La dette publique et les fake news

Au cours de leur histoire, les États-Unis d'Amérique connurent six épisodes d'excédent budgétaire. Cinq d'entre eux furent immédiatement suivis de dépressions. En outre, n'oublions jamais que l'orthodoxie - déjà puissante à l'époque - avait poussé le Président Herbert Hoover à entretenir un excédent budgétaire en 1930, soit la première année de la Grande Dépression!

Le dernier épisode en date d'un excédent budgétaire américain soutenu pendant près de trois ans fut sous l'ère Clinton auquel devait succéder la récession de 2002 entièrement redevable au surplus fédéral de 1999 ayant contraint le secteur privé à s'endetter. L'économie US connut donc l'effondrement dès 2000 du fait d'une chute de la consommation et d'une accélération du chômage, jusqu'au feu d'artifice géant de 2007. Nous serions à nouveau confrontés à une crise économico financière d'une gravité extrême si les États-Unis, si le Japon, si la France, si la Grande-Bretagne décidaient - demain - de rembourser leurs dettes nationales.

Eh oui! Seule l'Allemagne persévère aujourd'hui sur son chemin d'indifférence impériale vis-à-vis du reste du monde en accumulant les excédents, car c'est bien la mère de toutes les dépressions qui sévirait si les autres nations importantes de ce monde décidaient de lui emboîter le pas. Leurs contribuables et leurs citoyens d'une manière générale ne seraient pas plus riches d'un centime si leurs gouvernements respectifs remboursaient leur dette nationale. Car c'est, en fait, tout le contraire qui surviendrait et qui aurait ainsi un impact ravageur sur les économies. Un pays qui solde sa dette pompe en effet de précieuses liquidités hors de son économie, car il reste moins d'argent pour tous - privés et entreprises - sauf pour l'État qui s'enrichit. Comprenons-le : c'est les excédents - non les déficits - qui sont aux origines des ralentissements, car il va de soi qu'une économie asséchée par des dettes remboursées tombe en panne.

Il est donc impossible de faire marcher une économie sans argent, en fait sans dette, et quiconque et toutes celles et ceux qui confondent la gestion du budget d'un État avec celui d'un ménage sont coupables d'escroquerie intellectuelle. Contrairement à un privé ou à une famille, un État souverain ne peut tomber en banqueroute: ses dettes sont tout simplement les créances du secteur privé. Du reste, tout est dette. L'argent est de la dette, votre compte bancaire est une dette, le dollar et l'euro sont de la dette et - objectivement - repayer l'ensemble de sa dette reviendrait pour des Etats comme les USA ou comme la France à simplement éradiquer le dollar ou l'euro !

Cette désinformation généralisée n'ayant de cesse d'asséner que les dettes publiques représentent le mal absolu et qu'il faut laisser les marchés jouer les juges de paix n'a produit que croissance anémique, accélération du chômage, creusement des inégalités, aggravation de la précarité.

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(*) Michel Santi est macro économiste, spécialiste des marchés financiers et des banques centrales. Il est fondateur et directeur général d'Art Trading & Finance.

Il est également l'auteur de : "Splendeurs et misères du libéralisme", "Capitalism without conscience", "L'Europe, chroniques d'un fiasco économique et politique", "Misère et opulence". Son dernier ouvrage : « Pour un capitalisme entre adultes consentants », préface de Philippe Bilger.

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Commentaires 9
à écrit le 19/09/2017 à 16:43
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super analyse

à écrit le 19/09/2017 à 16:26
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Mr Santi oublie de mentionner que la seule facon de se separer de notre dette sans la rembourser est de nous declarer en banqueroute, comme la Grece a failli l'etre. Mais alors plus aucun pret nouveau, ni à l'Etat ni aux entreprises, l'economie a l'a...

à écrit le 19/09/2017 à 16:23
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Encore une ode à l'irresponsabilité : endettons-nous gaiement - surtout pour financer notre fonction publique sous-productive et notre assistanat - et refilons notre dette aux generations a venir. Mr Santi oublie de mentionner que en s'endettant de ...

à écrit le 19/09/2017 à 11:25
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exat? TRES BONNE ANNALYSE? PERSONNE NE POURAS REMBOURSE SA DETTE ? DONC NE PRIVONS PAS LES HUMAINS DU BIEN ETRE QU ILS ONT MERITE PARS LEURS TRAVAIL???

à écrit le 19/09/2017 à 10:16
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Point de vue intéressant, auquel je préfère l'approche Keynésienne, car même si intuitivement la dette "sent mauvais", et qu'en seconde analyse de M. Santi ce n'est pas le cas, en troisième analyse il reste quand même un fait indéniable qui est que p...

à écrit le 19/09/2017 à 10:10
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Le tort c'est de pensée que la monnaie est un but alors que ce n'est qu'un simple moyen d'échange! La valeur d'un objet n'est que subjectif!

à écrit le 19/09/2017 à 10:03
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C'est dans la fluidité de la circulation de la monnaie que réside les solutions; de thésaurisation, de création, d'endettement, d'inflation, de récession etc...!

à écrit le 19/09/2017 à 9:45
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J ai pas tres bien compris le raisonnement de l auteur. "Un pays qui solde sa dette pompe en effet de précieuses liquidités hors de son économie". Si un etat rembourse, il ne pompe pas de l argent hors de son economie car l argent va aux creanciers. ...

le 19/09/2017 à 16:20
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+1! Et 30 ans de crise car plus personne ne vous prete, c'est bien ce qui menacait la Grece avant l'UE ne lui vienne en aide.

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