Le football, une mission de service public en péril

Les clubs amateurs sont totalement délaissés par la fédération française de football, qui vit grand train. Par Eric Thomas, Président de l'Association française de football amateur (AFFA)

Loin des polémiques stériles et récurrentes du monde professionnel, on les entend rarement et pourtant ils sont des milliers à assurer bénévolement et quotidiennement une mission de service public essentielle, au service des deux millions de licenciés du football amateur.
Sur tous les territoires, urbains ou ruraux, nos clubs de sport jouent pleinement leur rôle social, éducatif et citoyen, tout en véhiculant les valeurs de tolérance, de fraternité et de respect. Le football par son caractère universel et populaire remplit cette mission grâce aux 800 000 bénévoles qui participent à la vie des 15 338 clubs. Pour combien de temps encore ?

Des dirigeants découragés

En effet, nos clubs n'y arrivent plus en raison du découragement des dirigeants, de la baisse des aides des collectivités locales et surtout du poids administratif et financier excessif, infligé par les instances fédérales et supporté par les bénévoles des clubs amateurs. Toutes celles et tous ceux qui donnent du temps aux autres, conduisent les minibus, lavent les maillots, arbitrent, entraînent ou accompagnent nos jeunes footballeurs, font face, avec courage et ténacité, à des responsabilités de plus en plus écrasantes et préparent l'avenir de leurs clubs dans des conditions désespérantes. Comment la Fédération Française de Football (FFF) peut-elle négliger à ce point les clubs et leurs bénévoles ? Nos instances ne sont plus au service des clubs, ce sont les clubs qui sont au service des instances !

Un statut du dirigeant bénévole? L'argent ne manque pas...

Alors que notre sport est le seul service public, assuré par des bénévoles, ouvert souvent 7 jours sur 7, ne faudrait-il pas dès à présent se pencher sur la création d'un statut particulier du dirigeant bénévole ?

Pourtant, ce n'est pas l'argent qui manque dans le football. Financièrement, la FFF se porte très bien et nos instances se portent bien ; c'est la base de la pyramide qui manque cruellement de moyens, à tel point que ces dernières années, plus de 3 000 clubs ont déposé la clé sous la porte dans l'indifférence générale ! Pour nous, c'est le principe de la triple peine qui s'applique : surcharge administrative des bénévoles + augmentation des coûts + baisse des ressources = asphyxie des clubs.

Alors que la FFF dit reverser 50 millions par an en direction du football amateur, ce ne sont que 10 millions qui sont réellement destinés aux clubs amateurs, grâce aux financements du Fonds d'aide au football amateur (FAFA), par exemple pour l'achat de minibus, ou la construction de terrains synthétiques à 11, outils indispensables au développement du football amateur. Insuffisant !

La FFF vit grand train, quand ses clubs s'appauvrissent

Bénéficiant d'une enveloppe financière de 37 millions d'euros (dont 20 millions de l'UEFA) sur deux saisons, un appel à projets appelé ''Horizon Bleu'' a pourtant été lancé en grandes pompes par la FFF dans la perspective de l'EURO 2016, il y a six mois à destination du monde amateur. A mi-parcours, c'est un échec !  Manifestement, les projets ne sont pas adaptés aux besoins des clubs.

Confrontés aux difficultés économiques et sociales actuelles, l'EURO 2016 ne constitue pas la priorité du moment pour les dirigeants des clubs, trop occupés à répondre aux défis du quotidien.

Pendant ce temps, nos instances, elles, continuent de vivre grand train :
- 15 millions pour la construction d'un Centre de conférence à Clairefontaine qui servira au mieux cinq fois par an après l'Euro,
- Près de deux millions pour acheter des cars podium à destination des 22 Ligues (soit 80 000 euros le véhicule),
- Voyage et hébergement au Brésil offert à 3 000 invités pendant la Coupe du Monde,
- Construction et/ou rénovation des sièges de nos « très chers » Districts...

Plus préoccupée par le business que par le sport, obsédée par le marketing, négligeant son rôle éducatif et citoyen, la FFF est un ogre qui dévore ses enfants : 30 % des licenciés arrêtent le football chaque année !

24% des ressources des clubs remontent vers les instances

La pression excessive que subissent les clubs amateurs s'exerce surtout sur les budgets, puisque ce sont 24 % en moyenne de nos ressources qui partent chaque année aux instances (FFF, Ligues et Districts) dans les cotisations licences, les inscriptions aux compétitions, les amendes administratives, ou encore les frais d'arbitrage. Insupportable !

