La folie des fusions-acquisitions signe d'un "non investissement productif"

La Tribune publie chaque jour des extraits issus des analyses diffusées sur Xerfi Canal. Aujourd'hui, la folie des fusions-acquisitions.
Olivier Passet, directeur des synthèses économiques de Xerfi. / DR

Les fusions-acquisitions explosent à travers le monde. Selon des données Thomson Reuters, les rachats annoncés depuis le début de l'année à travers le monde dépassent déjà les points hauts de 2007. Les mégadeals de plus de 10 milliards atteignent quant à eux 1.200 milliards, dépassant déjà leur record de 1999, en pleine folie de la bulle internet. Avec en proue du mouvement, les Etats-Unis, qui pèsent pour près de 50% des opérations et la région Asie Pacifique, pour 24%.

Des LBO géants !

Emblématique de cela les acquisitions géantes du patron d'Altice, Patrick Drahi, pour près de 50 milliards réalisés en moins d'un an et demi : SFR en 2014 pour 17 milliards, Portugal Telecom, pour 7,4 milliards, Suddendnlink le cablo-opérateur américain pour 6 milliards et enfin Cablevision pour 17,7 milliards. Derrière cette boulimie, une montagne de dettes, portées par les sociétés cibles. Des dettes à taux fixes, au remboursement différé et régulièrement refinancées pour engranger la baisse des taux. Derrière cela, aussi des restructurations musclées et des consolidations.

Le mouvement est général. Il bénéficie  de la faiblesse du coût de la dette avec des taux d'intérêts à leur plancher. Ils bénéficient de l'abondance des trésoreries accumulées par les grands groupes. Il bénéficie aussi de l'instabilité des cours et des revirements de conjoncture régionale qui permettent de réaliser des deals à prix intéressants. 
Ce mouvement s'inscrit surtout dans une logique plus profonde de recentrage des groupes sur les pays développés après la déconvenue sur les marchés émergents. Or en absence de vrai moteur pérenne de demande les grands groupes trouvent leur véritable planche de salut en exploitant les fantastiques opportunités de levier que leur procure le niveau historiquement bas des taux d'intérêt.

Des fuacs qui ne bénéficient ni à l'investissement, ni à l'emploi

Les fusions-acquisitions sont menées avec l'objectif de prendre le contrôle des actifs les plus stratégiques : brevets, licences, marques, avec l'objectif aussi de rationnaliser derrière l'outil de production. Pour reprendre la formule de Drahi : Je veux exporter les rendements américains en Europe et exporter la gestion des dépenses européennes en Amérique.

Les grands groupes mènent de surcroît une guerre de position pour se placer en pivot d'écosystèmes dont elles pilotent la technologie, les normes et le marché... à l'image des GAFA. Ils agissent dans un but de domination, de rationalisation, au détriment de la croissance organique. Ils deviennent de la sorte d'énormes machines à sélectionner le capital à travers le monde et à élaguer les surcoûts et les surcapacités.

Le repli du capital sur les économies avancées ne replace donc pas l'investissement au cœur de notre croissance. Loin de là. Et l'on voit difficilement comment relancer la machine de l'accumulation sans véritable volontarisme collectif. Sans une vraie réflexion pour rebâtir un pacte social ayant la puissance du compromis fordiste pour soutenir les débouchés. C'est peut-être là que le recentrage des intérêts des groupes sur les pays développés peut jouer un rôle positif.

En investissant les marchés émergents, ils misaient sur une demande hors frontière, répliquant le miracle l'après-guerre, basé sur l'automobile, le primo-équipement des ménages, les travaux publics etc.. Les débouchés sur leur marché d'origine n'était plus leur affaire.... Avec la crise des émergents, elle le redevient.

>> Plus de vidéos sur le site Xerfi Canal, le médiateur du monde économique

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