Le Président Macron doit renouer avec ses marcheurs

On ne s'improvise, encore moins on ne s'impose pas chef d'un parti. Le choix de Christophe Castaner, même déjà très populaire, même s'il fut un porte-parole célébré des premiers mois de pouvoir, interpelle. Par Jean-Christophe Gallien, professeur associé à l'Université de Paris 1 La Sorbonne, président de j c g a.
Jean-Christophe Gallien.

Les images parlaient d'elles-mêmes samedi à Lyon. Manque d'enthousiasme d'un événement clôturant un processus très, trop contrôlé, imposé. Des visages aux mines embarrassées au cœur d'une forme très classique, très vieille politique, loin des promesses de changement de la politique. Et manquait surtout un personnage : le président de la République. Déjà nationale, européenne et en voie de globalisation, la marque politique Emmanuel Macron est autonome, presqu'auto-suffisante. Il a gagné seul, comme un gourou missionnaire, porté par une force politique "La République en marche", mouvement organique plutôt qu'organisation. Presqu'une secte, née du seul objectif de porter son chef à la Présidence de la République.

Gueule de bois

Un objectif de conquête politique non réinitialisé malgré des élections législatives gagnées largement dans la sillon de la vague présidentielle. Au cœur de la fête électorale, la séquence législative fut même porteuse des premières fractures au sein du mouvement. Les investitures, comme dans toutes les organisations politiques, mécontentant souvent les marcheurs de terrain. Comme un retour au réel politique pour des marcheurs qui se poursuivait pendant l'été et la jachère politique de terrain qui accompagne les lendemains électoraux du quinquennat et de l'enchaînement présidentielle-législatives. Comme une gueule de bois d'après fête, les troupes se retrouvèrent délaissées, avec un sentiment d'oubli.

Vint la rentrée, des sénatoriales peu populaires et encore déceptives, et les priorités gouvernementales de la Maison Macron menée de façon très 5e République. Le Président décide, le Premier ministre et le Gouvernement exécutent, le Parlement vote. Pour le 4e niveau du système, le rez-de-chaussée de la Macronie, le mouvement politique majoritaire, La République en Marche, on a le sentiment qu'il fut volontairement assoupi et placé en attente de réveil pour les prochains défis électoraux.

Chance macronienne

On nous dit que non, que cet étage de la Maison Macron fut très actif durant cette période, n'abandonnant rien de sa dynamique disruptive combinant vitesse, agilité, écoute, contenu, mobilisation... la création en continu du changement politique promis.

On veut bien le croire mais le réel semble plus mitigé. Surtout, le Président sembla peu s'y intéresser, encore moins s'en occuper. Chance macronienne, tous les autres mouvements ou partis politiques sont en reconstruction ou en refondation et surtout terriblement affaiblis et peu engagés dans la réception de la colère ou de l'espérance citoyenne.

Classiquement, un parti politique sert à conquérir et à se maintenir au pouvoir. Il a donc besoin de défis que sont principalement les élections. Il est aussi le lieu de création de l'enthousiasme collectif militant, celui qui permet la fidélisation et le recrutement de nouvelles troupes, la maison commune où s'élabore aussi le contenu politique en continu et l'instrument de la récompense politique et parfois, il faut le dire, économique et sociale.

Castaner est-il le bon leader pour LREM ?

Pour l'instant La République en Marche ne coche pas vraiment toutes les cases. C'est bien naturel, le mouvement, comme toute la France politique vit une période de transition.

Un parti politique, même innovant a aussi besoin d'un leadership légitime, d'un chef porté par une ambition collective et personnelle, un dirigeant incarnant et dédié. Surtout on ne s'improvise, encore moins on ne s'impose pas chef d'un parti. Le choix de Christophe Castaner, même déjà très populaire et surnommé Casta, même s'il fut un porte-parole célébré des premiers mois de pouvoir, même s'il peut porter une part de l'ADN profond du mouvement, interpelle.

On ne perçoit pas beaucoup d'envie. Il veut bien y aller mais veut rester au Gouvernement. Il y sera même bénévole... On sait bien qu'il n'aura pas d'autonomie, mais on ressent peu ou pas de force politique personnelle. La suite politique ne ment jamais : légitimité faible, émetteur faible, chef faible, parti faible. Même la baraka électorale d'Emmanuel Macron avec le prochain défi européen de 2019 que nous décrivions il y a peu dans ces colonnes, pourrait en souffrir.

Renouveler la vie politique : la promesse sera-t-elle tenue ?

S'Il reste au Gouvernement, Castaner ne peut demeurer simple secrétaire d'Etat fut-ce aux relations, stratégiques, avec le Parlement. Le Président Macron doit lui offrir une promotion qui renforce sa position. Nous lui conseillerions, modestement, de quitter le Gouvernement et de se consacrer totalement à sa tâche, ce qui garantirait le respect d'unes des promesses centrales de la Maison Macron, celle de renouveau de la vie politique.

Christophe Castaner va devoir piloter une transition sensible qui doit associer au marketing politique de conquête électorale, un management d'installation et de développement politique sans lequel les prochains rendez-vous du parcours électoral présidentiel et de sa finale de 2022 pourraient être complexes pour Emmanuel Macron.
Au-delà de son installation remarquable et réussie en marque politique dominante, s'il veut gagner en 2022, Emmanuel Macron doit renouer avec ses marcheurs et son entreprise politique : la République en Marche.

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Par Jean Christophe Gallien

Professeur associé à l'Université de Paris 1-La Sorbonne
Directeur général de ZENON7 Public Affairs et Président de j c g a 
Membre de la SEAP, Society of European Affairs Professionals

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Commentaire 1
à écrit le 23/11/2017 à 9:41
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Une "élection" avec un candidat unique cela fait très mauvais genre maintenant cela ne fait aussi que confirmer les nombreux doutes qu'on les français sur leur président et surtout sur ses motivations réelles.

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