La politique des pantins tétanisés

Qui influence les politiques des États... La globalisation ? Pas forcément ! Par Michel Santi, économiste.

La globalisation n'a pas contraint les États à mettre en œuvre des politiques publiques clivantes ayant eu pour effet d'exacerber les inégalités et de gripper l'ascenseur social. Le choix fut délibéré et assumé de la part de nos gouvernements successifs de déréguler massivement, laissant le marché comme seul arbitre des libertés individuelles, comme unique générateur des richesses et d'opportunités, trop souvent hélas aux sources de désastres sociaux et de régression des revenus. Incontestablement, la globalisation aura joué un rôle majeur ces trente dernières années dans la réduction de la pauvreté au sein des pays nécessiteux.

Elle a aussi, cependant, fait des perdants au sein de nos nations occidentales dont les gouvernements n'ont pas pris les mesures de correction et de lissage qui s'imposaient. La problématique sensible de la redistribution n'a pas été traitée par ces responsables politiques, éblouis par l'accélération des échanges commerciaux internationaux, par la libéralisation des flux de capitaux et par les fulgurants progrès technologiques qui -dès lors- se sont laissés abuser par le mythe de l'efficience des marchés. Là aussi, ce n'est pas tant la globalisation que des fautes graves de gouvernance qui ont conduit les gouvernements successifs à réduire le train de vie de l'État, à sabrer dans les dépenses sociales, voire à alléger la fiscalité des plus riches.

Tirer les marrons du feu de la mondialisation

En fait, décision au plus haut niveau des responsabilités politiques et économiques fut prise de libérer et de débrider les «esprits animaux», seuls capables de stimuler et libre entreprise et prise de risques, considérées comme ingrédients essentiels à l'enrichissement de la société. Là aussi, la globalisation n'est en rien responsable de l'émergence d'une super-caste aux premières loges pour tirer les marrons brûlants des feux de la mondialisation et de la dérégulation intensive : c'est les exécutifs successifs, persuadés que c'était la seule manière d'augmenter l'attractivité de leur pays aux investisseurs internationaux.

L'Europe et accessoirement les États-Unis ont très mal négocié ce tournant de la mondialisation qui ne s'est réalisée qu'aux dépens de pans entiers de leur population, contrairement aux pays scandinaves eux aussi parfaitement intégrés dans la globalisation, qui ont adopté une fiscalité redistributive digne de ce nom. L'Allemagne elle-même, qui semble aujourd'hui abriter les inégalités les plus exacerbées de l'Union, ne fut nullement sous la pression de la globalisation pour refuser de taxer comme il se doit les successions et la propriété immobilière. Ce fut en effet de sa part un choix délibéré que de favoriser les concentrations de richesses.

 La globalisation n'influence pas la fiscalité des États

De même, ce ne furent pas les «puissances occultes» de la globalisation qui imposèrent l'austérité à nombre de pays européens contraints de réduire drastiquement leurs dépenses afin de tenter de sortir de la dépression. C'est bêtement les critères européens qui leur mirent le couteau sous la gorge et qui ne leur laissèrent d'autre choix que de se livrer à une compétition acharnée pour séduire les capitaux internationaux. S'agissant de concurrence entre États -voire entre partenaires d'une même union monétaire-, ce n'est pas non plus la globalisation qui a forcé certains États à adopter des fiscalités largement favorables aux sociétés- aux confins de la concurrence déloyale- ayant eu pour résultat d'attirer des multinationales en quête de paradis fiscaux «honorables». Ce fut une entreprise consciente de la part de certaines nations au détriment de leurs consœurs, contraintes -elles- de compenser ce manque à gagner en alourdissant la fiscalité de sa propre classe moyenne.

En somme, ce n'est pas la globalisation qui, aujourd'hui, est responsable de la croissance anémique de notre Occident, comme ce n'est pas elle qui est à la source de l'érosion de notre niveau de vie. C'est nos politiques publiques -ou plutôt leurs déficiences criantes- qui sont à mettre au banc des accusés. Il est donc grossier de clamer que la mondialisation rend la politique impuissante, car cette même politique se retrouve aujourd'hui réduite à une mascarade, et nos politiciens à des pantins tétanisés.

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Commentaires 2
à écrit le 13/04/2017 à 22:14
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Cher monsieur ! Merci pour votre bel article survolant des réalités économiques, sociales et politiques du monde actuel. Cependant, il faut ajouter des traits psychologiques et de philosophie à la situation. Depuis la chute du mur de Berlin. on vogu...

à écrit le 10/04/2017 à 12:26
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Encore une analyse prise avec un maximum de recul et du coup au micron près et avec laquelle je suis entièrement d'accord, merci beaucoup. Vraiment rien à ajouter à votre démonstration remarquable, tout y est. Tout comme ce n'est pas l'europe qui...

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