Le gaspillage alimentaire est l'affaire de tous !

La mise en place d'un contrat de partenariat entre fournisseurs et distributeurs, proposant par exemple une collaboration étroite sur la prévision des ventes et le pilotage commun des stocks conduirait à la diminution de toute forme de gaspillage, dont le gaspillage alimentaire. Par Michel Ramis, VP Sales et Marketing de FuturMaster

Chaque année, un Européen gaspille près de 170 kg de nourriture[1]. Dans le cadre de sa mission de lutte contre le gaspillage alimentaire, l'ADEME (Agence de l'Environnement et de la Maîtrise de l'Energie) a publié en mai dernier une étude portant sur « l'état des lieux des pertes et gaspillages et de leur gestion par étapes de la chaîne alimentaire[2] ». Le constat réalisé en France est alarmant : 10 millions de tonnes d'aliments sont jetées par an !

 Le phénomène n'est pas nouveau et, fort heureusement, des mesures ont été mises en œuvre par les pouvoirs publics. En 2013, Guillaume Garrot, alors Ministre délégué à l'agroalimentaire, présentait le pacte national contre le gaspillage alimentaire avec l'objectif ambitieux de diminuer par deux le gaspillage alimentaire dans notre pays d'ici à 2025. Ce même Ministre présentera deux ans plus tard un rapport visant à identifier les freins qui persistent tout au long de la chaîne alimentaire et à proposer des adaptations du cadre législatif et réglementaire. Rappelons que ce rapport a permis à la France de se distinguer en la matière sur la scène internationale en s'imposant comme le premier pays au monde à interdire aux supermarchés de jeter la nourriture invendue (Loi du 11 février 2016). Sur un registre international, un référentiel a été mis en place pour évaluer le gaspillage alimentaire afin de permettre notamment de concrétiser certains engagements internationaux comme la réduction du gaspillage de moitié d'ici 2030.

 Une prise de conscience nécessaire

Aujourd'hui, l'ampleur de ce gaspillage fait doublement réagir car il ne faut pas négliger son fort impact économique qui s'élève en France à 16 milliards d'euros, dont 13 % sont imputables à la production, 14 % à la transformation (gaz à effet de serre), 28 % à la distribution et 45 % à la consommation. Face à un tel constat, une prise de conscience collective est nécessaire ! Quelles mesures mettre en place unilatéralement pour endiguer ce phénomène ?

 Certaines initiatives ont déjà éclos pour proposer des alternatives sur le front de la consommation. Je salue notamment les actions menées par les entrepreneurs dits de la "Food Tech" tels que Fruit Magic, Too Good to Go, Zéro Gâchis, Optimiam, etc. pour réduire le gaspillage au niveau des consommateurs. Les collectivités et les régions s'illustrent également, dans le cadre de la restauration collective notamment, que ce soit via la réalisation d'actions autour du 'Bien Manger' dans les lycées (comme dans les Pays-de-la-Loire) ou la mise en place de cantines tests. A titre d'exemple, en réduisant le poids des pertes par repas de 150g à 90g, le Conseil Général de l'Isère, qui gère 96 collèges, est parvenu à économiser 1 million d'euros2 en un an.

 Même si la part du secteur de la grande distribution dans le gâchis alimentaire n'est estimée qu'entre 5 et 10 %, les distributeurs ne peuvent se permettre d'afficher de telles pertes ! Comment peuvent-ils réduire une telle marge et maîtriser davantage leurs investissements ?

 Pour endiguer le volume de denrées périssables jetées chaque année (600 000 tonnes par an), l'ADEME s'est faite le porte-voix de plusieurs initiatives à destination des acteurs de la distribution. Elle propose notamment « la réduction du nombre de références par rayon, l'optimisation de la date limite de consommation (DLC) par rapport à la date limite d'utilisation optimale (DLUO), [...] l'organisation du don, la transformation des invendus, etc. ».

 56 repas par Français gaspillés chaque année

Si elles se concrétisent, ses réflexions sont, sur le long terme, promises à un bel avenir. Mais le problème du gaspillage alimentaire est bel et bien à la fois un problème de santé publique et un dilemme économique, pour lequel une solution à court terme doit être trouvée, pour les distributeurs mais également pour les industriels. La mise en place d'un contrat de partenariat entre fournisseurs et distributeurs, proposant par exemple une collaboration étroite sur la prévision des ventes et le pilotage commun des stocks conduirait à la diminution de toute forme de gaspillage, dont le gaspillage alimentaire. Pourquoi ne pas inclure de facto ce projet collaboratif dans les prochaines négociations commerciales entre distributeurs et industriels ? En s'appuyant sur une analyse précise de leurs ventes et des besoins réels de leur clientèle, que ce soit en fonction de la saisonnalité, du lieu de vie, etc. les distributeurs pourraient davantage maîtriser leur stock d'invendus, ainsi que les coûts associés... et s'épargner d'éventuelles amendes pour non redistribution de denrées périssables.

Avec l'équivalent de 56 repas gaspillés chaque année par Français, soit trois semaines de repas quotidiens, le gaspillage alimentaire est l'un des nouveaux fléaux de notre société. Pour mieux enrayer son expansion, il faut que l'ensemble des acteurs concernés puissent davantage contrôler l'amont de leur chaîne de distribution, c'est-à-dire parvenir à mieux maîtriser à la fois la production et la distribution des aliments consommables et périssables. Le top 100 des aliments les plus gaspillés est d'ailleurs à l'étude du côté de l'Agence de l'Environnement et de la Maîtrise de l'Energie. Sa transmission 'de façon confidentielle' aux distributeurs est attendue en novembre prochain. Espérons qu'elle les aidera à mieux adapter leurs prévisions de commandes de denrées, afin d'être identifié comme un acteur engagé dans sa lutte !

[1] INRA

[2] ADEME - « Etat des lieux des pertes et gaspillages et de leur gestion par étapes de la chaîne alimentaire » / Mai 2016

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