La multiplication des canicules ne nous promet rien de bon pour l'avenir

Les températures moyennes mondiales poursuivent leur hausse et 2016 est en bonne position pour briser le record de 2015 comme année la plus chaude jamais observée. Par David Salas y Mélia, Météo France.

La vague de chaleur tardive qui vient de traverser la France s'inscrit dans le contexte d'une année 2016 relativement chaude jusqu'à présent, indiquent les observations de Météo-France. Et l'on note, d'autre part, que la température moyenne du globe est nettement repartie à la hausse depuis 2014.

Le 21 juillet dernier, une température de 54 °C a été relevée à Mitribah au Koweït. Si les conditions d'observation sont validées par l'Organisation météorologique mondiale, il pourrait s'agir de la température la plus élevée jamais observée en Asie. Non loin de là, dans le sud-est de l'Irak, une température de 53,9 °C était mesurée, établissant un nouveau record national.

Ces températures exceptionnelles sont emblématiques de juillet 2016 qui, selon L'Agence américaine d'observation océanique et atmosphérique (NOAA), est le mois de juillet le plus chaud qu'ait connu la planète depuis le début des mesures en 1880, à 0,87 °C au-dessus de la moyenne du XXe siècle.

Comme le mois de juillet est en moyenne le mois de l'année où la température mondiale est la plus chaude, il s'agit même de la température mensuelle la plus élevée jamais observée tous mois confondus.

Multiplication des vagues de chaleur

La NOAA conclut encore que la température moyenne mondiale sur la période janvier-juillet n'a jamais été aussi élevée que cette année. À l'échelle des continents, c'est vrai également pour l'Asie, l'Océanie et l'Amérique du nord. Pour l'Afrique et l'Europe, la température moyenne sur janvier-juillet 2016 se situe respectivement en 2e et 3e position. Les records pour ces deux continents sont très récents puisqu'ils ont été établis au cours des années 2010.

Les événements chauds ont été nombreux depuis le début de l'année à travers le globe, parmi lesquels des températures anormalement élevées sur l'Arctique jusqu'au mois de mai, et des vagues de chaleur exceptionnelles sur la péninsule indochinoise en avril et en Turquie et Europe de l'est en juin.

En 2016, certaines régions ont cependant connu des vagues de froid, comme une grande partie de l'est de l'Asie au mois de janvier, avec même des records absolus pour 24 stations météorologiques chinoises.

Records de chaleur à répétition

Les quatre courbes ci-dessous représentent l'anomalie de la température planétaire sur la période 1880-2016 par rapport à la période de référence 1901-2000, selon quatre jeux de données.

Ces jeux peuvent différer de quelques centièmes de °C, selon les données prises en compte. Par exemple, les scientifiques Kevin Cowtan (université de York) et Robert Way (université d'Ottawa) intègrent l'Arctique dans leurs analyses, contrairement à la NOAA.


Anomalie de la température moyenne globale annuelle estimée selon 4 jeux de données : NOAAHadCRUT4Cowtan & Way et GISTEMP, par rapport à la moyenne du XXe siècle (1901-2000). Les valeurs sont fournies sur la période 1880-2015, et une estimation pour 2016 a été ajoutée au jeu de la NOAA.



Malgré une moins bonne couverture de la planète par les instruments de mesure en début de période, les différents jeux de données montrent un très bon accord. L'année 2015 a été la plus chaude depuis le début de la période commune d'observations (1880), battant nettement le record précédent établi... en 2014 ! Depuis 1998, le record de température est battu en moyenne tous les 4 à 5 ans.

Quelle température moyenne en 2016 ?

Tentons d'estimer, avec les observations dont nous disposons jusqu'à présent, quelle pourrait être la température moyenne mondiale pour l'année 2016.

Quel que soit le jeu de données utilisé, la température moyenne annuelle ne s'écarte jamais de plus de 0,11 °C de la température mesurée sur les 7 premiers mois de l'année.

Selon les données de la NOAA, la température moyenne pour la période janvier-juillet 2016 a été 1,03 °C plus élevée que pour le XXe siècle. On peut donc conclure que la température moyenne mondiale de 2016 devrait se situer entre 0,92 et 1,14 °C au-dessus de la moyenne du XXe siècle. En d'autres termes, il est probable que 2016 batte le record de 2015 (0,90 °C).

Pour autant, dès l'automne 2015, les climatologues s'attendaient à ce que 2016 soit l'une des années les plus chaudes jamais observées, voire la plus chaude. Le coupable ? Le phénomène El Niño.

>> VIDEO Décryptage vidéo du phénomène El Niño (Le Temps, 2015).

Ce dernier se produit de manière irrégulière, tous les 2 à 7 ans, et se traduit notamment par un réchauffement de l'océan Pacifique équatorial à partir d'avril/mai ; ses effets culminent vers la fin de l'année pour décroître lentement, puis disparaître vers le milieu de l'année suivante.