Par ailleurs, les dirigeants bénévoles des clubs amateurs sont-ils des délinquants en puissance pour subir autant de contrôles :
- Par la Commission régionale de contrôle des clubs, sorte de DNCG pour les clubs amateurs régionaux chaque saison.
- Par la ville, dans le cadre d'un nouveau contrôle de gestion.
- Par l'URSSAF tous les deux ans en moyenne, alors que la Cour des comptes n'a plus mis les pieds à la FFF depuis 14 ans !

 Une absence totale de démocratie

Pourquoi ne pas associer le monde amateur à une nouvelle réflexion et à une vraie concertation pour redéfinir les contours de l'opération ''Horizon Bleu'' ? Pour construire un projet, le meilleur moyen n'est-il pas d'associer celles et ceux qui en seront les futurs bénéficiaires ?

Car c'est bien là que réside le véritable scandale ; dans l'absence totale de démocratie et de transparence de la FFF !
Où va l'argent du football ? A quoi servent la Haute autorité et la Ligue de football amateur ? A quoi rime le boycott de Canal + par des clubs professionnels qui tirent une grande partie de leurs ressources des droits télé ? Comment admettre le non-respect du protocole par le président de la LFP qui a, une fois de plus manqué aux devoirs de sa fonction, lors de la finale de la Coupe de la ligue? Enfin, y-a-t-il un pilote à la FFF, porteur d'un projet d'avenir et véritable garant de l'intérêt général ?

Une élection opaque

Le 20 novembre 2014, le tribunal de Grande Instance de Saint-Denis a décidé d'invalider l'élection d'Yves Ethève à la présidence de la Ligue réunionnaise de football qui avait eu lieu en novembre 2012 ; aux motifs de "non confidentialité du vote" et de "non-conformité du comité directeur". C'est l'ensemble du système de la FFF qui est ainsi sanctionné, mais depuis, pas de nouvelles élections...
Comment tolérer enfin, que l'élection du président de la plus grande fédération sportive de France dépende du seul vote de trois présidents de clubs de Ligue 1, comme ce fut le cas en 2011 et puisse se dérouler dans des conditions matérielles d'opacité et d'absence totale de transparence des votes ? Au contraire, l'élection du président de la FFF devrait se faire autour d'un projet d'avenir, avec une base électorale élargie, comme le suggère le Comité National Olympique et Sportif Français (CNOSF) et concerner les présidents de tous les clubs de football, amateurs comme professionnels, qui disposent tous d'un numéro d'affiliation. Avec Internet et les outils numériques, le vote pourrait s'organiser sur un week-end. C'est assurément l'ensemble du football français qui y gagnerait.

Aucune voix pour les présidents de clubs amateurs

Depuis la réforme de 2011, l'élection du président de la FFF repose sur le vote, au suffrage direct des clubs professionnels. Or, depuis cette réforme, les 40 présidents et les 1000 joueurs des clubs professionnels représentent à eux seuls 37 % du poids électoral de la FFF, alors que les 15 338 présidents des clubs amateurs qui représentent 2 millions de licenciés ne disposent eux d'aucune voix.
Dans un système démocratique égalitaire, le droit élémentaire réside dans la libre expression d'un choix. C'est ce droit élémentaire qui est refusé au foot amateur : nous pouvons nous présenter comme candidats à l'élection de la FFF, mais nous ne pouvons pas voter.

Alors que les scandales se succèdent à un rythme effréné (Knysna, Luzenac, suspicion de matchs arrangés, salaires démesurés, arbitres insultés, grandes compétitions achetées...) nos dirigeants préfèrent se pâmer devant le miroir d'un EURO 2016 ou d'une future candidature aux Jeux Olympiques aux coûts exorbitants. Les bénévoles des clubs sportifs ont d'autres préoccupations, celles d'un quotidien qu'ils n'arrivent plus à assumer et où ils ne sentent plus représentées dans leurs instances dirigeantes.


Montlouis-sur-Loire, le 22 avril 2015

Eric THOMAS
Président de l'Association française de football amateur (AFFA)

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Commentaires 3
à écrit le 29/04/2015 à 14:06
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tout est tres bien dit par ce monsieur thomas. le football amateur est la partie predominante du football francais, on l oublie trop souvent. . ses moyens sont derisoires, s il '' fonctionne'' a peu pres c est grace essenti...

à écrit le 29/04/2015 à 13:38
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j' m'enfoot éperdument ! Il y a des priorités plus importantes telles que les retraites ... un système qui va avoir des gros soucis !

à écrit le 29/04/2015 à 9:25
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C'est assez simple. Il vous suffit de sortir en bloc de la FFF et de créer une nouvelle instance fédérale. Elle concurrencera la FFF. Appuyez vous sur les réseaux sociaux, diffusez les matchs, les classements de manière cohérente et en relation direc...

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