La longue marche de François Hollande vers les entreprises

Le gouvernement affirme désormais vouloir défendre les entreprises. L'aboutissement d'un lent processus. Par Bernard Cohen-Hadad, Président du think tank Etienne Marcel

Selon une récente étude d'EY, en Europe, les patrons de PME et les dirigeants d'ETI sont prêts à investir et embaucher. Et 52 % des entrepreneurs français ont confiance en l'avenir et prévoient même le développement de leur activité dans les six prochains mois. Mais cette étude révèle aussi que les entrepreneurs n'ont pas retrouvé une pleine confiance en leur exécutif. Alors, trois ans après l'élection de François Hollande à la présidence de la République et à moins d'un mois du congrès du Parti Socialiste à Poitiers, on peut se demander si François Hollande a réussi à séduire les entrepreneurs.

"Mon adversaire... la finance"

En janvier 2012 au Bourget, le discours du candidat Hollande au Bourget avait marqué les esprits « mon principal adversaire... c'est le monde de la finance». Un discours, qui face au bling bling, ouvrait la voie vers plus de justice sociale dans le cadre d'un nouveau choix de société. La réforme des activités bancaires a fort heureusement été tempérée et notre système financier a bien digéré la crise. Il joue le jeu de l'accompagnement avec des taux d'intérêts extrêmement bas et une montée progressive des crédits à disposition des entreprises. Le début de mandat montre un François Hollande respectueux de la diversité de son gouvernement, laissant s'exprimer toutes les sensibilités. Mais le lyrisme fait souvent place à la cacophonie, à la querelle des égos et aux annonces sans lendemain.

Beaucoup de mesures importantes votées passent pour des victoires à la Pyrrhus face aux réclamations des guérillas entrepreneuriales qui expriment leur perception de l'instabilité et du « ras le bol fiscal ». Une immense majorité de patrons de PME restent dans l'autocensure économique alors que la « priorité PME » marque le pas. Le changement de gouvernement, en 2014, est un tournant dans l'affirmation publique de la politique engagée et non pas dans son contenu. L'arrivée à Matignon de Manuel Valls confirme la politique progressive, initiale, en limitant les couacs. C'est la déclaration d'amour vis-à-vis des entrepreneurs et la sortie du gouvernement de ceux qui ne restent pas dans les clous.

François Hollande convaincu depuis longtemps de l'importance du monde de l'entreprise

Depuis longtemps, même s'il ne s'affiche pas avec les patrons, François Hollande est convaincu de l'importance de l'économique, du monde de l'entreprise, du rôle et de l'action des dirigeants des entreprises publiques ou privées et de la place des marchés financiers. Il sait aussi que les PME ont un rôle à jouer dans les territoires. A dessein, il s'entoure très vite de personnalités telles que Jean-Pierre Jouyet, Emmanuel Macron, André Martinez... Et si la lenteur de la reprise mondiale modifie le timing de la feuille de route, l'expression politique reste celle d'un social libéralisme à la française qui implique les forces vives même si elles ont des intérêts contraires. Le but étant de tisser, dans un contexte économique atone, un lien entre le lyrisme de la gauche d'opposition, le réalisme de la gauche de gouvernement et les attentes des forces vives de la nation afin d'équilibrer justement développement économique et progrès social.

Le vrai marqueur, le rapport Gallois


Les faits sont là. Les réformes sont un vrai catalogue. Le premier marqueur de cette ligne politique et économique est le rapport Gallois pour améliorer la compétitivité de l'industrie et l'annonce d'un « choc de compétitivité ». Une politique en faveur des entreprises et une politique en faveur de l'offre avec 20 milliards à la clef. Mais face aux conservatismes, certaines mesures restent dans les cartons. Puis viennent les Assises de l'Entrepreneuriat, les Assises de la Fiscalité et l'annonce d'un « pacte de responsabilité » avec la création du Crédit d'Impôt pour Compétitivité et l'Emploi (CICE) qui donne aux entreprises 10 milliards d'euros de marges en 2014 (16 milliards en 2015). Les entreprises auraient préféré du cash. Où le trouver ? C'est aussi l'annonce d'un « choc de simplification, » dont les mesures sont en gestation dès la fin de 2012, d'un pacte « de responsabilité et de solidarité » qui vise à baisser les charges, le « Zéro cotisation », sur les bas salaires. C'est encore l'annonce des réformes en matière de simplifications administratives, la numérisation des échanges et l'encouragement de l'alternance. C'est également la mise en place d'une Banque Publique d'Investissement, et la création d'une Médiation des marchés publics, puis récemment une libéralisation, en douceur, de la vie économique avec la loi Macron.

Une polémique stérile sur les contreparties

Depuis le début du quinquennat la longue marche vers les entreprises est engagée. Et chaque année annonce son lot de réformes et de décrets d'application. Un vrai chantier dont les spécialistes oublient même parfois les étapes. Mais toujours des mesures qui irritent, qui bousculent l'immobilisme et dont les annonces médiatiques alimentent tous les fantasmes. Si bien qu'une partie de la gauche est gênée aux entournures, elle fronde, donne de la voix pour se persuader qu'elle n'a pas fait cela et se croit obliger de réclamer des contreparties. Le monde des dogmes auquel elle se réfère n'existe plus depuis longtemps. C'est pourquoi la polémique sur les contreparties est stérile. Elle n'apporte rien de concret. On ne force pas les entrepreneurs, attachés à leur liberté d'entreprendre, en les diabolisant, à investir ou à embaucher contre leur gré. Il est vrai qu'une partie du patronat n'a pas la parole heureuse en s'engageant à créer « un million » d'emplois. Sans création durable de richesses, sans dynamisation des PME, sans amélioration des taux de marges, sans un vrai effort sur les délais de paiements, il ne peut y avoir ni de reprise d'activité ni création d'emplois.
C'est pour ces raisons qu'actuellement, malgré les réformes, les PME qui sont face aux réalités quotidiennes ont du mal à percevoir le changement. Leur préoccupation est de remplir le carnet de commandes. Reste à les convaincre des bienfaits des réformes à terme. Et cela, même si une immense majorité d'entre-elles n'ont jamais eu le cœur à gauche et ne considèrent pas François Hollande comme leur champion. A François Hollande de choisir son destin. C'est-à-dire de continuer de rénover notre vie économique, même par petites touches, au risque de déplaire à une partie de la gauche sans séduire la droite qui ne cherche pas à être convaincue. Etonnamment, les premières ventes de Rafales ou l'annonce par le Groupe Total qu'il paiera son impôt société (IS) en France sur ses résultats 2015 ont un goût de naturel. Les mentalités commencent-elles leur mutation ?
Bernard COHEN-HADAD
Président du think tank Etienne Marcel

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Commentaires 2
à écrit le 07/05/2015 à 7:05
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Les socialistes savent que pour financer leur système assistanat-fonctionnariat, il faut des entreprises à taxer. Ils ont donc intérêt à ne pas les faire disparaitre. Ils viennent de faire cette découverte.

le 07/05/2015 à 16:13
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et puis avec le scandale du rsi qui couve (parce que ce n'est pas fini) ils ont grave les chocottes!!! Au fait le sénat vient de leur renvoyer les 3 jours de carence des fonctionnaires dans la figure !!! comme symbole c'est plutôt pas mal!!!

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