L'épargne longue, le carburant de la croissance de nos PME et du pays ?

Aurons nous le courage de faire des français, et de l'épargne longue, le carburant de la croissance de nos PME et du pays? Par Laurent de Bernède, membre du groupe financement de l'observatoire de l'ubérisation

Nos PME souffrent d'un accès au crédit. Leur situation est difficile, leurs capitaux propres trop faibles, mais leur capacité de rebond et leurs perspectives, conséquentes, si on leur en donne les moyens. L'épargne des français dort alors que les français pourraient accepter de "financer" leurs emplois et ceux de leurs enfants. Comment résoudre cette équation? En ouvrant les vannes de l'épargne pour irriguer la croissance de nos entreprises.

Un cadre trop contraignant pour les plateformes de financement participatif

 En octobre 2014, la France s'est dotée d'un cadre réglementaire pour encadrer l'activité des plateformes de financement participatif, qui permet aux particuliers de faire des prêts rémunérés à des PME de leur choix. Si ce cadre nécessaire constitue une brèche dans le monopole bancaire du prêt aux entreprises, il reste trop contraignant et incomplet pour flécher une part significative des 10 000 milliards d'euros d'épargne des français vers le tissu économique local. Il est temps d'aller au bout de la démarche politique qui consiste à créer les conditions optimales pour inciter les français à investir une partie de leur épargne dans l'économie réelle, à travers des prêts consentis à des TPE-PME méritantes, pour leurs projets d'investissements productifs.

 Des contraintes pour les épargnants aux disponibilités importantes

Le cadre réglementaire en vigueur prévoit un montant emprunté sur des plateformes de prêts participatifs dans la limite de 1 million d'euros par an, et un montant prêté de 1000 euros par prêteur et par projet.  Ces contraintes initialement prévues pour forcer les particuliers non-avertis à des placements risqués et pour limiter la concentration du risque, se sont avérées trop contraignantes pour attirer les épargnants avec des disponibilités importantes, en recherche de produits de diversification  à fort rendement (le rendement moyen est pourtant de 7% sur l'ensemble des plateformes en exercice, le rêve dans une période du taux négatif).

 Un financement en complément des banques

Immédiatement après l'entrée en vigueur de la nouvelle loi, des dizaines d'acteurs se sont lancés dans cette activité novatrice pour financer les besoins des TPE PME non adressés par les banques. Ces dernières adressent mal le segment des TPE-PME pour des raisons de rentabilité, d'encours ou de typologie de besoin. Pour certaines plateformes, 60% des ces prêts sont consentis en co-financement avec une banque pour financer la partie immatérielle du besoin que la banque ne souhaite pas financer. Les plateformes apportent donc bien un financement complémentaire à celui des banques, qui vient s'additionner aux 80 milliards d'euros de production bancaire annuelle sur ce segment de marché. Il est important pour l'économie de favoriser le développement de cette activité, génératrice de valeur, tant pour le tissu économique local que pour les épargnants qui y trouvent un rendement attractif dans un environnement de taux bas et de faible rendement pour les placements d'épargne.

 Fiscalité trop lourde

 Malgré l'inscription à l'ORIAS de 82 plateformes IFP depuis l'entrée en vigueur de la loi, la croissance des acteurs est restée limitée en 2015 en raison d'un modèle trop bridé et le secteur n'a pu octroyer que 31,5 millions d'euros de prêts aux PME sur l'année 2015 et 46, millions depuis le 1er janvier 2016 (source Crowdlending.fr). Le principal obstacle à la réussite du projet ambitieux qui consiste à faire financer la partie des besoins des TPE est une fiscalité bien trop lourde pour rémunérer le risque encouru à sa juste valeur. Comme si l'on souhaitait tuer le remède avant qu'il n'agisse!

 Jugez plutôt, les prêts consentis par les particuliers sur les plateformes de prêts sont soumis à un prélèvement à la source de 15,5% au titre de la CSG/CRDS et à un prélèvement forfaitaire non libératoire de 24% au titre de l'IRPP. Cette fiscalité folle, pèse trop sur le rendement net du prêteur pour le rendre attractif face à celui des produits d'assurance vie (malgré un service entièrement gratuit offert par les plateformes et un rendement élevé).

 Sur les 6 dernières années, le secteur du prêt participatif aux PME au Royaume Uni a atteint une production total de 4,6 milliards d'euros de prêts, directement injectés dans l'économie réelle, dont 1 milliard d'euros sur le premier semestre 2016. Compte tenu du taux d'épargne des français, autour de 15,5% des revenus par an, il n'est pas démesuré d'envisager que les plateformes françaises puissent injecter entre 1 et 2 milliards par an dès 2019 dans les PME françaises qui ont la capacité de rembourser.

 Pour que ce résultat soit obtenu dans les meilleurs délais, il faut impérativement aligner la fiscalité des prêts participatifs avec celle des autres produits d'épargne comme l'assurance-vie afin de flécher une partie de l'épargne des français vers l'économie réelle, créatrice d'emplois.

 Pour cela, une solution simple à mettre en œuvre serait l'introduction dès 2017 d'une franchise d'imposition sur le revenu, sur les intérêts perçus, à hauteur de 5000 euros pour  une personne seule et 10 000 euros pour un couple. Sur la base du taux d'intérêt moyen de 7% constaté sur les plateformes de prêt participatif, ces montants représentent un investissement annuel dans le tissus économique des TPE/PME de 71 429 euros pour une personnes seule et de 142 857 euros par couple. Une aubaine pour les entreprises!

Passer à côté d'une formidable opportunité

 Un dispositif similaire est entré en vigueur en Angleterre le 4 avril 2016 avec l'application de la loi permettant l'ouverture de IFISA (Innovative Finance Individual Savings Account) qui permet de prêter jusqu'à 19240 livres. C'est ainsi 22.000 livres d'intérêts perçus qui échappent à l'impôt. Toutefois, la création d'une enveloppe fiscale gérée par les plateformes pose des problèmes logistiques aux acteurs du marché ainsi qu'au régulateur et la mise en œuvre de la mesure par le Royaume Uni a dû être reportée pour des questions purement techniques, qui n'enlève rien à l'intérêt de la mesure.

 Sans une meilleure rémunération du risque, à travers une baisse de la fiscalité applicable aux intérêts perçus, la France passe à côté de la formidable opportunité de soutenir leur croissance à moindre frais, et de faire face à la demande colossale des PME pour lesquels le financement bancaire ne suffit pas. Allons nous laisser nos PME à sec, quand l'eau qui pourrait les irriguer est à portée de main? Il faut savoir si nous voulons la croissance par des mesures offensives, ou se laisser à des mesures défensives incertaines et souvent incantatoires.

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