La loi Macron vidée de son article le plus essentiel

L'article de la loi Macron entamant la réforme du marché du travail (plafonnement des indemnités de licenciement) a été invalidé par le Conseil constitutionnel. C'était le texte le plus important, s'agissant du soutien de la croissance. Par Radu Vranceanu, Professeur à l'ESSEC

Dans l'indifférence générale, caractéristique des vacances d'été, François Hollande vient de promulguer  la loi « pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques », plus connue du grand public sous le raccourci de Loi Macron, du nom du porteur du projet. Deux jours auparavant, la presse nous informait que « 18 articles on été censurés par le Conseil Constitutionnel, mais que l'essentiel de la loi était validé ».  Emmanuel Macron semblait satisfait de l'issue du processus législatif, en soulignant que 98% des 300 articles de la loi ont été approuvés.

La clause la plus importante invalidée

Pourtant le Conseil Constitutionnel a invalidé la clause la plus importante de la Loi, la seule qui aurait permis de combattre de manière efficace le chômage de masse qui empoisonne notre économie. Dans son article 266, la loi Macron prévoyait un barème maximal pour les indemnités de licenciement dans le cas du licenciement sans cause réelle et sérieuse, qui venait s'ajouter au barème minimal en place depuis des nombreux années. Il ajoutait une procédure de négociation de cette indemnité de départ. Cette mesure, reflet courageux des reformes adoptées en Italie par le gouvernement Renzi, aurait supprimé une faiblesse connue de la justice prudhommale, où souvent les juges sont emmenés à décider de l'indemnité maximale sans repères et sans une bonne visibilité du vrai contexte économique. Des couts de licenciement économique incertains (de facto, sans limite supérieure) créent un frein colossal à l'embauche, notamment des jeunes et des moins qualifiés.

Une décision qui interpelle

L'article 266 prévoyait l'encadrement de l'indemnité minimale et maximale selon deux critères : l'ancienneté de l'employé et la taille de l'entreprise. Le Conseil Constitutionnel a suivi la requête des députés Républicains et censuré l'article en question, en acceptant le premier principe tout en refusant le second, en invoquant que « l'indemnité doit avoir un lien avec le préjudice subi par le salarié ». Comme les deux conditions sont étaient solidaires, l'article a disparu du texte de la Loi du 6 Aout.
La décision du Conseil Constitutionnel nous interpelle pour plus d'une raison. Tout d'abord, le principe invoqué de « lien avec le préjudice » nous semble vague. Soyons sérieux, dans la mesure où le préjudice doit évaluer les revenus futurs manqués, il est quasiment impossible de le calculer. D'ailleurs le lien entre préjudice et ancienneté n'est pas du tout évident. Pour illustrer cette difficulté, ce type de préjudice peut être très faible pour un informaticien de haut niveau, même avec une grande ancienneté, et très élevé pour un opérateur de production en aciérie, même avec une faible ancienneté. Faut-il prévoir pour la nouvelle proposition de loi une machine à gaz comme on les aime pour évaluer ce préjudice ? Bien sûr que non. La seule chose qui compte en matière d'indemnisation est le bon sens. Le fait que l'indemnité de licenciement soit liée à l'ancienneté relève du simple bon sens ; il s'agit par conséquent d'un bon critère.

Une sanction pour l'entreprise

Mais l'indemnité de chômage n'a pas seulement le rôle d'indemniser le travailleur licencié ! Elle constitue également une sanction pour l'entreprise qui ne joue pas le jeu collectif de l'emploi, sanction à même de décourager les entreprises à recourir à ce type d'actions dans le futur. Par cette reforme le gouvernement souhaitait rendre ces coûts transparents et prévisibles, même si ils demeuraient élevés dans l'absolu. Le bon sens nous dit alors que l'indemnité - sanction doit être en ligne avec la capacité de l'entreprise de la payer sans mettre en danger sa pérennité.

