La coopération internationale, une alternative crédible aux programmes d'armement nationaux ?

En matière d'armements, la coopération internationale est toujours synonyme de coût beaucoup plus élevés. Mais, à condition d'une véritable ambition politique, le jeu de la coopération peut être gagnant. Par le Capitaine de corvette Julien Droit, 22ème promotion de l'école de guerre
L'hélicoptère Tigre: une exemple de coopération internationale plutôt réussie
L'hélicoptère Tigre: une exemple de coopération internationale plutôt réussie (Crédits : DR)

Dans le contexte budgétaire actuel fortement contraint, l'exécution de la loi de programmation militaire est incertaine. Le bon déroulement des programmes militaires pourrait être remis en cause car les coûts d'acquisition deviennent de plus en plus élevés. La coopération internationale pourrait être une solution efficace pour réduire significativement ces coûts mais elle se révèle souvent décevante. La performance d'un programme d'armement ne dépend pas tant du nombre de pays participants que de la volonté politique de ces pays.

Des coûts toujours plus élevés rendent la coopération indispensable...


Lorsque l'on s'intéresse au coût d'acquisition unitaire des systèmes d'armes modernes, on constate qu'il est en constante augmentation. Pour obtenir un outil de défense toujours plus performant, la recherche et le développement de technologies nouvelles deviennent de plus en plus coûteux. Ces dépenses deviennent si élevées qu'il sera bientôt impossible pour un seul pays d'acquérir et de maintenir en condition de tels équipements. Le programme américain Joint Strike Fighter (JSF) F-35 de Lockheed Martin, avion de combat le plus sophistiqué et le plus cher au monde, en est un parfait exemple. Ici, la coopération internationale permet de réduire les coûts d'acquisition en bénéficiant d'effets de série et de gains relatifs à certains développements communs. Les coûts fixes de recherche et de développement pour maîtriser une technologie sont alors répartis entre les partenaires.

... mais elle n'est pas optimale

Keith Hartley et Derek Braddon apportent, dans leur étude publiée en février 2014 dans la revue Defence and Peace Economics, un éclairage sur l'impact du nombre de nations participantes dans les projets collaboratifs. Ils concluent qu'aucune règle générale ne se dégage car les paramètres influençant la performance d'un projet sont difficilement isolables les uns des autres.
L'analyse du retour d'expérience montre pourtant qu'un programme en coopération est plus coûteux qu'un programme national d'un facteur égal à la racine carrée du nombre de nations partenaires. Les temps de développement d'un projet en coopération sont, quant à eux, souvent multipliés par la racine cubique du nombre de nations partenaires. Un programme regroupant 4 pays partenaires est généralement deux fois plus cher qu'un programme national et sa phase de développement dure 1,6 fois plus longtemps. Il faut tout de même garder à l'esprit que les frais étant divisés par le nombre de participants, chaque pays investit moins que ce qu'il aurait dû investir s'il avait été seul.

Partenariats: complexité et enjeux politiques...

Deux explications peuvent être apportées. D'une part, lorsque le nombre de pays participants augmente, les relations entre partenaires se complexifient, d'autant plus lorsqu'il s'agit de programmes importants d'armement. Les coûts de fonctionnement de la structure décisionnelle s'accroissent et les prises de décision sont ralenties par la lourdeur des systèmes de gouvernance. D'autre part, les enjeux des programmes d'armement ne sont pas seulement économiques mais aussi politiques. Chaque pays cherche à préserver ses intérêts nationaux en favorisant son industrie de défense pour maintenir ses capacités de production et protéger ses emplois. L'objectif est alors de positionner au travers des programmes de coopération l'industrie nationale pour qu'elle puisse bénéficier de retombées export sous une forme ou une autre. La coopération n'aboutit alors qu'à un compromis rarement optimal avec un montage industriel compliqué et donc risqué. Le retard et les surcoûts des programmes A400M, Tigre ou NH90 témoignent des difficultés de coopération entre les pays clients. Les armées sont alors confrontées à des suivis de configuration extrêmement complexes et à de multiples problèmes de compatibilité de matériel.

...malgré de réels succès

En réalité, rien ne prouve formellement que la performance d'un projet en termes de coût et de temps de développement soit affectée par le nombre de nations partenaires. Il suffit de comparer les performances du consortium européen Airbus Industrie regroupant la France, l'Allemagne, l'Espagne et le Royaume-Uni, face au géant américain Boeing pour en être convaincu. Citons également le Nato Submarine Rescue System (NSRS), copropriété à parts égales du Royaume-Uni, de la Norvège et de la France qui est aujourd'hui le système de sauvetage de sous-marins le plus performant au monde. Le NSRS n'aurait certainement jamais vu le jour sans la coopération des trois nations car aucune des nations n'aurait pu financer et mettre en œuvre seule ce système.

Une véritable ambition politique commune

La performance d'un programme en coopération n'est-elle pas simplement conditionnée par le politique ?
Il semblerait qu'une véritable ambition politique avec un but commun soit la clé pour une coopération réussie. Cependant, elle n'est souvent trouvée que dans le cadre de relations bilatérales. Durant la guerre froide, la coopération franco-britannique s'est illustrée dans des programmes militaires comme les hélicoptères Puma et Gazelle. Aujourd'hui, les frégates Horizon et FREMM témoignent des échanges fructueux entre la France et l'Italie.
Mais l'absence de signaux politiques forts pour relancer l'Europe de la défense est très inquiétante. Depuis 2006, l'organisme conjoint de coopération en matière d'armement (OCCAr) ne développe pas de nouveaux projets structurants même si les ministres européens de la défense ont déclaré en novembre 2008 que l'OCCAr avait vocation à devenir un partenaire privilégié de l'Agence européenne de Défense (AED).

 En 1950, Robert Schuman a su lancer le processus de construction d'une Europe communautaire mais les activités d'armement y avaient été exclues. Aujourd'hui, la nouvelle donne géostratégique et le contexte économique rendent la coopération internationale dans ce domaine incontournable. Les initiatives visant à promouvoir la mise en place de capacités militaires au profit de l'Europe méritent d'être poursuivies. Une réelle politique industrielle commune en matière de défense permettrait aux états européens d'optimiser leurs dépenses militaires.

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Commentaires 4
à écrit le 24/05/2015 à 18:41
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Ils y a deja 30 ans que l'on nous explique que pour faire des économie , ils faut faire en coopération avec d'autre étayé Europeen,,,, est bien s'est pas gagnier..... Surtout actuellement avec les socizlistes.....

à écrit le 21/05/2015 à 9:53
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Un peu surprenant, cet article... Le JSF "parfait exemple" de la coopération internationale ? D'une part, il n'y a pas de coopération internationale ou presque (des miettes avec quelques chaînes de montage... ), d'autre part les coûts ont déjà explo...

à écrit le 20/05/2015 à 18:01
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Avec la NASA ça sera mieux encore

à écrit le 20/05/2015 à 16:23
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" Le programme américain Joint Strike Fighter (JSF) F-35 de Lockheed Martin, avion de combat le plus sophistiqué et le plus cher au monde, en est un parfait exemple. " Pour mieux comprendre l'histoire de cet "avion de rêve", je vous invite à prend...

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