L'apprentissage, grand oublié de la présidentielle

François Hollande n'a rien fait pour soutenir l'apprentissage, laissé de côté par les débats en vue de l'élection présidentielle, une prise de position de François Fillon mise à part. Le sujet est pourtant essentiel. par Sophie Duprez, dirigeante du Groupe Crousti

Tout récemment, Station F, le plus grand incubateur de start-up au monde a ouvert ses portes à Paris. Un tel événement attire l'attention et le spectateur passif se dit « il se passe des choses pour l'emploi des jeunes en France » Or ce dynamisme, s'il est amplement souhaitable, n'est que l'arbre qui cache la forêt. Car en effet, si l'Etat, en bon communiquant, est doué pour faire des actions visibles, il a tendance à délaisser les chantiers qui se voient moins. L'apprentissage est l'un de ces chantiers.

 L'apprentissage laissé de côté

En tant que dirigeante d'une PME basée en province qui emploie plus de 100 salariés, je suis aux premières loges pour dire que la formation professionnelle et l'apprentissage sont les premiers leviers de l'emploi des jeunes dans notre pays. Hélas ils ont été étrangement laissés de côté par le gouvernement de François Hollande pour ne pas dire totalement ignorés, malgré la volonté affichée de créer 500.000 emplois en apprentissage dans les CFA d'ici 2017. Or, nous sommes loin du compte.  En effet, alors que notre pays comptait plus de 438.143 alternants en 2011, les effectifs d'apprentis ont chuté dramatiquement. En 2015, le nombre était de 402900 jeunes en apprentissages, soit 20% de moins que l'objectif affiché par François Hollande en 2012.

Complexité du système

Dans mon entreprise, j'emploie 30 apprentis et j'aimerais pouvoir en employer encore davantage. D'autant plus que j'ai de véritables besoins. Malheureusement, contrairement au discours entendu, rien n'a vraiment été fait pour nous faciliter le recrutement d'apprentis et surtout pour stimuler des vocations ! Il faut s'interroger sur l'efficacité réelle de la politique pour développer l'apprentissage. En effet, alors que des études ont montré que le financement tripartite (Etat, Région, Entreprise) a augmenté ces dernières années, cela n'a, hélas, pas été suivi de résultats.

La complexité du système y est sans doute pour quelque chose. Comme l'ont remarqué Pierre Cahuc et Marc Ferracci dans un rapport destiné au Conseil d'Analyse Economique « En France, le circuit de la formation professionnelle en alternance est très complexe. De nombreux acteurs y interviennent. Ces intervenants, dont les actions sont mal coordonnées, n'ont pas tous des incitations à développer l'apprentissage, surtout pour les jeunes peu ou pas diplômés. L'Éducation nationale joue un rôle central. Cependant, l'apprentissage peine encore à être perçu par les enseignants, les acteurs de l'orientation et les familles comme une solution positive d'orientation. En outre, il est difficile de créer des formations d'apprentissage en adéquation avec les besoins des entreprises et des branches professionnelles : la place et le rôle des professionnels pour la conception du diplôme sont en pratique limités ».

Un véritable parcours du combattant pour l'entrepreneur, et pour les jeunes

  Le système mis en place est un véritable parcours du combattant pour l'entrepreneur, mais également pour le jeune qui recherche un emploi. A cela s'ajoute que, loin de favoriser véritablement l'insertion, comme cela devrait l'être, l'apprentissage favorise essentiellement les diplômés et aujourd'hui plus du quart des apprentis sont des étudiants du supérieurs. S'ajout à cela qu'il faut faire avec un déficit d'image qui n'a jamais vraiment disparu. Car même si la popularité de l'apprentissage auprès de l'opinion publique est grandissante (dans un sondage BVA réalisé en 2015, 88 % des Français déclarent en avoir une bonne image ), l'image de la « filière apprentissage = voie de garage » qui a vu le jour dans les années 60 est loin d'avoir disparu.

Pourtant l'enjeu de l'apprentissage est considérable. En effet, faut-il rappeler qu'en Allemagne 17% des jeunes sont en alternance, contre 7% en France et qu'en Suisse, deux tiers des étudiants de plus de 15 ans choisissent cette formation, et 95% de ces jeunes trouvent du travail à l'issue de leur formation.

François Fillon veut en faire un filière d'excellence

De ce point de vue les candidats à la présidentielle devraient faire de ce sujet leur priorité. Or le sujet est très peu, voire pas du tout abordé. C'est pour cela que la semaine passée, mes antennes d'entrepreneuses se sont levées lorsque François Fillon a déclaré vouloir faire de l'apprentissage une filière d'excellence, lors de son discours d'Oyonnax. Dans un discours qui a parlé principalement de la liberté d'entreprendre, le candidat a rappelé le rôle fondamental de l'alternance dans les pays voisins et le fait que celle-ci stagnait dramatiquement chez nous. En voulant faire que « l'apprentissage devienne la voie de droit commun pour l'obtention d'un bac professionnel » il propose un changement majeur qui impliquera que « les lycées professionnels ouvrent des sections d'apprentissage en leur sein ». Ayant compris que la complexité du système était un fardeau, il propose de redonner de la liberté aux acteurs de terrain. « Ce sont eux qui sont les mieux à même d'adapter l'offre de formation aux besoins locaux. » Les régions et les branches seraient chargées de gérer les lycées professionnels quant à l'Etat, il conserverait un rôle d'évaluation.

Enfin le candidat promet de nouvelles incentives pour les entreprises : exonération de charges sociale, cadre administratif plus souple, adaptation au rythme de l'entreprise. Pour cela il compte rediriger le budget des emplois aidés vers le secteur de l'alternance. En espérant que toutes ces propositions ne soient pas que des voeux pieux, on ne peut que saluer cette feuille de route qui cerne les enjeux principaux du sujet qui fait parti des clés de voûte de la solution du chômage en France.

Sophie Duprez, dirigeante du Groupe Crousti

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaire 1
à écrit le 28/01/2017 à 13:26
Signaler
En général, il y a 2 temps de contamination • Avant la réception des matières 1ère en entreprise : Chez le producteur, chez un transformateur, chez un grossiste, pendant un transport D’où l’importance des autocontrôles qualitatifs o L’état du c...

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.