L'occasion manquée d'améliorer le fonctionnement du marché du travail

Partout dans le monde, les exigences financières imposées aux PME sont moindres que celles imposées aux grandes entreprises, et c'est bien le cas en France. La proposition du gouvernement qui consistait à moduler la sanction selon la taille des entreprises (plus élevée pour les firmes de 20 employés ou plus) tenait également du bon sens. Si le bon sens n'a pas de valeur juridique, pourquoi alors le Conseil Constitutionnel ne déclare pas anticonstitutionnels les seuils de représentation du personnel ? Peut-on appliquer le même principe de manière discriminatoire selon la loi ?
Bref, le Conseil Constitutionnel vient de bloquer un article fondamental, qui aurait permis d'améliorer le fonctionnement défectueux du marché du travail, en s'appuyant sur des arguments juridiques peut-être solides mais économiquement discutables, tout en faisant sans le vouloir le jeu d'intérêts politiques critiquables.

Quand la droite s'oppose à la flexibilité du marché du travail

En effet, à qui fait plaisir le décès de l'article 266 ? A l'extrême de la gauche, sans doute, en rapport avec son idéologie anticapitaliste. Aux syndicats aussi, car une telle modification aurait réduit un peu plus leur fonds de commerce. Mais il ne faut pas oublier que l'attaque principale contre cette mesure, pourtant plébiscité par Pierre Gattaz et le MEDEF, a été portée par un groupe de députés de l'opposition ! C'est perturbant de voir qu'une partie de la droite a agit pour bloquer une mesure essentielle pour augmenter la flexibilité du marché du travail.
Il faut espérer que, à l'opposé du Ministre du Travail, François Rebsamen, qui vient d'annoncer l'intention de quitter sa fonction, Manuel Valls et Emmanuel Macron ne seront pas découragés par cet échec et n'abandonneront pas leur projet. Ils ont vu juste, ils sont sur la bonne voie, et ils méritent tous les encouragements.

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Commentaires 26
à écrit le 19/08/2015 à 23:34
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Cet intervenant à l'ESSEC, qui n'a jamais travaillé dans une entreprise et n'a une vision de l'économie que partisane et au travers de ses bouquins, nous a depuis maintenant quelques temps habitué à ses sorties ultra-libérales. L'une des rares manièr...

à écrit le 19/08/2015 à 4:27
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Pour tous ceux qui pense qu'un licenciement n'a pas à être justifié, et les indemnités fixées à l'avance et plafonnées, laissez moi vous racontez cette histoire vraie et encore en cours, dans une grosse société de services informatiques de la place d...

à écrit le 18/08/2015 à 11:24
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Cet article réagit sur un point certes important mais en fait la relance et la paix socio economique depend de la reduction drastique du coût du non travail qui doit impérativement être divisé par 3. ( maladie,congés payés, duree et couverture chômag...

à écrit le 18/08/2015 à 6:15
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Désolé de l'annoncer de manière aussi abrupte mais cet article est truffé d'approximations et de confusions qui finissent par présenter un exposé totalement déconnecté de la réalité. Je tiens à rappeler en premier lieu qu'un conseil des prud'hommes ...

à écrit le 13/08/2015 à 8:58
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Agés de 76 et 85 ans nous employons une aide a domicile : nous sommes employeurs comme chaque salarié peut le devenir pour garder ses enfants, pour rester le plus longtemps possible à domicile. Notre salariée travaillait 4 heures par semaine, elle no...

à écrit le 12/08/2015 à 19:52
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En faite dans ce pays on a l'impression que tout est fait pour mettre des batons dans les roues de ceux qui se bougent, et prennent des risques. Code du travail, fiscalité, justice ,complexite bureaucratique..c'est une entreprise methodique de sabota...

à écrit le 12/08/2015 à 19:49
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Stupidité du Gouvernement qui savait qu' introduire une inégalité entre petites, moyennes et grandes entreprises serait "sanctionné" par le Conseil d'Etat. Reste à proposer un nouvel article respectant l'égalité, ce qui sera, sans nul doute, fait.

à écrit le 12/08/2015 à 19:09
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L'indemnité de licenciement est une hérésie. Au nom de quoi un salarié devrait toucher une indemnité ? il a été payé pour travailler souvent grassement pour pas faire grand chose. En plus, il touche déjà le chomage. Encore un empilement de droit sans...

le 17/08/2015 à 15:48
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Si le patron bosse si bien, il n'a qu'à le faire seul... Peut-être que s'il avait de la considération de la part de sa hiérarchie... Les gens ne sont pas des numéro et les entreprises non plus.

le 18/08/2015 à 1:37
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Bah voyons ce serait une hérésie de donner des indemnités de licenciement à des salariés qu'ils ne mériteraient pas mais curieusement les mêmes qui crient au scandale à ce sujet ne trouvent rien à redire d'un nombre important de dirigeants d'entrepri...