Le cycle de vie d'El Niño s'étale donc sur 2 années consécutives au cours desquelles la température du globe connaît un accès de fièvre. C'est la conjonction du réchauffement planétaire de long terme et d'El Niño qui explique le record de 2015 et celui, probable, de 2016.

Action de l'homme et variabilité climatique

Parmi les 15 années les plus chaudes sur la planète depuis le début des observations, 13 ont eu lieu depuis l'an 2000.

Une étude récente a montré qu'une telle multiplication d'années chaudes n'a qu'une chance sur 10 000 de se produire dans un climat « stable », c'est-à-dire sans changement climatique de long terme. Or, aucun facteur naturel n'a suffisamment évolué depuis le début des observations pour modifier significativement le climat sur le long terme.

Cette étude montre donc qu'il est extrêmement improbable que le climat de la planète ait changé sans action de l'homme. La modélisation climatique, qui repose sur les lois de la physique, permet une approche différente.


Le réchauffement climatique en 30 secondes grâce au GIF créé par le scientifique Ed Hawkins.

Ainsi, le Giec concluait dans son 5e rapport d'évaluation de 2013 que les modèles climatiques ne peuvent pas représenter le réchauffement récent sans prendre en compte l'augmentation des gaz à effet de serre présents dans l'atmosphère du fait des activités humaines.

En d'autres termes, l'essentiel de la tendance au réchauffement d'environ 1 °C observée depuis le début du XXe siècle s'explique par l'action de l'homme. Ce réchauffement s'accompagne d'une augmentation du nombre de jours chauds et d'une diminution du nombre de jours froids depuis 1950.

Et maintenant ?

La nécessité de limiter le réchauffement climatique est maintenant bien identifiée, et s'est traduite en particulier par l'Accord de Paris obtenu à l'issue de la COP21 en décembre 2015.

Cet accord incite notamment à « poursuivre les efforts pour limiter la hausse des températures à 1,5 °C au-dessus du niveau préindustriel, reconnaissant que cela réduirait largement les risques et les impacts du changement climatique. »

Dans la foulée de cet accord, le Giec a également été invité à préparer un « rapport spécialen 2018 sur les impacts d'un réchauffement de 1,5 °C et les évolutions d'émissions de gaz à effet de serre correspondantes ».

>> VIDEO Une carte interactive des émissions de CO₂ depuis le début de la révolution industrielle (Aurélien Saussay, 2015).

En assimilant les 20 premières années d'observation de la NOAA (1880-1899) à l'ère préindustrielle, l'année 2015 se situait déjà à près de 1,1 °C de réchauffement. Toujours en 2015, la concentration de dioxyde de carbone (CO2) dans l'atmosphère, qui était d'environ 285 ppm (partie par million en volume ; 1 ppm de gaz à effet de serre représentant 1 cm3dans 1 m3 d'air) en 1850, a passé le cap symbolique des 400 ppm. Cette hausse se poursuit actuellement.

Même dans le scénario où les émissions humaines de CO2 tombent à zéro dès 2060, il faut s'attendre à ce que la température du globe se réchauffe d'environ 1 °C supplémentaire d'ici à la fin du siècle, soit au total 2 °C de plus que le niveau préindustriel. De toute évidence, limiter le réchauffement à 1,5 °C, mais aussi nous adapter à des conditions potentiellement plus chaudes, représente un immense défi auquel nous ne pourrons nous soustraire.

The Conversation_______

Par David Salas y Mélia, Climatologue, chercheur au Centre national de recherches météorologiques, Météo France.

La version originale de cet article a été publiée sur The Conversation

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Commentaires 5
à écrit le 11/09/2016 à 9:19
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Non seulement la mesure que je propose serait favorable à tous les pays, mais si la France l'utilisait avant les autres, elle en tirerait un avantage certain. Pauvre France!

à écrit le 10/09/2016 à 14:05
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La solution consiste à augmenter le prix de l'énergie et de compenser cette augmentation du prix de l'énergie par une réduction du cout du travail. Cette mesure est favorable au développement de l'économie si on utilise cette augmentation du prix de ...

à écrit le 09/09/2016 à 23:09
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LE PROBLEME DE L EAU POTABLE VAS DEVENIR CRUCIAL ET VITAL DANS LES ANNEES A VENIR? CE QUI POSSEDERONT L EAU POTABLE SERONT LES NOUVEAUX RICHES?? DES SECHERESSES ET DES MONTES DE LA MER . DES OURAGUENT ET LA FONTE DES CLACIERS ONT DEJA ETE ANNONCE PAR...

à écrit le 09/09/2016 à 16:07
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Bon article merci. Dire que ces conséquences je les ai entendu pour la première fois il y a près de trente ans au collège... Mes profs étaient ils des génies ou bien le savions nous depuis des décennies et nos décideurs politiques et économiq...

le 10/09/2016 à 14:12
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Alors, vous seriez d'accord pour augmenter le prix de l'énergie?

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