L’aménagement du territoire en France au XXIe siècle

Un espace politique s'est ouvert pour repenser l'aménagement du territoire, aujourd'hui invoqué par le gouvernement d'Édouard Philippe au nom de la cohésion territoriale (après l'avoir été précédemment au nom de la compétitivité puis de l'égalité des territoires, preuve de son actuelle errance idéologique). Par Martin Vanier, géographe

 C'en est peut-être fini des auditions, rapports et débats parlementaires ressassant éternellement les mêmes vieilles lunes doctrinales de l'après-guerre (désenclavement, rééquilibrage, grands investissements modernisateurs, zonages défensifs). Va-t-on pouvoir enfin ré-énoncer les termes d'une politique conçue jadis par et pour la France de l'exode rural et du déploiement industriel des années 1950-60, et entrer de ce point de vue aussi dans le 21e siècle ?

Cette ouverture pour la pensée aménagiste de la France en Europe est le fruit du desserrement (effondrement ?) du rapport quasi féodal que le politique avait fini par imposer aux territoires au cours des 30 ans de décentralisation. Avec un Parlement qui n'est plus le club fermé des grands et petits présidents d'exécutifs locaux (communes, intercommunalités et métropoles, départements, régions), et un intitulé ministériel qui n'a pas jugé nécessaire d'invoquer la ruralité pour rassurer (c'était le cas à droite comme à gauche depuis Michel Mercier en 2009), on peut espérer penser l'espace de la France autrement, l'espace dont la société et l'économie françaises en mutation ont besoin. Voici trois crédos et neuf objectifs pour cela.

Penser systèmes plutôt que catégories de territoires

La défense catégorielle des territoires (communes rurales, petites villes, villes moyennes, et ainsi de suite) est la croix de l'aménagement du territoire et son alibi démocratique. Il faut cesser de penser par strates et travailler partout : (i) aux alliances urbain-rural et non plus aux prétentions à l'autonomie de développement des uns et des autres ; (ii) à la métropole-France (en Europe) et non plus à l'opposition centre-périphérie qui a servi de base de colère aussi bien aux Frontistes qu'aux Insoumis ; (iii) à l'égalité dans la réciprocité et non plus à la compassion des forts pour les faibles.

Penser réseaux plutôt que local

En pleine révolution numérique, plus la France s'est mondialisée et plus sa pensée spatiale a eu tendance à rétrécir autour des idéaux de la proximité, du local, des courtes distances, des circuits autosuffisants. Alors que la France dans le monde tel qu'il va a besoin : (i) d'accessibilité partout et non pas de proximité partout ; (ii) de fiabilité et de sécurité des parcours et des flux et non pas de défense des stocks ; (iii) de capacité à changer d'échelle et non pas d'assignation aux territoires, surtout pas dans les plus en difficulté avec la mondialisation.

Penser transitions plutôt que protections

Le fond de l'affaire c'est la réussite du passage vers de nouveaux paradigmes dans toutes les réalités qui font l'espace que nous habitons : urbanisation, mobilité, rapports aux ressources et à l'énergie, agriculture, politique de la nature, etc. Ce qui implique de passer : (i) à l'hybridation des fonctions plutôt qu'en rester à leur séparation typiquement moderne et dévastatrice ; (ii) à l'inspiration par les modèles du vivant plutôt que par ceux de la machine qui sont notre héritage industriel ; (iii) à la réversibilité des aménagements plutôt que de rester collés à la modernité sans fin qui injurie l'avenir.

On le saura très vite : soit quelqu'un dans le gouvernement lance le signal d'une nième réforme territoriale, avec redécoupage et réassemblage, histoire d'occuper le Landerneau, et c'est perdu ; soit un nouveau vocabulaire s'installe (alliances, réciprocité, capacitation, réversibilité...) et c'est qu'une époque enthousiasmante aura commencé.

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaire 0

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

Il n'y a actuellement aucun commentaire concernant cet article.
Soyez le premier à donner votre avis !

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.