Le pharmacien est-il l'acteur de santé de demain ?

Quel peut être l'avenir pour des pharmacies actuellement mal en point ? Par Xavier Pavie, Professeur à l’ESSEC Business School

L'accélération de la disparition des pharmacies d'officine n'est plus à commenter, c'est un fait. Plus difficile, mais aussi plus positif est d'imaginer leur avenir, pour celles qui resteront. C'est dans cet esprit constructif qu'une enquête a été réalisée auprès de patients et d'équipes officinales par « Avenir Pharmacie »[1] à l'occasion de Pharmagora qui ouvre ces portes dans quelques jours à Paris.

 Les résultats sont sans appel, le pharmacien est bien l'acteur de santé de demain, mais à deux conditions. D'une part si le pharmacien d'officine cesse de se comporter comme une victime implorant protection de son monopole et devient un entrepreneur de la santé ainsi que le réclame ses patients ; d'autre part si les autorités de santé comprennent qu'il est l'Acteur incontournable pour la médecine de proximité et qu'en conséquence elles le laisse exercer ses compétences.

Crédibilité, expérience, proximité

Le pharmacien a trois qualités indéniables que nous avons déjà soulignées et que cette étude vient confirmer : sa crédibilité auprès de la population, son expérience d'expert de la santé et la proximité avec les patients. Pour ce qui est de la crédibilité, les usagers des officines ne peuvent pas être plus clairs, ils font confiance aux pharmaciens à hauteur de 94%, notamment concernant les conseils relatifs aux maladies graves. Néanmoins, charge aux pharmaciens de savoir apporter les conseils les plus pertinents car dans une économie concurrentielle de plus en plus exacerbée, le patient n'hésite pas à dire qu'il changera de pharmacie pour chercher ses conseils et médicaments dans une pharmacie spécialisée.

D'une manière plus générale c'est quasiment 100% des patients chroniques qui font confiance à leur pharmacien, aucune autre organisation de service n'obtient un tel score d'adhésion. En conséquence de quoi ces mêmes patients (2 sur 3) trouveraient normal d'avoir un entretien régulier de 15 minutes avec lui pour bien comprendre comment correctement prendre son traitement. Et il ne fait aucun doute que les usagers sont prêts à payer pour cela, puisque même pour la PDA (préparation dose à administrer) ils sont prêts à débourser jusqu'à 10€ chaque semaine.

 Un rôle déterminant

Ce que réclament les patients c'est que la pharmacie joue un rôle de coordinateur de santé, qu'elle soit la «marketplace » de la santé de proximité. C'est pourquoi 1 patient sur 2 souhaite que la pharmacie prenne en charge ses rendez-vous avec les professionnels de santé (médecins généralistes, spécialistes, infirmiers), ils considèrent même très majoritairement que le pharmacien doit être tenu au courant d'une hospitalisation et permette une bonne transition avant et après le séjour à l'hôpital. A l'heure où l'ambulatoire se développe fortement, là encore le pharmacien a un rôle déterminant à jouer.

Et ce n'est pas tout, éprouvé par une hospitalisation, le patient demande à ce que le pharmacien puisse directement s'occuper des aspects administratifs de sa santé, car celui en qui nous avons toute confiance est aussi le plus compétent pour cela. Ces demandes de services à hautes valeurs ajoutées pour lesquelles les patients se disent prêts à payer s'associent à la proximité que possède le pharmacien avec son client. Néanmoins proximité ne signifie pas forcément officine de quartier aux yeux de ce dernier. La proximité pour lui c'est la livraison à domicile qui est réclamée très largement et là encore ils sont prêts à payer pour cela. La proximité c'est aussi la vente en ligne que les plus jeunes valorisent très fortement ou encore le « Click and Collect » que les patients utiliseraient à 63% si ce service était proposé.

 Innovateur et entrepreneur

Les éléments sont posés, la santé de demain en passe par le pharmacien, reste pour celui-ci à embrasser ces responsabilités réclamées. Car s'il n'endosse pas le rôle d'innovateur et d'entrepreneur pour lequel il est attendu, cette demande sera comblée par d'autres acteurs. La livraison se fera par un géant de la livraison à domicile - Amazon est sur les rangs -, une application se développera pour coordonner les rendez-vous avec les acteurs de santé - doctolib y pense déjà - et les conseils pourront être prodiguer à distance - c'est l'ambition de doctor on demand -. Autrement dit tous les ingrédients pour l'avenir du pharmacien sont présents mais également toutes les menaces. Reste donc au pharmacien et à lui seul de décider s'il veut survivre et sous quelle forme.


[1] Etude Satispharma/OpinionWay réalisée du 21/01/17 au 09/02/2017 auprès de 4045 patients, 518 titulaires et 42 équipes officinales, avec le soutien de  Janssen, OCP et Biogaran.

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