à écrit le 12/08/2015 à 17:19
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Je vous donne mon exemple : J'ai fermé mon entreprise (dans le bâtiment) au début de l'année, car j'avais une toute petite entreprise depuis 5 ans et j'avais un salarié qui avait 3 ans d'ancienneté. Il a été en maladie un an. Je perds des clients im...

le 12/08/2015 à 19:12
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@Laurent Courage, avec un peu de ténacité, vous allez rebondir...

le 12/08/2015 à 20:01
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je suis effondre decidement vaut mieux etre fonctionnaire dans ce pays : zero risque emploi a vie courage!

à écrit le 12/08/2015 à 16:29
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@Bravo tout à fait d'accord!

à écrit le 12/08/2015 à 15:58
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Bravo au conseil constitutionnel. Le fait de raboter les indemnités de licenciements n a qu un objectif, précariser un peu plus les salariés. la plupart des entreprises sont en sous effectifs non pas à cause des coûts de licenciement mais parce qu el...

le 12/08/2015 à 19:20
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Vous, le grand visionnaire, veuillez créer votre entreprise avec une vision à long terme avec des critères non financiers. Revenez nous voir ensuite.

le 12/08/2015 à 20:15
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Bravo Ne vous en déplaise une entreprise n'est pas un kolkhose ou un kiboutz son objet social n'est pas maintenir artificiellement des emplois a n'importe quel prix, mais de développer une activité économique de manière profitable .( les critères ...

le 16/08/2015 à 18:44
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@toto @ams Hé oui... merci de résumer le fait que le capitalisme est un système impitoyable : pression des actionnaires, et quand ce n'est pas des actionnaires, pression de la course aux contrats avec des clients eux-mêmes sous pression. Je le vois ...

à écrit le 12/08/2015 à 14:59
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"Tout d'abord, le principe invoqué de « lien avec le préjudice » nous semble vague." "la clause la plus importante de la Loi" Aussi calé que vous puissiez être en économie, l'absence de bagage juridique ne peut justifier l'existence d'un tel arti...

le 12/08/2015 à 18:26
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Tout à fait d'accord. Le Conseil Constitutionnel ne fait qu'appliquer le droit que ce monsieur semble ignorer. Le principe qui irrigue l'intégralité du droit des obligations est celui de la réparation intégrale du préjudice (ni plus ni moins). ...

à écrit le 12/08/2015 à 14:38
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Le coût du licenciement fait partie du coût de l'embauche car il induit un risque financier. Le meilleur moyen de ne pas payer d'indemnités de licenciement est de ne pas embaucher. La France ne comprend RIEN. L'avenir est bien sombre.... On ne voit p...

le 12/08/2015 à 15:03
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rien de plus à dire. Il est impossible d'embaucher des cadres en France....

à écrit le 12/08/2015 à 13:34
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Prof à l'essec et ça parle de "clause de la loi" !!! Ça fait un zéro pointé si tu rends une copie à un examen avec une pareille bêtise... Enfin sur le fond, qu'un licenciement sans cause réelle et sérieuse soit coûteux me paraît logique et normal. Ph...

le 12/08/2015 à 15:02
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qu'il faille justifier un licenciement me semble une hérésie.... Si un employeur licencie, il y a toujours une cause. Il ne le fait jamais de gaité de coeur ! La personne qui embauche quelqu'un n'est pas un fou malade qui se nourrit du malheur de...

à écrit le 12/08/2015 à 12:51
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C'est étrange je pense exactement l'inverse, on a pas tous la même "évidence". je replace la phrase de l'article:"La seule chose qui compte en matière d'indemnisation est le bon sens. Le fait que l'indemnité de licenciement soit liée à l'ancienneté ...

à écrit le 12/08/2015 à 12:50
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Nombreuses décisions de ce conseil sont des postures partisanes. En mai 2012, c'était la seule opposition possible pour la droite puisqu'elle était minoritaire partout, sauf au CC. Le mode de nominations de ces membres n'a rien de démocratique et c...

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