Le secteur minier repart et évolue

L'activité minière a été durablement pénalisée par des prix bas ces dernières années. Mais la conjoncture change. Outre le rapport entre l'offre et la demande, les exigences environnementales et sociales ainsi que l'innovation poussent les entreprises du secteur à avoir une nouvelle approche de leur activité. Par Patrick Postal, économiste et consultant.
Patrick Postal.

Une visite au PDAC 2017, la grande convention annuelle du secteur minier canadien et principal événement mondial du secteur, qui s'est tenue à Toronto du 5 au 8 mars derniers, convainc aisément qu'en un an on est passé de la morosité à un optimisme prudent.

Des prix orientés à la hausse

La foule est là (24.000 visiteurs, 900 exposants), l'ambiance détendue, et les présentations des entreprises comme des pays ne sont pas encombrées de « si » (« si l'économie chinoise, si le plan Trump pour les infrastructures, si on arrive à lever des fonds... »). Par un dimanche matin glacial, il y avait 300 personnes pour écouter religieusement les perspectives du bassin cupro-aurifère qui s'étend des Balkans à la Turquie ; 250 personnes pour celles de la Mongolie. Le lendemain, on se bousculait pour écouter le ministre argentin des Mines.

Les économistes (WoodMackenzie, CRU, S&P) considèrent que les prix ont touché le fond. Le rebond est très significatif pour certains métaux, moins net voire absent pour d'autres. Si la tendance de fond paraît claire, chaque métal connaît un cycle qui lui est propre, en fonction de l'évolution de la demande, des possibilités de recyclage ou de substitution, de la régulation de l'offre (stocks, fermetures volontaires de capacités), de la géopolitique, des facteurs politiques ou sociaux, des accidents, de la météorologie, etc.

La tendance de fond, elle, semble répondre à une stabilisation de la demande chinoise, à une demande indienne soutenue, à une modeste incidence du programme infrastructures de l'administration Trump, et surtout à la forte croissance de la demande issue de la transition énergétique (batteries, solaire) et de l'économie numérique (réseaux câblés, téléphones portables...). A ce jeu, les gagnants sont le cobalt, le cuivre, le lithium, l'or. A un moindre degré, le zinc, le manganèse, l'aluminium, le nickel. Le minerai de fer et le charbon resteraient durablement pénalisés par les surcapacités, et l'impact environnemental pour le charbon.

Dans ce contexte encourageant, l'exploration redémarre après quatre années de baisse des investissements, tant dans les grands pays miniers (Canada, Australie, Etats-Unis, Chili) que dans ceux encore peu prospectés (l'Afrique en général, les Balkans). Ceux qui ont vu les opérateurs se détourner soit pour des raisons de sécurité (Colombie), soit en fonction d'un environnement politique inadapté (Brésil, Argentine, Mongolie), tentent de séduire à nouveau en améliorant leur modèle ou en mettant leurs atouts en avant.

Un nouveau paradigme?

Tout aussi intéressante que l'équilibre offre-demande est la transformation rapide du secteur dans son modèle microéconomique. L'expression à la mode est la « licence sociale » (par analogie à la licence environnementale et autres licences nécessaires pour prospecter ou produire), soit l'« obligation » morale mais surtout pragmatique de travailler en harmonie avec son environnement. Et par cela il faut entendre non seulement l'obtention de l'adhésion des communautés riveraines et la satisfaction des obligations légales et fiscales du pays, mais la construction d'une économie durable tant pour ces communautés immédiatement voisines que de celles qui n'auront pas de retombées économiques du projet, seule à même de garantir la durabilité du projet. Une session spéciale était dédiée à l'intégration des peuples premiers.

C'est ce qu'a dit Mark Cutifani, le CEO d'Anglo American, en insistant sur la nécessité de de s'assurer de la « licence sociale » dès la conception du projet minier. Autrement dit, passer en force ne paie pas sur le long terme. Mark Cutifani complétait son profil de l'entreprise performante avec trois qualités complémentaires : l'innovation à tous les étages, un bilan solide - et de la résilience, beaucoup de résilience.

Dans une ambiance de prix médiocres (et les prix actuels le restent si on compare à ceux des dix dernières années), la productivité est essentielle. Les réductions de coûts sont spectaculaires chez certains opérateurs. Les consommations d'eau, d'énergie, sont dans le viseur. Et l'innovation opère : mécanisation, automatisation, digitalisation, changement de modèle. Vale a présenté sa nouvelle mine de fer à ciel ouvert, sans camions (Complexe Eliezer Batista) : une économie de 70% sur le diesel, de 50% sur le personnel.

Cette nouvelle industrie minière, toute pénétrée de responsabilité sociale et environnementale (et répondant ainsi aux vœux du Pape François, comme Mark Cutifani s'est plu à le souligner), permettra-t-elle d'affranchir les pays hôtes de la « malédiction hollandaise » ? Les gouvernements, les sociétés civiles devront certainement faire leur part. En tout cas, la profession est soucieuse d'améliorer son image de marque et cherchera à mieux communiquer, ne serait-ce que pour attirer les talents.

Il n'est pas contestable que l'humanité continuera longtemps d'avoir besoin des ressources de la croûte terrestre. Si l'on peut de façon assez théorique imaginer une planète abandonnant les usages énergétiques du pétrole et gaz, on ne voit pas comment on pourrait à horizon prévisible remplacer le fer, le cuivre, l'aluminium, le platine, le nickel...

L'Europe discrète, la France absente

Au moment présent, l'Europe ne pèse ni par sa demande, atone, ni par ses opérateurs, en retrait par rapport aux Nord et Sud Américains et aux Chinois (à l'exception du suisse Glencore), ni par ses ressources minières, limitées.

La France n'était représentée que par quelques sociétés (CGG, Dassault Systèmes, Veolia...) alors que l'Allemagne avait un pavillon (nombreuses machines et technologies) et une session technique en association avec McKinsey, la Suède et la Finlande aussi, soucieuses de promouvoir leur domaine minier et leurs technologies.

La France a pourtant des atouts à faire valoir : des centres de formation prestigieux (Ecoles des Mines, Nancy, Strasbourg, s'appuyant sur une recherche de qualité (physique du globe, BRGM...), une tradition de services à haute valeur ajoutée (géologie et géophysique, modélisation et logiciels, travaux miniers, environnement...), des entreprises minières performantes dans leurs segments respectifs (Eramet, Areva, Imerys, Arcelor-Mittal...). Les réunir en un « pack France » (pour prendre un terme de rugby) pourrait être très bénéfique dans la conquête des marchés extérieurs. Il y a des marchés à prendre, et pas de honte à avoir de ces métiers de la mine, dès lors qu'on adopte les bonnes pratiques.

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaire 1
à écrit le 30/03/2017 à 8:16
Signaler
La France devrait donner l'exemple en mettant une taxe sur l'énergie pour financer les charges sociales, comme le propose la note n°6 du CAE. Mais il ne faut pas attendre d'être en faillite pour le faire!

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.