La téléréalité assumée de François Hollande

François Hollande se lance dans la téléréalité, mais l'exercice est encore inabouti. Par Jean Christophe Gallien, Professeur associé à l'Université de Paris 1 la Sorbonne

Depuis plusieurs mois, depuis les célébrations du 6 juin 1944, au cœur de l'Elysée, une nouvelle équipe a choisis de dramatiser la narration de l'exercice du pouvoir par François Hollande. Une mise en scène est à l'œuvre qui s'appuie sur l'événementialisation presque systématique de la pratique présidentielle hollandienne. Qu'elle planifie les commémorations, grands rendez-vous internationaux, déplacements ... ou qu'elle intègre, opportuniste, les nombreux effets des crises nationales et internationales, il s'agit d'une matière proche de celle du spectacle qui veut nourrir les écrans de "l'infotainment" vers lequel notre temps de cerveau disponible au télévisuel migre de plus en plus.

La nouvelle saison de la série Hollande creuse ce sillon et s'ouvre par un documentaire qui pose désormais une volonté de personnalisation de la relation de François Hollande avec les français. Une séquence qui vise à nous faire entrer en affinité par la voie d'accès médiatique à une part de l'intimité de la fabrication pouvoir.
Il s'agit d'une narration du réel. Chacun reçoit le document sans surcharge, sans commentaire prosélyte ou à charge, castrateur de sa propre sensibilité, sans curation journalistique.

Sarko aurait dû se lancer bien plus tôt

Une forme qui permet au citoyen d'exercer une curiosité positive ou négative mais qui veut l'embarquer dans une dimension nouvelle au cœur de la gouvernance élyséenne dans un Monde si peu rassurant. Une forme narrative qui veut captiver, s'installer sans lasser, mais laisser une trace. Une narration du leader à l'œuvre dans ce monde qui bouge. On sait que ce fut proposé au Gaspard Gantzer de Nicolas Sarkozy, Franck Louvrier, mais la bête de scène qu'était Sarko ne fut jamais ainsi révélée de l'intérieur sauf sur sa fin par Farida Khelfa. Trop tard et mal shooté et réalisé, trop sur sa compagne, amie intime de la réalisatrice. Sarko aurait du se lancer bien plus tôt.

Trop lisse

François Hollande l'a fait lors de ses premiers mois, il l'ose à nouveau. Il a raison.
Mais on en voudrait plus. Beaucoup plus. Trop lisse, trop sur la surface le documentaire d'Yves Jeuland. Nous sommes sensés pénétrer dans l'écosystème du pouvoir dans les pas de François Hollande. On promet de l'individu et de l'intime, et l'on bifurque vers un récit choral, des portraits trop égalitaires entre Président et collaborateurs, entre un peu d'essentiel et beaucoup d'accessoire. Seulement quelques facettes du leader sont dévoilées. Trop peu.

On voudrait davantage d'ouverture, et sans filtre, des zones stratégiques du pouvoir, des lieux interdits aux regards et oreilles des citoyens, là où se créent et se décident le politique et le géopolitique. Moins de portes refermées devant nous, plus d'entretiens téléphoniques avec les chefs d'état, davantage de réunions stratégiques, ... notamment dans les moments de crise exceptionnels de ce début d'année.

Trop d'évidences

Du coup on a le sentiment qu'il ne se passe pas grand chose à l'Elysée ! Trop d'évidences, trop d'effets attendus, cosmétiques : Hollande attentif à ses collaborateurs, grand-frère bienveillant avec Serge Lazarevic, ému chez la Maman d'Ahmed Merabet ... On voudrait voir à l'œuvre le Chef militaire stratège et pas l'élève sérieux de son Chef de l'Etat-major particulier. On voudrait découvrir, en action, le patron de notre Diplomatie qu'il oriente et pas seulement un Président prenant des notes de la parole, même avisée, de son conseiller diplomatique ...

Loin du Giscard d'Estaing de Depardon

Sur la forme et sur le fond, nous sommes loin du Valéry Giscard d'Estaing de Depardon, loin du War Room clintonien de Pennebaker. C'est inabouti. Mais entre télé-réalité et brand content politique, le documentaire commandé par l'Élysée à Yves Jeuland veut aussi proposer une réponse aux exigences de transparence de l'exercice contemporain de gouvernement. Il vient nourrir la conversation citoyenne et médiatique du Président Hollande avec les Français. Malgré toutes ses faiblesses, « Un temps de Président » propose finalement l'accomplissement d'un quotidien d'un personnage simple, heureux, souriant, empathique, ... un Président cool. C'est un début. Est-ce suffisant ?

 Jean Christophe Gallien
Professeur associé à l'Université de Paris 1 la Sorbonne
Directeur associé de ZENON7 Public Affairs et Président de j c g a
Membre de la SEAP, Society of European Affairs Professionals

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Commentaires 3
à écrit le 30/09/2015 à 14:27
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Ce qui m'a le plus marqué c'est de voir le conseillé de FH dicter aux journaliste les "éléments de langage" à utiliser.

à écrit le 30/09/2015 à 13:15
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Est-ce suffisant La réponse aux régionales cher monsieur Les demagos communicant prennent les francais pour des veaux mais attention il y a des limites Hollande a tellement trahi et menti que les francais préféraient encore mme lepen au 2 eme tou...

à écrit le 30/09/2015 à 13:10
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J'ai regardé le documentaire sur Hollande.J'ai d'abord été séduit jusqu'au passage sur la manifestation Charlie de Janvier,ou le documentaire essaie encore de nous faire croire que les chefs d'état étaient a la tete de la manif alors que c'était le v...

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