numérique, avec un temps fort consacré à la nouvelle politique industrielle dite « Industrie du futur » portée par Emmanuel Macron, une question se pose : l'Europe dispose-t-elle des armes nécessaires pour remporter la bataille de l'Internet industriel et s'imposer face aux Etats-Unis ? L'Internet industriel, clef de voûte de cette quatrième Révolution Industrielle, également appelée Industrie 4.0, est devenu le sujet de préoccupation des grands acteurs technologiques à travers le monde. En effet, si la lutte pour la domination de l'Internet « grand public » a été remportée haut la main par les fameux GAFA, autrement dit les Etats-Unis, laissant les acteurs européens loin derrière eux, le prochain cycle majeur d'innovation, dit de « l'Internet industriel », n'en n'est qu'à ses prémisses.

Bonne nouvelle, l'Europe est parfaitement positionnée pour mener cette bataille et ainsi renouer avec un passé industriel glorieux, celui de la première Révolution Industrielle.

La France et l'Allemagne en tête de peloton

Le 18 mai, Emmanuel Macron présentait un plan d'envergure visant à aider 2 000 Petites et Moyennes Industries (PMI) à adapter leur appareil de production à la compétition et dans un monde économique en voie de digitalisation massive. Or, si la France s'est engagée concrètement dans le « futur industriel » en 2015, l'Allemagne fut pionnière en lançant cette initiative trois ans plus tôt dans le but de garder son statut de leader mondial dans le domaine manufacturier.

Tirer parti des innovations considérables et permanentes des technologies de l'information pour améliorer et transformer les technologies opérationnelles dans les usines grâce à un protocole de communication unique, l'Internet, voilà le cheval de bataille de l'Industrie 4.0.

L'Allemagne fut pionnière en lançant, auprès du gouvernement allemand, cette initiative du 'futur industriel' dès 2012. En France, nous avons poursuivi dans cette voie en avril 2015 en nous engageant auprès du Président François Hollande à investir 100 millions d'euros, dans les cinq ans à venir, pour soutenir l'innovation en Europe, et notamment pour contribuer au financement des start-ups de l'Internet industriel.

La digitalisation comme épicentre de « l'industrie du futur »

Si l'enjeu de cette politique industrielle est bien de repenser l'usine pour la faire entrer dans l'ère du digital, les start-ups innovantes seront cruciales pour permettre l'avènement de l'« usine du futur ». Phénomène étonnant de prime abord, cette tendance de fond est pourtant bien ancrée dans le paysage de l'Internet « grand public » où de relativement jeunes entreprises changent jour après jour la façon dont nous consommons.

Que ce soit en France, en Allemagne ou en Chine, ce seront sans aucun doute les start-ups qui développeront les innovations clés en matière d'Internet des objets, de Big Data, d'Intelligence Artificielle, ou de technologies mobiles, ces mêmes innovations qui permettront aux usines de faire évoluer drastiquement leur façon de produire grâce, entre autres, à des lignes d'assemblage intelligentes.

L'usine de demain sera agile, à même de produire plus efficacement des commandes « ultra personnalisées » tout en restant dans une dynamique de production de masse. Autrement dit, elle passera de la production de masse à la « personnalisation de masse ». Les « contrôles qualité » ne se feront plus uniquement en bout de chaîne mais au fil de l'eau, grâce à l'analyse des données générées par les lignes d'assemblage, et il deviendra possible de prédire précisément les pannes sur machines et d'agir en temps utile. De la chaine d'approvisionnement à la logistique pour acheminer la production en magasins, la digitalisation opérera de bout en bout pour transformer de façon pérenne le circuit industriel.

Une révolution pour l'usine

L'usine, que l'on avait trop souvent tendance à oublier, est donc bien à l'aube d'une révolution aussi importante que celle de la programmation objet qui a révolutionné le développement logiciel. La production transitera en effet d'un mode Processus à un mode orienté Objet et Données, lesquels interagiront pour assembler un produit fini selon les desideratas des clients. Les produits intelligents et communicants indiqueront aux machines-outils les opérations qu'elles doivent effectuer et comment elles doivent être combinées.

Le mouvement est en marche

Même si la route peut sembler encore longue, ce mouvement, essentiel à la compétitivité française, est en marche. Sur les 2 000 PMI visées par le plan français, 400 ont déjà sauté le pas et l'objectif est désormais de permettre à 2000 PMI de les imiter à horizon de la fin de l'année 2016. Pour y parvenir, Associations et Syndicats professionnels sont d'ores et déjà à la manœuvre, à l'image de l'Alliance pour l'Industrie du futur, de l'Association Française des Editeurs de Logiciels et Solutions Internet (AFDEL) ou encore de Syntec numérique.
Pour autant, agir de façon décisive, suppose de ne pas agir seul. C'est pourquoi, la France doit s'entendre avec d'autres pays, et d'abord avec l'Allemagne, et multiplier les efforts conjoints, en particulier dans le domaine de la normalisation des technologies du Big Data.

Une prise de conscience politique essentielle

La conférence franco-allemande sur le numérique qui a réuni, le 27 octobre à l'Elysée, Angela Merkel, François Hollande et Jean-Claude Junker, s'est concrétisée par une ambitieuse feuille de route. Qu'il s'agisse d'accélérer la création du marché unique du numérique, d'organiser la convergence des plateformes « Industrie 4.0 » et « Usine du futur » à horizon de la fin de l'année, ou de permettre à la France et à l'Allemagne de davantage peser dans la définition des standards du Big Data, le couple franco-allemand est en marche et c'est une heureuse nouvelle.

Au niveau national, le partenariat qui vient d'être signé entre l'Etat et les représentants de l'initiative Industrie 4.0, s'il n'est qu'un début, confirme lui aussi le rôle prépondérant que notre pays peut jouer pour relever le défi de la transformation digitale de l'industrie à l'échelle mondiale. La récente annonce de la création d'une « Académie de l'Industrie du futur » (Industry 4.0), constituée de partenariats entre grandes écoles des deux côtés du Rhin et associant le secteur privé, peut en être une première incarnation.

Toutes ces avancées sont positives. Elles manifestent une prise de conscience politique essentielle, et nous confirment que nous avons raison de mobiliser toutes nos capacités d'innovation pour permettre l'avènement de l' « usine du futur ».

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Commentaire 1
à écrit le 27/11/2015 à 11:53
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L’Europe, l’Europe, l’Europe...! Il n'y a jamais eu moins de coopération que depuis que l'on a décrété sa construction hors sol!

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