Le « miracle » ivoirien à l'aube d'un printemps social ?

Alors que le pays enregistre une forte croissance, le président Alassane Ouattara doit démontrer sa capacité à satisfaire ces revendications sociales. Par Christian Daziano, ancien diplomate*
Le président ivoirien Alassane Ouattara

 L'Afrique était à l'honneur, à l'occasion de la réunion des ministres des Finances et des banquiers centraux du G20 à Baden Baden, le 17 mars dernier. Cinq pays africains, qui présentent les taux de croissance les plus élevés du continent, étaient invités afin de discuter d'un projet de rationalisation des financements multilatéraux, parmi lesquels la Côte d'Ivoire, le Sénégal et le Rwanda.

 La Côte d'Ivoire est ainsi, de plus en plus, citée comme un pays émergent depuis la stabilisation engagée par l'accession au pouvoir de Alassane Ouattara en 2011. A cette époque, après une élection qui avait consacré la victoire du candidat Ouattara contre Laurent Gbagbo, la France était intervenue afin de faire respecter le résultat des urnes et de mettre fin à la division du pays, entretenu par le régime d'Abidjan qui jouait sur les affrontements croissants entre le Nord musulman et le Sud chrétien.

 Un bilan spectaculaire

Depuis 2011, le bilan ivoirien est spectaculaire en matière d'amélioration des indicateurs macroéconomiques. Le taux de croissance moyen a été de 9% sur la période 2012-2016, permettant à la Côte d'Ivoire de redevenir un pays attractif pour les investissements internationaux. Abidjan s'est dotée d'un Plan national de développement (PND) pour la période 2012-2015, qui a été prolongé pour la période 2016-2020. Doté de 30.000 milliards de francs CFA, le PND a pour objectif d'augmenter l'investissement public de 2,5% à 6% du PIB.

 Par ailleurs, la Côte d'Ivoire a réalisé des progrès importants dans l'amélioration du climat des affaires. La Banque mondiale a ainsi classé la Côte d'Ivoire parmi les dix pays ayant réalisé les plus nombreuses réformes pour fluidifier le climat des affaires sur la période 2013-2014. La dette publique est en baisse et devrait se chiffrer à 40% du PIB en 2018. Enfin, la Côte d'Ivoire est le seul pays d'Afrique de l'Ouest à afficher un excédent de balance commerciale en raison de ses exportations de cacao, le pays en étant le premier producteur mondial (entre 35% à 40% selon les années).

Le défi du partage des bénéfices de la croissance

Cependant, le défi principal de la Côte d'Ivoire demeure celui du recul de la pauvreté et du partage des bénéfices de la croissance. Deux événements récents sont venus rappeler la nécessité de rééquilibrer les politiques conduites dans le « miracle » ivoirien, témoignant par ailleurs d'une normalisation quasiment achevée au terme du second mandat d'Alassane Ouattara.

 En janvier dernier, une mutinerie s'est déclenchée à Bouaké, la capitale de l'ancienne rébellion. Une partie de l'armée ivoirienne réclamait ainsi une amélioration des rémunérations et des conditions de casernement, promesses faites depuis 2011, mais qui tardaient, selon elle, à se réaliser. Il est vrai que ces mutineries, très localisées, n'ont pas suffit à semer le trouble à l'échelle nationale et doivent être analysées dans la perspective d'un pays qui est sorti, à marche forcée et avec un taux de croissance soutenue, de dix ans de guerre civile.

 Des mutineries qui ont ensuite laissé la place à un mouvement social plus classique puisque plusieurs grèves et manifestations ont été conduites, laissant ainsi la Côte d'Ivoire s'engager sur la voie d'un dialogue social constructif entre le gouvernement et des acteurs sociaux représentatifs.

 Une relative bonne santé démocratique

Certes, ces mouvements sociaux ont pu susciter des interrogations sur l'avenir du régime ivoirien, ainsi que sur les rivalités entre les anciens chefs rebelles en vue des prochaines élections pour la succession d'Alassane Ouattara, puisque le mandat de ce dernier prendra fin en 2020. En réalité, la localisation très ciblée des mutineries ainsi que les mouvements sociaux témoignent d'une relative « bonne » santé démocratique des institutions ivoiriennes, ainsi que de la normalisation engagée, et réussie, par Alassane Ouattara depuis 2011.

 Plus largement, au-delà de ces mouvements sociaux conjoncturels, la question centrale est celle du taux de pauvreté qui touche encore 46% de la population ivoirienne. Malgré l'augmentation de 40% du salaire minimum, le taux de pauvreté n'a baissé que de 5 % depuis 2011. La situation est d'autant plus complexe que les cours mondiaux du cacao, matière première dont la Côte d'Ivoire est le premier producteur mondial, ont baissé de 30% en raison de la chute du cours des matières premières.

 Le « printemps » social ivoirien est ainsi à double face : un mouvement qui appelle le gouvernement à réduire plus rapidement le taux de pauvreté en engageant une politique de croissance plus inclusive, et la normalisation complète, engagée depuis 2011, qui se traduit par de nouvelles façons de protester, privilégiant le dialogue. Le président Alassane Ouattara devra démontrer sa capacité à satisfaire ces revendications sociales, tout en préparant sa succession aux termes des élections de 2020 et sa capacité à arbitrer entre ses différents alliés, notamment Henri Konan Bédié et Guillaume Soro.

Christian Daziano, ancien diplomate, a été ambassadeur de France dans plusieurs pays africains

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Commentaires 3
à écrit le 20/04/2017 à 16:34
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Venez voir comment les ivoiriens souffrent avant d'ecrire ces inventions.

à écrit le 08/04/2017 à 17:33
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Belle analyse de la situation, seule la succession nous embarrasse aujourd'hui. On espère que son successeur saura attiré les investisseurs étrangers comme le fait le président actuel.

à écrit le 08/04/2017 à 8:48
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Tout ce que vous ecrivez est mensonge. Allez demander aux ivoiriens comment ils. Vivent .Des journalistes alimentaires que vous êtes

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