La victoire de l'Eurexit

La Tribune publie chaque jour des extraits issus des analyses diffusées sur Xerfi Canal. Aujourd'hui, une victoire de l'Eurexit
Olivier Passet, directeur des synthèses économiques de Xerfi. / DR

L'accord trouvé dans la nuit du 12 au 13 juillet entre la Grèce et ses créanciers, rallie tous ceux qui pensaient que tout valait mieux qu'un Grexit ; il alarme tous ceux qui pensent que l'Europe est en train de virer en un espace d'hégémonie allemande, assujettissant toutes les politiques nationales au primat de la stabilité monétaire.

L'échec est patent pour Alexis Tsipras. Il le reconnait et renonce à tout ce qui fondait la légitimité électorale pour éviter du pire. Au podium des évènements emblématiques, le 13 juillet détrône le référendum du 5 juillet qui n'apparaît plus que comme une dernière bravade avant une reddition.

Seule nuance cependant : la Grèce concède plus en contrepartie de plus de garanties : 3 ans de lignes de crédit qui lui permettent d'assurer les échéances de sa dette. Et peut-être un hypothétique plan d'investissement de 35 milliards dans le cadre du Plan Juncker, dont on ne trouve pas la trace dans l'accord formel (par pure tactique peut-être, pour faciliter l'adoption du plan dans les parlements nationaux... du moins faut-il l'espérer.

Quel peuvent-être les conséquences macro-économiques de cet accord ?

Pour la Grèce, les choses sont malheureusement écrites d'avance. Le plan exerce un prélèvement de 7% sur son PIB sur 3 ans, et de 3,5% dès 2005. Ce prélèvement est non seulement brutal mais mal réparti, dans une économie où près du tiers de la population est déjà en situation en situation d'insolvabilité fiscale.

Autrement dit, le PIB, qui a déjà dégringolé de 25% devrait à nouveau chuter de 10%. Et selon le FMI, avec le nouveau plan, la dette pourrait franchir les 200% du PIB dès 2017. Je vous avais déjà dit que le plan des créanciers ne faisait pas sens économiquement. Et les premières évaluations du FMI ou de la LSE le confirment.

Seul espoir face à ce qui s'annonce comme un nouveau fiasco macro-économique et financier, l'hypothétique plan d'investissement que j'ai évoqué plus haut... S'il est du montant annoncé, les choses peuvent éventuellement être récupérées.

Quelles sont les conséquences pour les autres pays européens ?

Ce mauvais accord pourrait paradoxalement avoir des effets positifs sur leur croissance à court terme. Le psychodrame européen, même mal résolu, diffère d'une part les risques de remontée significative des spreads à l'intérieur de l'Europe.

D'autre part, cette crise de crédibilité favorise le maintien de l'euro à un niveau faible. Le contexte de déstabilisation des bourses asiatiques, en provoquant de surcroît ce que l'on appelle un repli sur la qualité des investisseurs (flight to quality), a de surcroît différé les risques de tension sur les taux longs. Au final, les conséquences immédiates sont en complet décalage avec la gravité des dysfonctionnements que cette crise révèle au plan européen. L'alignement prolongé des astres, pourrait conforter la reprise européenne.

Les choses sont cependant différentes à plus long terme

D'abord, parce que, contrairement aux dires de Junker, le Grexit n'a pas disparu. En évacuant totalement l'enjeu de la croissance, de la restructuration de la dette, et de la soutenabilité sociale de la rigueur, l'accord du 13 juillet peut à tout moment dérailler. Et la Grèce sortir des critères qui lui permettent d'accéder au financement du mécanisme européen de stabilité. Le Grexit peut resurgir, et avec lui les risques d'une remontée des spreads dans les pays du sud, qui peut à tout moment enrayer la reprise.

Ensuite parce que la proposition de Wolfgang Schäuble, d'ouvrir une possibilité de sortie temporaire de l'euro, pourrait faire son chemin. Elle pourrait être le prélude à une formalisation des exits futurs de la zone euro, et inaugurer un euro révocable.

Cette option, pourrait influencer sérieusement, non seulement le statut de l'euro en tant que monnaie, mais aussi le projet européen dans son ensemble. L'euro perdrait le capital de confiance qui fonde la croyance en une monnaie. Il ne serait plus qu'un levier disciplinaire, permettant d'accéder à un club sélectif. Cette Europe à plusieurs vitesses, sanctionnerait un nouveau recul du fédéralisme européen et une forme de putsch de l'ordolibéralisme.

>> Plus de vidéos sur le site Xerfi Canal, le médiateur du monde économique

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Commentaires 2
à écrit le 31/07/2015 à 12:05
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La privatisation de la monnaie a fait de celle ci un "but" a atteindre, alors qu'auparavant la monnaie n'était qu'un "moyen" d'échange!

à écrit le 26/07/2015 à 15:16
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Tiens ! Mr GODIN est parti en vacances et a transmis le relais à son clone ?

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